Ce qu'il faut savoir avant de demander une rupture conventionnelle à son employeur

Pas toujours facile à obtenir, la rupture conventionnelle attire de nombreux jeunes diplômés, désireux de quitter leur entreprise. L'Etudiant vous livre tout ce qu'il faut savoir pour anticiper au mieux votre demande et gérer la procédure.
Si vous souhaitez quitter votre entreprise, la rupture conventionnelle est probablement la solution la plus avantageuse pour vous. Elle permet à l'employeur et au salarié de convenir d'un commun accord de la rupture d'un CDI, donnant droit à des indemnités de départ et au chômage.
Cette solution attire notamment les jeunes actifs : en 2018, un quart des signataires de ruptures conventionnelles avaient moins de 30 ans selon une étude du ministère du Travail, rappelle Capital. "Jamais je n'aurais imaginé qu'on me l'accorde", admet Geoffrey, qui y a eu recours l'année dernière pour quitter son entreprise.
Dans les faits, une rupture conventionnelle peut être initiée par le salarié dans de nombreuses situations. Volonté de changer d'entreprise, déménagement, opportunité de contrat ailleurs…
Rupture conventionnelle : l'employeur n'a pas l'obligation d'accepter
Mais se lancer dans une telle démarche n'est pas anodin et demande de l'anticipation. "C'est comme un bras de fer : il faut que le salarié se prépare", affirme Apolline Tocquet, avocate en droit du travail. La rupture conventionnelle se négocie "entre deux parties aux intérêts divergents", précise l'avocate. En d'autres termes, si un jeune actif souhaite mettre fin à son contrat, mais que l'entreprise considère que c'est un bon élément, "elle pourra avoir du mal à le laisser partir".
D'autant que l'employeur n'a aucune obligation d'accepter une demande de rupture conventionnelle de son salarié, et inversement. Que la demande soit à l'initiative du supérieur ou de l'employé, il est nécessaire de "s'assurer du libre consentement des deux parties" au moment de la procédure, avertit Marie Petit, avocate en droit du travail. En d'autres termes, vérifier que le consentement du salarié soit libre et éclairé au moment où il accepte une rupture conventionnelle, et qu'il n'ait pas été influencé par une quelconque manière.
Côté démarche, aucune règle ni "formalisme" ne prévalent, mais les deux avocates conseillent plutôt une approche informelle, dans un premier temps. "Il vaut mieux tâter le terrain oralement d'abord, pour observer la réaction de son employeur en face, assure Marie Petit. Si besoin, après, on formalise sa demande par l'envoi d'un mail". C'est précisément le procédé qu'a suivi Alizée il y a trois ans. "J'en ai parlé en entretien, et ensuite mon N+1 m'a demandé d'envoyer une lettre avec accusé de réception à la DRH", raconte-t-elle.
Possibilité de se faire accompagner pendant l'entretien
Une fois que cette demande est faite, l'employeur devra s'inscrire dans une procédure encadrée par le droit du travail, et convoquer le salarié à un entretien. "Ce moment d'échange formel permet de discuter des modalités, à savoir la date de rupture et l'indemnité de rupture conventionnelle", précise Marie Petit. Un entretien au minimum est obligatoire, mais il est possible d'en faire plus si besoin.
À noter que le salarié a le droit de se faire accompagner par un représentant du personnel ou un collègue de l'entreprise. "Il est également possible d'être assisté d'un conseiller du salarié, figurant sur des listes établies dans chaque région par la Dreets ", ajoute Marie Petit. Il s'agit de personnes bénévoles soumises au secret professionnel et pouvant intervenir dans les entreprises, lors d'entretiens préalables au licenciement ou à la rupture conventionnelle.
Se faire assister n'est pas une obligation, mais permet de "rééquilibrer le rapport de force" pendant les négociations, assure Apolline Tocquet. Un élu du personnel peut ainsi "faire état des préjudices que le salarié a connus", si c'est le cas. Par ailleurs, en tant que "salarié protégé", le représentant du personnel dispose d'une liberté de parole plus importante, précise l'avocate. "Si le salarié n'a pas envie d'aborder certains éléments, l'élu peut le faire à sa place."
Date de rupture du contrat et indemnité
Les deux parties doivent alors déterminer la date de rupture du contrat. "Pas de préavis dans le cadre d'une rupture conventionnelle, l'employeur et le salarié se mettent d'accord pendant la discussion, en fonction des projets à terminer", explique Apolline Tocquet. Geoffroy, par exemple, est resté encore trois mois le temps de terminer ses missions. Dans tous les cas, cette date ne peut pas intervenir avant la date d'homologation de la rupture (qui doit intervenir dans les 15 jours ouvrés suivant la date de signature de la convention).
L'indemnité spécifique de rupture conventionnelle doit, quant à elle, respecter un plancher prévu par le code du Travail. "Le montant ne peut pas être inférieur à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement", explique Apolline Tocquet. Cette indemnité représente au minimum 1 quart de mois de salaire par année d'ancienneté, mais peut être plus élevé, selon les conventions décidées par certaines branches d'activité. "Il faut bien vérifier que la convention collective propre à son métier ne prévoit pas une indemnité plus favorable. Si c'est le cas, c'est à elle de s'appliquer", précise Apolline Tocquet. Pour Alizée, l'indemnité a été d'environ 5.500 euros pour presque quatre ans d'ancienneté.
Le droit au chômage
Contrairement à la démission - qui constitue l'autre principal mode de rupture d'un CDI pouvant être initié par l'employé - la rupture conventionnelle donne accès aux allocations chômage.
Bien défendre son projet professionnel
Au moment des discussions, une négociation de l'indemnité est possible, mais elle reste assez rare. "Si la rupture conventionnelle est à l'initiative du salarié, cela peut être plus difficile d'obtenir plus que l'indemnité légale", admet Apolline Tocquet. "Je n'ai pas osé demander plus, c'était déjà très bien qu'on me l'accorde", raconte Geoffrey.
Et pour cause, la rupture conventionnelle coûte plus cher à un employeur qu'une démission, qui ne prévoit pas d'indemnité. L'important reste donc de bien défendre son projet professionnel et "les raisons qui montrent qu'on a vraiment besoin de cette rupture conventionnelle", ajoute l'avocate.
Alizée, en situation de burn out à l'époque, a expliqué qu'elle ne pouvait pas enchaîner avec un emploi derrière et avait "vraiment besoin du chômage". Geoffroy a quant à lui mis en avant "un projet de création d'entreprise dans un autre domaine". Grâce à sa rupture conventionnelle, il peut aujourd'hui se lancer dans la cosmétique après plusieurs années à travailler dans les nouvelles technologies.