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Reportage

Emploi : l'escape game, un nouvel outil recrutement pour vous faire sortir du lot

Tester les candidats sur leurs qualités relationnelles à travers le jeu, c'est le pari du recrutement par "escape game".
Tester les candidats sur leurs qualités relationnelles à travers le jeu, c'est le pari du recrutement par "escape game". © Catherine de Coppet
Par Catherine de Coppet, publié le 29 juin 2017
1 min

Toucher de nouveaux candidats et s'essayer à de nouvelles façons de recruter... De plus en plus d'entreprises tentent de rénover leur mode d'embauche en misant notamment sur le jeu. C'est le cas grâce aux “escape games”, ces jeux d'énigme en salle. Reportage à Paris, lors de la première session du genre, pour l'assureur Groupama.

9 h pétantes. Ce matin, ils sont 24 candidats à avoir répondu à une offre d'emploi de commercial pour l'assureur Groupama, en Île-de-France. Les canapés en cuir dans lesquels ils sont installés ont l'air confortables, mais les visages n'en sont pas moins légèrement crispés. Pourtant, ce n'est pas à un entretien d'embauche classique qu'ils se préparent, mais à un jeu. Dans une demi-heure, ils se retrouveront par groupe de six à résoudre, à partir d'un bref scénario, une énigme entre quatre murs. C'est le principe des "escape games", jeux grandeur nature dans des décors scénarisés, de plus en plus plébiscités.

"Je ne savais pas ce qu'était un escape game quand on m'a annoncé que le recrutement se ferait comme cela", explique Anusiga, 25 ans, comptable, à la recherche d'un nouveau poste. "Je suis allée voir sur Internet et j'appréhende un peu."

Steven, 27 ans, en recherche d'emploi, a surpris son entourage en lui expliquant le processus : "Cela casse les codes de l'entretien classique, c'est sûr !"

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Dix postes en jeu

Groupama s'est offert les services de L4M, une société spécialisée dans les événements de recrutement qui a déjà testé cette formule avec sept entreprises, à Amiens et à Lille. C'est la première fois qu'une entreprise en région parisienne se lance, dans les locaux d'Epsilon Escape. À la clé, ce matin-là, une dizaine de postes.

"Nous avons beaucoup promu en interne sur d'autres postes, et nous avons un solde négatif permanent de dix commerciaux. Aujourd'hui, s'il y a 15 bons candidats, on les retiendra", assure Maïté Farrugia, directrice Paris Île-de-France chez Groupama. "Nous souhaitons attirer des jeunes en recrutant différemment", explique de son côté Alain Sicca, responsable du pôle développement RH de Groupama Paris Val de Loire.

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Détecter les personnalités en interaction

Présenté aux candidats, le principe est simple : ils disposent de 70 minutes pour trouver la solution de l'énigme en groupe, puis ils passent un entretien individuel de 10 minutes avec un recruteur. L'idée est de repérer les qualités des personnalités en interaction. Autrement dit, ce ne sera pas grave de ne pas arriver au bout de l'énigme au bout du temps imparti.

"C'est le collectif qui nous intéresse. Dans nos agences, les commerciaux sont intégrés dans des équipes de trois à six personnes. On cherche des synergies", poursuit Maïté Farrugia. Les candidats ont été présélectionnés par un cabinet de recrutement sur leurs diplômes (bac et plus) et expériences, et après un entretien téléphonique. Mais les recruteurs n'ont pas accès à ces informations avant la phase d'entretien.

Costume-cravate de rigueur malgré tout

Originalité de l'initiative, un recruteur est présent dans chaque groupe... "Nous avons préféré être là, mais en observateurs, sans participer au jeu, précise Maïté Farrugia. Il paraît que c'est plus facile de constater les qualités et les défauts des candidats quand on ne joue pas soi-même." Les candidats sont prévenus et présentés au recruteur qui sera dans leur salle. "D'autres entreprises font le choix de faire jouer incognito les recruteurs avec les candidats", explique Anne-Sophie Fournier, responsable communication de L4M.

Casser les codes donc, mais pas tous ! Les participants ont en effet revêtu l'incontournable tailleur pour les femmes, costume-cravate pour les hommes. "Même dans le jeu, c'est un cadre professionnel", explique Steven. "Avant le rendez-vous, j'ai demandé au cabinet de recrutement s'il fallait avoir une tenue spéciale, en cas d'effort physique, mais on m'a dit qu'il fallait s'habiller comme pour un entretien classique", explique Marc, 30 ans, venu du Royaume-Uni passer une série d'entretiens pour revenir vivre en France.

Guidés par des indices

9 h 35, l'entrée dans la salle de jeu est imminente. Six candidats-joueurs seront guidés à distance par Antonia, "game master", qui suit le déroulement via un système de caméras et de micros, et qui envoie régulièrement des indices écrits sur les écrans des trois pièces du jeu. Alain Sicca tente de les mettre à l'aise en plaisantant : "Il faut travailler en équipe, communiquer au maximum. Il y a une dizaine de postes, donc cela ne sert à rien de tuer quelqu'un !"

Leur mission : se prendre pour le "patient de la chambre 8" d'un certain docteur Edmond Epsilon, psychiatre, et tâcher de s'échapper de la clinique. Antonia rappelle quelques règles : "Pas besoin de monter sur les meubles, ni de décrocher les câbles ou les plinthes. Mais vous devez fouiller en permanence pour trouver des indices."

Ça y est, ils sont entrés ! Antonia supervise, casque sur les oreilles et yeux rivés sur l'écran. "S'ils mettent environ 20 minutes à sortir de la première pièce, cela devrait bien se passer."

70 minutes n’ont pas suffi

Le jeu commence et la tension est palpable dans la pièce. Les candidats parlent peu, n'osent pas forcément fouiller la salle de fond en comble. Les premiers rires n'arriveront qu'au bout d'une demi-heure. "Ils sont plutôt coopératifs", commente en coulisses Antonia. Difficile de se faire une idée des personnalités devant l'écran de contrôle, mais il est clair qu'au fur et à mesure, les candidats semblent se prendre au jeu et s'entraider. La recruteuse se fait toute petite, prend des notes ici ou là. Trouver des chiffres, les associer parfois à des symboles, chercher des clés, des dates, des lettres... pour finalement passer d'une pièce à l'autre, voilà l'essentiel du jeu.

Il reste 5 minutes à jouer, l'équipe suivie par Antonia patauge pour la dernière énigme. "Je leur envoie une série d'indices", explique-t-elle. Finalement, les 70 minutes sont passées et il faut libérer les candidats avant qu'ils n'aient trouvé la solution. Antonia leur explique le fin mot de l'histoire, puis ils montent à l'étage pour leur entretien.

Peur d’être jugés

"Au début, on ne se connaît pas, c'est très dur", raconte Yassine, 25 ans, jeune diplômé en recherche de poste. "J'avais peur d'être jugée par les autres sur ma logique, renchérit Anusiga. Mais là, on a l'impression qu'on se connaît bien !" La plupart déclarent avoir complètement oublié la présence de la recruteuse au fil du jeu.

"J'ai l'impression qu'ils n'étaient plus en situation de recrutement dès la deuxième pièce, s'enthousiasme Maïté Farrugia. Ils n'étaient pas stressés et ils étaient tous des commerciaux dans l'âme. Il n'y avait pas de leader affirmé. Pour autant, j'ai hâte de parler à certains d'entre eux." "Le jeu en équipe était adapté aux qualités qu'on recherche chez un commercial, comme l'écoute, l'initiative, l'optimisme..." renchérit Alain Sicca.

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Un entretien classique

"Je trouve que ce jeu est un atout, livre à chaud Steven. J'espère qu'on sera jugés sur notre personnalité, ce sera plus neutre comme décision d'embauche. Là, je me remets dans le cadre professionnel pour l'entretien." Marc est passé parmi les premiers. "L'entretien sur mon parcours a été très classique, et très rapide. J'espère que ce n'est pas mauvais signe. On ne m'a pas parlé de mon attitude pendant le jeu. Je ne sais pas ce que cela a apporté aux recruteurs, mais le jeu ne nous mettait pas en situation de performance individuelle, comme lors d'entretiens collectifs."

"On a noué des liens plus serrés avec les candidats, souligne Alain Sicca. Cela s'est senti à l'entretien." À l'issue de la matinée, sur 24 candidats, 8 ont décroché un deuxième entretien, qui aura lieu dans quelques jours. "C'est une bonne proportion pour nous, souligne Maïté Farrugia. L'entretien a permis de confirmer mon ressenti du jeu. Et de fait, j'ai rencontré des personnes que je n'aurais pas vues sur leur seul CV. C'est intéressant !"

Un pas de plus vers la fin du CV ?

La directrice repart satisfaite de l'opération aussi en termes de communication. "Les jeunes avaient l'air contents. Je pense que cela donne une meilleure image de notre entreprise." Sans parler du fait que la matinée l'a sortie de la routine RH. "Cela nous change du quotidien, nous nous sommes également amusés ! Nous allons refaire l'expérience à la rentrée." Le CV et l'entretien, bientôt dépassés ?

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