Phoenix CMS Accéder au BO
Décryptage

Chômage : pourquoi il va probablement augmenter chez les jeunes ?

Le taux de chômage des 15-24 ans a augmenté d'1,4 point sur le dernier trimestre.
Le taux de chômage des 15-24 ans a augmenté d'1,4 point sur le dernier trimestre. © C.CASABIANCA/REA
Par Rachel Rodrigues, publié le 03 mars 2025
1 min

Les indicateurs économiques se rejoignent pour signaler un changement de tendance, annonçant une hausse imminente du chômage et un contexte peu propice aux embauches. En première ligne de cette dégradation : les jeunes diplômés, fraîchement arrivés sur le marché du travail.

Quand Cécile s'est lancée sur le marché du travail, quelques mois après avoir obtenu son diplôme, elle ne s'attendait pas à rencontrer autant de difficultés. "Au début, je ciblais des CDI, mais j'ai vite compris que ça allait être compliqué", raconte la jeune diplômée de 24 ans, ancienne étudiante en école de commerce, qui est restée au chômage pendant plus d'un an, malgré l'envoi d'au moins 300 candidatures. 

Elle est loin d'être la seule. Dans ses dernières statistiques publiées début février, l'Insee rappelle qu'en un an, le taux de chômage des 15-24 ans a augmenté d'1,4 point, malgré une légère baisse de 0,8 point sur le dernier trimestre. "Si on compare à la situation sur les 10 dernières années, ce taux était plutôt à la baisse depuis 2015", commente Marion Mauchaussée, maîtresse de conférences en économie à l'université catholique de Lille, chercheuse associée au CEET .

Autre donnée importante : le nombre de jeunes du même âge situés dans le "halo" autour du chômage, passé de 530.000 à 623.000 en un trimestre. Cet indicateur regroupe toutes les personnes sans travail qui restent en marge des chiffres officiels, soit parce qu’elles ne cherchent plus activement (par découragement, ou en raison d'une formation), soit parce qu’elles ne peuvent pas travailler tout de suite, même si elles le souhaitent.

Un contexte économique incertain

Derrière ces chiffres se cache "un retournement de la conjoncture économique", affirme Bruno Coquet, analyste à l'OFCE . Et pour cause, plusieurs experts interrogés pointent du doigt une dynamique qui avait démarré avant la crise du Covid-19. "L'idée était plutôt de baisser les coûts des entreprises, de les pousser à investir, dans le cadre de grands projets de réindustrialisation", explique Nathalie Chusseau, économiste et professeure à l'université de Lille

Puis le Covid est arrivé. "On en a pas ressenti les effets tout de suite sur l'emploi en raison d'argent injecté par l'État pour soutenir les entreprises", poursuit l'économiste. Mais ces dernières années, plusieurs événements mondiaux sont venus compliquer la donne. Guerre en Ukraine, augmentation des prix de l'énergie, inflation… "Un ralentissement a aussi été observé dans plusieurs économies du monde", ajoute Bruno Coquet. 

Le nombre de plans sociaux déclenchés ces derniers mois peut aussi donner des indices sur la situation économique : "on voit bien ce qui se passe dans la grande distribution, mais aussi dans l'industrie", explique Nathalie Chusseau. En outre, le nombre de faillites d'entreprises a connu un niveau record lors du dernier trimestre 2024. "Parmi elles, il y a probablement eu des entreprises qui bénéficiaient du prêt garanti par l'État post-Covid et qui ne peuvent aujourd'hui pas le rembourser", pointe l'économiste.

Les jeunes, en première ligne du gel des embauches

Plus récemment, le contexte budgétaire incertain a poussé les recruteurs à geler leurs embauches, ou à les repousser. Des reports qui touchent en premier lieu les jeunes actifs.

"En moments de crise, les recruteurs s'attaquent d'abord aux postes temporaires en décidant d'arrêter le recours à l'intérim ou en ne renouvelant pas certains CDD", expose Olivier Guivarch, secrétaire national à la CFDT. Or, "les jeunes passent souvent par ce type de postes pour entrer dans le monde du travail".

Des périodes de chômage plus longues pour les jeunes diplômés

Ce contexte est d'autant plus délicat pour les jeunes actifs qu'il "allonge leur durée pour entrer sur le marché du travail et leur période de recherche d'emploi", détaille Nathalie Chusseau. Ainsi, sur des emplois stables, les recruteurs auront tendance à valoriser des profils plus qualifiés avec des "compétences" spécifiques et une expérience plus importante. 

C'est précisément l'observation qu'a fait Cécile lorsqu'elle cherchait un poste dans le domaine du marketing du luxe, l'année dernière. "Je voyais beaucoup d'annonces pour des offres de stage, d'alternance, mais presque jamais pour des postes de junior. À chaque fois, il fallait minimum cinq ans d'expérience", se souvient la jeune femme, qui compte sur le doigt d'une main le nombre d'entretiens qu'elle a réussi à décrocher malgré ses multiples stages.

Moins de postes de junior

"Il est indéniable que certains recruteurs ont pu faire le choix de recruter des alternants plutôt que des jeunes actifs ces dernières années parce que cela leur coûtait moins cher, grâce aux aides et aux exonérations", affirme Bruno Coquet. "Au lieu de créer de l'emploi, les entreprises décident de se reporter sur l'alternance", abonde Marion Mauchaussée.

En termes de projection, les experts s'accordent à penser qu'une hausse du chômage pourrait se confirmer dans les mois, voire dans l'année à venir. D'autant plus que "concernant les contrats aidés, les budgets ont été fortement coupés, rappelle Bruno Coquet. C'est une solution en moins pour les jeunes éloignés de l'emploi". De quoi craindre des débuts plus compliqués pour les jeunes actifs, notamment dans les secteurs habituellement bouchés comme le marketing, la communication, ou encore le journalisme.

Vous aimerez aussi

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !