Décryptage

Discriminations à l'embauche : ces dispositifs qui peuvent vous aider

Selon un testing de l'INSEE, 40 % des candidats issus de l'immigration souffrent de discriminations à l'embauche.
Selon un testing de l'INSEE, 40 % des candidats issus de l'immigration souffrent de discriminations à l'embauche. © plainpicture/Westend61/Uwe Umstätter
Par Étienne Gless, publié le 08 novembre 2017
8 min

Manque de réseau ? Originaire de quartiers défavorisés ou de milieux modestes ? Victime de discriminations ? Des dispositifs existent pour compenser les inégalités sociales dans l'accès à l'emploi.

"Il est clair que ni mon nom, ni mon prénom – qui sonnent étrangers – ni ma couleur de peau ne m'aident". Malika ne décolère pas. Diplômée en 2015 d'un master communication des entreprises, major de sa promo avec 15/20 de moyenne, studieuse, avec un bon relationnel... la jeune femme peine à trouver un emploi stable à temps plein à la hauteur de ses compétences. "Mes anciens tuteurs de stage m'ont tous recommandée. Mais aujourd'hui, j'ai toujours du mal à trouver un emploi. Alors que d'autres étudiants de ma promotion, qui ont eu des problèmes avec leurs entreprises et étaient souvent absents aux cours, ont trouvé le leur."

Les récentes opérations de "testing" menées par le ministère du Travail auprès de grandes entreprises le prouvent : pour les jeunes diplômés qui ont une ascendance migratoire directe, l'accès à l'emploi fait encore l'objet de fréquentes discriminations. Par exemple, les candidatures "maghrébines" n'intéressent que 28 % des entreprises testées qui leur préfèrent les candidatures "hexagonales" (43 %). Des candidats sont encore éliminés en raison de la consonance de leur nom, de leur adresse de résidence ou de leur couleur de peau. "Ces discriminations compromettent l'insertion professionnelle des jeunes diplômés dont le parcours d'accès à l'emploi est déjà compliqué", dénonce Jacques Toubon, le Défenseur des droits.

Les motifs de discrimination à l'embauche pour les personnes d'origine étrangère

Source : étude "Accès à l'emploi et discriminations liées aux origines". Appel à témoignages pour le Défenseur des droits.

Gare au piège du déclassement

Surtout la fréquence des expériences de discrimination peut avoir des conséquences désastreuses sur le projet professionnel : selon la même étude du Défenseur des droits, 31 % des victimes de discriminations ont fini par accepter un emploi inférieur à leur qualification. 28 % déclarent avoir accepté un emploi précaire et 25 % disent même avoir renoncé à leur projet professionnel.

Certains contournent l'obstacle et envisagent de s'expatrier dans des pays plus ouverts à la différence, ou de créer leur entreprise : "Je travaille dans l'informatique bancaire, j'ai 27 ans, un bac+5, je parle quatre langues couramment, j'ai de l'expérience mais toujours pas de CDI (contrat à durée indéterminée). Je pense à changer de pays et à monter ma boîte à l'étranger", réfléchit ainsi Nubia.

La force des réseaux de soutien

"Le parrainage m'a sauvé alors que je perdais pied en prépa", confie Armand-Julien, 26 ans, ingénieur diplômé en poste chez le maroquinier Hermès (lire l'encadré). Surmonter seul(e) discriminations et inégalités sociales durant sa formation ou son insertion professionnelle relève souvent de la mission impossible. Vous devez vous faire aider.

"Avec le mentorat, nous faisons plus que compenser le handicap social des jeunes : six mois après l'obtention de leur diplôme, les jeunes que nous mentorons sont 27 % de plus à être en emploi en CDI que la moyenne nationale des diplômés de niveau équivalent", assurent Boris Walbaum et Benjamin Blavier, les cofondateurs d'Article 1, une association qui lutte contre l'inégalité des chances.

"Née en 2017 de la fusion de deux associations Frateli et Passeport Avenir, Article 1 œuvre pour que l'orientation, la réussite dans les études et l'insertion professionnelle ne dépendent pas des origines sociales, économiques et culturelles", confient ses promoteurs qui veulent passer à la vitesse supérieure et aider 100.000 jeunes d'ici 2020.

Un mentor pour aider à la réflexion

"Heureusement que des dispositifs comme NQT ("Nos quartiers ont des talents") existent ! Cela m'a permis de gagner le réseau que je n'avais pas", confie de son côté Mansour Ndao, 23 ans, diplômé de Grenoble École de management et actuellement conseiller pédagogique chez OpenClassrooms, l'école en ligne. "Pour la majorité des jeunes de milieux sociaux modestes, le plus grand frein pour l'accès à l'emploi est l'absence totale de réseau", rappelle Yazid Chir, chef d'entreprise et président de NQT, qui propose un accompagnement personnalisé vers l'emploi à des jeunes diplômés de niveau bac+3/4 minimum et issus de milieu modeste ou de quartiers défavorisés.

Le jeune homme cherchait un travail qui ait du sens. Une première expérience dans un grande société de conseil à l'été 2017 l'avait désenchanté. "Je me suis inscrit à NQT qui m'a mis en contact avec une responsable ressources humaines chez LinkedIn, également coach : elle m'a beaucoup aidé dans ma réflexion et dans ma préparation au recrutement. NQT m'a proposé une offre d'emploi chez Openclassroom. J'ai été recruté. Et désormais j'ai un job qui a du sens pour moi : j'aide des étudiants à trouver leur voie, du diplôme à l'emploi. Mission accomplie !"

Carnet d'adresses : 4 réseaux à connaître

À compétence égale : une association professionnelle de cabinets de recrutement qui promeut la diversité auprès des employeurs.

Article 1 : programmes de mentorat individuel pour étudiants, campus de soutien méthodologique, bourse pour partir à l'international améliorer son anglais...

Nos quartiers ont des talents (NQT) : coaching de jeunes diplômés bac+3 ou 4 minimum, de milieux modestes, dans leur recherche d'emplois par des cadres expérimentés. NQT organise une journée dédiée à l’emploi des jeunes diplômés (témoignages, mise en relation avec des parrains…) le 15 novembre à Paris au Centquatre. Inscriptions au forum Talents Hub by NQT ici.

Mozaïk RH : cabinet spécialisé dans le recrutement de talents issus de la diversité. À noter que la fondation Mozaik organise (avec Accenture et le club XXIe siècle) le 27 novembre 2017, à Bercy "Potentiels" un forum de recrutement inédit basé sur les potentiels et non les compétences (CV, expériences, formation) des candidats. Pensez à vous préinscrire, les places sont imitées.

Armand-Julien Bitalika, 26 ans, chef de projet chez Hermès : "Le parrainage et l'alternance m'ont sauvé !"

"Je perdais pied en deuxième année de prépa TSI (technologie et sciences industrielles) au lycée Le-Corbusier à Aubervilliers. J'avais dû prendre un job pour des raisons financières et familiales. C'était incompatible avec des études en prépa : je travaillais entre 16 et 25 heures par semaine. Une prof m'a présenté le programme Passeport Avenir (devenu Article 1) qui vient en aide aux étudiants méritants issus de milieux modestes. Un tuteur cadre en entreprise m'a accordé de son temps pour mener une réflexion sur mon parcours et construire un projet professionnel. Cela m'a reboosté !", sourit le jeune homme qui, après une année à l'université, a repassé les concours d'école d'ingénieurs et intégré l'EISTI, école d'ingénieurs en informatique et mathématiques à Cergy.

"J'ai suivi le cycle d'études en 4 ans au lieu de 3 ans car j'ai dû redoubler le deuxième semestre de la première année. J'avais dû prendre un crédit et un job pour financer cette école, justifie Armand-Julien. Ma situation s'est améliorée en seconde année d'école : le stage que j'effectuais dans une entreprise de distribution à Bordeaux correspondait à ma formation. Puis, en dernière année, j'ai pu signer un contrat de professionnalisation et étudier en alternance chez Hermès. J'étais rémunéré et je pouvais rembourser une partie de mon crédit !" Après un an en alternance chez Hermès, sa supérieure hiérarchique, contente de ses résultats, a réembauché le jeune homme, en CDD (contrat à durée déterminée) pour 18 mois. "Ce poste m'offre la possibilité de déplacements à l'étranger, en Europe et au Japon. Il me permet de rattraper le manque d'expérience à l'international sur mon CV." Tout au long de son parcours de formation et d'insertion, l'ingénieur a été suivi par son tuteur : "On s'est encore vu vendredi dernier !", sourit Armand-Julien.

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