"C’est la jungle, on se rue tous sur les mêmes offres" : en communication et marketing, la quête très difficile du premier emploi
Dans un contexte où l'attractivité des secteurs de la communication et du marketing se renforce, de nombreux jeunes actifs rencontrent des difficultés à trouver un premier emploi. Cinq d'entre elles racontent.
"Cinq ans d'études pour finir au chômage", "pourquoi choisir le marketing alors que c'est bouché", "comment trouver un travail dans la com"... Sur TikTok, de nombreux jeunes diplômés racontent leur périple pour trouver un premier emploi dans le secteur de la communication et du marketing. Et pour cause, ces deux domaines attirent de plus en plus de jeunes, chaque année.
Les établissements l'ont d'ailleurs bien compris en étant de plus en plus nombreux à proposer des cursus dans ces secteurs. "Les possibilités de poursuite d'études en bachelor, licence pro et mastères ne cessent de s'accroître, notamment dans le privé lucratif", affirme Lénaïck Pruny, enseignante coordinatrice du BTS communication du lycée Galilée, à Cergy (95). "De nombreuses grandes écoles de commerce et d'ingénieurs se diversifient aussi sur ces métiers", pointe par ailleurs Caroline Grassaud, directrice de l'ISCOM Paris.
Cette croissance de l'offre de formation va de pair avec un marché de l'emploi qui se densifie. "Aujourd'hui, toutes les entreprises ou structures quelles qu'elles soient ont besoin de communiquer", assure Frédéric Armand, président du Club de la Com. Mais ce dynamisme des offres et des besoins ne traduit pas toujours une insertion professionnelle rapide au rang des diplômés. L'Etudiant a contacté quelques-uns de ces jeunes actifs pour qu'ils racontent leur expérience.
Le défi du premier poste dans la communication
Diplômée depuis 2022, après un BTS, une licence professionnelle et un master en communication, soit cinq ans d'études au total, Marie-Claire se dit aujourd'hui découragée. Cela fait plus d'un an que la jeune femme de 26 ans s'attelle à postuler un peu partout pour trouver un poste dans son domaine, en vain.
Lors du dernier entretien qu'elle a eu, fin mai, la jeune diplômée pensait pourtant être prise. "Finalement, au bout de trois entretiens, j'ai reçu une réponse négative, regrette-t-elle. La RH m'a expliqué que je n'étais pas assez expérimentée pour le poste". Une justification que Marie-Claire a du mal à comprendre. "On t'encourage à faire des longues études et ensuite, on ne te donne pas l'opportunité de prouver ce que tu vaux", déplore l'ancienne étudiante.
Anaïs a été confrontée à une réalité similaire lors de ses recherches. Après un mois de processus de recrutement et divers entretiens, dont un avec le service RH et le chef d'entreprise, la jeune femme de 24 ans reçoit finalement un verdict négatif. "Ils m'ont expliqué que malgré la qualité de mon profil, ils avaient préféré un profil plus sénior", détaille l'ancienne étudiante.
Avoir de l'expérience nécessaire pour son premier emploi ?
Derrière la déception et un sentiment d'incompréhension, plusieurs jeunes diplômés interrogés pointent du doigt l'existence de fiches de poste qu'ils jugent "trompeuses". À ce titre, "le poste parlait pourtant bien d'un 'chef de poste junior'", questionne Anaïs.
De même, "certaines offres s'intitulent 'chargé de communication junior', pour ensuite demander dans le descriptif du profil recherché, au moins trois ans d'expérience", détaille de son côté Sacha*, ancienne étudiante en communication dans une école privée.
Autre difficulté : d'autres recruteurs semblent exiger "trois ans d'expérience hors alternance et stages", déplore la jeune diplômée, qui a passé plusieurs mois au chômage après une première expérience en CDD. "Il faudrait avoir 25 ans, bac+5 et cinq ans d'expérience. Comment on fait, quand on sort tout juste d'école ?", s'interroge-t-elle.
Anaïs décrit, elle aussi, cette frustration : "j'ai été pendant quatre ans en alternance et c'est comme si je n'avais rien fait". Pourtant, Philippe Gisclon l'affirme : "l'expérience en stage et en alternance devrait être comptabilisée". Le directeur de l'ISCOM Lyon met en avant l'importance d'apprendre aux étudiants à valoriser leurs passages en entreprise auprès des recruteurs. "Il y a énormément de mise en pratique qu'il faut pouvoir raconter", ajoute-t-il.
Un secteur trop attractif ?
Mais cette professionnalisation au cours du cursus ne fait parfois pas tout. Dans le contexte actuel, l'attractivité des secteurs de la communication et du marketing se renforce à un point tel qu'une concurrence écrasante s'impose à tous les nouveaux candidats arrivant sur le marché.
Sur les jobs boards, "c’est la jungle, on se rue tous sur les mêmes offres", ironise Marie-Claire. "Lorsqu’on tombe sur une proposition de poste et qu'on voit qu'en ayant été publiée la veille, il y a déjà une centaine de candidatures, c'est décourageant", admet la jeune diplômée.
Du côté des établissements, la piste de mieux réguler les filières en fonction de l'état actuel du marché pourrait faire son chemin. À l'ISCOM, une offre adaptée selon les territoires est proposée : "on veut leur promettre qu'ils ne seront pas en difficulté lors de leur insertion", défend Cécile Montigny, directrice entreprises et carrières de l'établissement.
De manière générale, "il faudrait réfléchir à comment les écoles pourraient mieux recruter les futurs communicants, en se disant : 'on aura peut-être moins de professionnels mais ils seront mieux armés pour s'insérer", suggère Frédéric Armand.
Baisser ses exigences
Face à ces multiples refus, beaucoup de jeunes diplômés interrogés partagent un sentiment de frustration. Manon, diplômée d'un master en communication dans une école privée, a passé plus de huit mois au chômage et décrit une période compliquée. "J'étais extrêmement stressée, j'avais perdu totalement confiance en moi", se rappelle la jeune femme de 25 ans, finalement en poste depuis quelques jours.
Pour espérer trouver, nombreux sont ceux qui, comme elle, affirment avoir revu à la baisse leurs exigences. "Au début, je cherchais précisément un poste dans le marketing de luxe, mais avec le temps, j'essaie d'élargir mes horizons", affirme Anaïs, qui admet commencer à regarder du côté des postes en tant que community manager.
Même stratégie pour Myriam, diplômée d'une école de commerce du top 10 et qui, après de longs mois et de "nombreux refus" en marketing, a décidé d'ouvrir ses recherches aux cabinets de conseil.
La pression financière
Pour Marie-Claire, la pression monte. "Mes droits au chômage se terminent cette année, donc l'angoisse de ne rien trouver d'ici là me traverse de plus en plus", admet la jeune femme de 26 ans. Du côté de Myriam, le même type d'inquiétude domine. En janvier 2025, la jeune diplômée de 24 ans devra commencer à rembourser son prêt étudiant, qu'elle a contracté pour financer son cursus.
"Si d'ici là, je n'ai pas d'emploi stable, je serai forcée de prendre un job alimentaire." Un sacrifice qu'elle va tenter d'éviter coûte que coûte, en continuant quand même de postuler "où (elle) peut", malgré la pause estivale.
*Le prénom a été modifié