Droit du travail : quand les étudiants et jeunes diplômés n'ont pas les codes

À l'occasion de la journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, ce 28 avril, il est important de rappeler que de nombreux jeunes qui s'apprêtent à intégrer le monde du travail maîtrisent insuffisamment leurs droits, ce qui peut parfois leur jouer des tours. Il existe pourtant plusieurs organismes dédiés à leur information et à leur accompagnement, mais encore mal identifiés.
Comptabilisant plus de 4.000 pages, le code du travail français est l’un des plus volumineux au monde. Or, un autre principe fondamental du droit dicte que "nul n’est censé ignorer la loi". Deux écueils auxquels se heurtent une bonne part des étudiants et des jeunes diplômés.
Selon une étude de l'Apec de septembre 2024, 51% des étudiants estiment en effet connaître "assez mal, voire très mal" le droit du travail, et 39% se sentent peu familiers avec les contrats de travail. À l'occasion de la journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail 2025, ce lundi 28 avril, l'Etudiant a rencontré des étudiants qui ont pâti d'une méconnaissance en droit du travail, et donne quelques pistes pour se former.
Des termes peu évocateurs
Comme beaucoup de ses camarades, Eléonore, 22 ans, en 3ème année en alternance de BUT ASSC à l’université Bordeaux Montaigne, ne va pas plus loin que l’essentiel. "Pour mon emploi actuel comme pour mes jobs étudiants, je lis attentivement mon contrat et vérifie mon brut et mon net sur mes fiches de paie, mais je serais incapable de dire ce que recouvrent les autres lignes", évoque-t-elle.
Lucas, en M2 Management de la communication d’entreprise en alternance, à l’IAE d’université Côte d’Azur (UniCA), n’est guère plus vigilant. "Je regarde salaire, durée horaire du travail et congés, mais l’ancienneté, la répartition des bénéfices ou les mutuelles, ça ne me parle pas vraiment", évoque l'étudiant de 23 ans.
Heures sup ou congés non réclamés
Plus d’un a eu à se mordre les doigts de ce manque d’information. A l’instar de Lola, 23 ans, en M2 droit des affaires internationales à l’université Aix-Marseille. "Mon premier job était un contrat étudiant de 12 heures dans une enseigne de restauration rapide, que mon patron gonflait régulièrement en me faisant signer des avenants, témoigne-t-elle. Je m’exécutais, sans trop savoir de quoi il retournait." Ce n'est que trop tard que l'étudiante s'est rendue compte qu'il s'agissait en réalité d'heures supplémentaires, "qui auraient dû être majorées de 25%".
C’est également avec amertume que Nino, 23 ans, apprenti en dernière année d'école d'ingénieurs, se souvient ne "pas avoir été informé qu'il était possible de poser des jours pour examen qui s'ajoutent aux congés payés et sont rémunérés".
Une génération difficile à toucher
Des lacunes d’abord liées aux spécificités de la "Gen Z", selon le responsable du SOIPARé de l’UniCA . "La valeur travail a moins d’importance pour elle que pour la précédente, ce qui la pousse à attendre qu’on lui donne l’information plutôt qu’à aller la chercher", estime-t-il.
S’y ajoute une culture du "zapping" professionnel, particulièrement répandue chez les jeunes, comme le montre notamment une enquête CESI / IPSOS de juin 2024. "Si les jeunes ne se sentent plus bien dans leur emploi, ils n’hésiteront pas à le quitter. C’est pourquoi ils sont souvent moins regardants sur les conditions de travail", regrette Nawel Benchlikha, responsable jeunes pour la CGT.
Enfin, Jean-François Foucard, secrétaire national en charge des parcours professionnels à la CFE-CGC pointe une génération peu syndiquée, très loin des questions liées aux droits sociaux. "Les syndicats ? Je ne connais pas leur positionnement, comment les contacter et pour quels types de problèmes", expose Nino, 22 ans, en 2ème année au BUT ASSC de Bordeaux. Qui plus est, les réseaux sociaux, qu’ils privilégient pour s’informer, peuvent parfois véhiculer leur lot de fake news.
Sur TikTok, de nombreux jeunes influenceurs délivrent des conseils et vulgarisent des notions de droit du travail, rendant les informations à ce sujet plus accessibles. N'hésitez pas à recouper vos informations avec des sources officielles, telles que le site du Service public, ou encore le code du travail.
Des initiatives croissantes pour mieux informer les jeunes
À l'origine de cette méconnaissance réside également un manque d’accompagnement de la part de l’ensemble des acteurs de la formation et de l’emploi, comme le relève l’étude de l'Apec.
Si les grandes écoles proposent souvent des career centers, les autres établissements sont souvent moins bien lotis. Cependant, un nombre croissant d’universités se dotent de pôles "Réussite étudiante", alliant accompagnement à l’orientation et à l’insertion et accompagnement en droit du travail.
C’est le cas, notamment, à l’UniCA. "Nous travaillons à faire du lien avec la DDEETS , pour des informations principalement sur l’alternance, voire sur les stages", informe Fred Meerpoël, responsable du service d'orientation, d'insertion professionnelle et d'accompagnement à la réussite de l'université.
En parallèle, les organismes et associations spécialisés, comme le réseau Infos Jeunes France, qui compte 1.100 cellules sur tout le territoire, ne ménagent pas leur peine. "Nous éditons un livret "Travail des jeunes", dont le sommaire recoupe leurs principales questions, avec des adresses de proximité", illustre Norrédine Ferchichi, directeur du site de Dijon de la cellule Info Jeunes Bourgogne-Franche-Comté. Et pour contrer les fake news, ces organismes multiplient aussi les informations sur les réseaux.