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Interview

Handicap et emploi : maîtriser les règles

Par Julie Lastérade, publié le 25 septembre 2009
5 min

Marc Germanangue est chargé de cours à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences po) et tuteur d’un jeune étudiant paraplégique en reconversion professionnelle.

Vu le taux de chômage des jeunes, quelles sont les chances des jeunes en situation de handicap d’être embauchés dans une entreprise ?

 
Statistiquement, les personnes handicapées ont plus de difficultés que les autres à trouver un emploi. Le monde de l’entreprise a toujours des appréhensions par rapport à ces futurs salariés-là. Mais au diable les statistiques ! Si on se prépare, si on connaît ses qualités, ses atouts et que l’on maî­trise les dispositifs mis en place pour nous aider, on a toutes ses chances.

Quels conseils donnez-vous aux étudiants pour y arriver ?


Il s’agit de faire de son handicap un atout pour se faire recruter. Il existe des dispositifs qui obligent les entreprises à recruter un certain pourcentage de personnes en situation de handicap. Jouez avec toutes ces mesures législatives et réglementaires ! Mais pour cela, encore faut-il d’abord en avoir une très bonne connaissance et surtout avoir le culot de les utiliser et presque de les "vendre" à l’entreprise.

Vous suggérez d’instrumentaliser son handicap, en quelque sorte ?


Il y a de ça ! Il ne faut pas hésiter à dire "si vous me recrutez, comme j’ai les mêmes compétences qu’une personne valide, non seulement vous ne verrez pas la différence, non seulement vous vous conformerez à la loi, mais en plus vous ferez œuvre utile : vous ferez comprendre qu’être en situation de handicap n’est pas insurmontable". Je reconnais toutefois que tenir ce discours nécessite une force de caractère certaine, du courage, et donc de vivre bien sa situation de handicap et le rapport qu’il induit aux autres.

Pourquoi y a-t-il encore tant de réticences de la part des entreprises face au handicap ?


Peut-être parce que le handicap peut mettre mal à l’aise. Mais il faut savoir que, dans une entreprise, une personne handicapée est considérée comme une personne. Et non pas comme une personne handi­capée. Ce constat est d’autant plus vrai lorsque le salarié a une relative autonomie. Embaucher une personne en fauteuil roulant n’a pas d’autres conséquences que d’avoir à aménager des locaux accessibles ; il suffit seulement d’avoir des rampes à certains endroits et des largeurs de portes suffisantes. Cependant, des a priori persistent… Certains recruteurs peuvent encore avoir le sentiment qu’ils vont être confrontés à des retards ou à des absences. Mais désormais, d’autres se disent aussi l’inverse. Ils se disent qu’en recrutant une personne en situation de handicap, ils embauchent quelqu’un qui veut prouver sa normalité et qui, pour cela, fera preuve de beaucoup de motivation. L’employeur peut se dire "ce salarié va se donner du mal".

Un étudiant handicapé a-t-il plus d’appréhension qu’un autre lors d’un premier entretien de recrutement ? Que lui dites-vous pour le rassurer ?


Je lui explique que, lors d’un premier recrutement, tout le monde a peur. Quelle que soit sa situation, on est fragilisé. C’est donc important qu’un jeune handicapé se dise qu’un camarade valide n’a pas forcément davantage confiance en lui. Et puis, comme beaucoup d’autres catégories de personnes victimes de discriminations, ceux qui sont handicapés ont l’habitude de cette stigmatisation et bien souvent, ils ont mis en place des blindages. Ils ont donc souvent une intelligence et une expérience des situations où ils peuvent être confrontés à ces regards. Ils savent quels rapports sociaux mettre en place pour y échapper. Ils peuvent entre autres jouer sur le malaise et culpabiliser la personne qui stigmatise. Quelle attitude adopter ? C’est au candidat de déterminer les situations qui valent la peine d’utiliser sa différence et celles où il vaut mieux ne pas la mettre en avant parce que cela risquerait d’être contre-productif. Mais dans tous les cas, un entretien se travaille, de la même manière qu’une orientation professionnelle se prépare. Cela suppose de savoir ce que l’on est, ce que l’on a envie de faire, ce qu’est l’entreprise. Il faut s’entraîner à passer des entretiens de type bienveillant et d’autres moins bienveillants. Il faut être capable de parler de soi mais aussi d’être à l’écoute. Et encore une fois de connaître les dispositifs législatifs qui peuvent faire la différence.

Et comment faire si l’on sent en face de soi un recruteur mal disposé ?


Cela arrive, certains directeurs du personnel ne parviennent pas à surmonter leur crainte de la différence. Il s’agit alors de leur faire oublier cette différence, d’arriver à les convaincre que cela n’en est pas une, ou bien qu’elle n’est pas si importante. Dans le pire des cas, si le candidat au poste n’arrive pas à le faire changer de regard, qu’il n’ait pas de regrets. De toute façon, cet employeur-là n’aurait pas rendu les situations de travail agréables.

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