Interview

Faire requalifier son stage en CDI ? Les conseils de Génération précaire

Par Sandrine Chesnel, publié le 26 mai 2011
1 min

Vous êtes en stage dans une entreprise mais vos prestations sont facturées à des clients ? Votre responsable de stage vous donne des objectifs chiffrés à atteindre et vous reproche de ne pas y arriver ? En résumé, vous avez l’impression que votre stage n’a de stage que le nom... Ophélie Latil, du collectif Génération Précaire, vous explique comment vous défendre.

Êtes-vous souvent sollicités par des jeunes qui s’estiment victimes d’un abus de stage ?


Nous recevons chaque semaine une dizaine de mails de jeunes qui considèrent que leur stage devrait être requalifié en CDI (contrat à durée indéterminée). Nous faisons un 1er tri des dossiers pour ne garder que ceux que nous pensons "gagnables" :  pour cela il faut que l’étudiant soit toujours en place dans l’entreprise, ou dans le cas contraire, qu’il ait des preuves écrites que le stage n’en était pas un. Ensuite nous assurons la mise en contact avec un avocat, qui évalue si le dossier est tenable devant les prud’hommes. Il pratique des tarifs "étudiants" (autour de 500 € par dossier plus un pourcentage des sommes obtenues en dédommagement).

Quels sont les critères qui permettent de demander la requalification d’un stage en CDI ?


C’est le cumul d’un ensemble de critères qui fait la validité d’un dossier, parmi lesquels : l’absence de suivi pédagogique ; l’existence d’un lien de subordination important et d’objectifs à remplir (clairement chiffrés); le fait que le stagiaire ait des cartes de visite à son nom ; l’existence d’un roulement entre les stagiaires (le stagiaire qui s’apprête à partir doit former celui qui va lui succéder) ; la facturation du travail du stagiaire à des clients de l’entreprise.

Quelles sont les pièces à réunir pour monter un dossier ?


Il faut garder des traces écrites de tous les échanges de mails qui rappellent les objectifs à tenir, des mails avec des clients de l’entreprise qui ne savent pas que vous êtes stagiaire, et de toutes preuves que votre travail est facturé au client. En cas d’échange houleux avec votre responsable dans l’entreprise, en direct ou par téléphone, il faut essayer de ne pas trop s’engager dans la discussion et reporter tous les termes échangés dans un mail, toujours dans l’idée de garder une trace écrite. Par exemple, si on vous a reproché de ne pas tenir vos objectifs, ne pas chercher à se défendre à l’oral trop longtemps mais rédiger un mail sur le mode : "Hier vous m’avez informé que vous étiez mécontent de mes résultats, je voudrais pouvoir en reparler avec vous…". Le problème est que la plupart des jeunes nous appellent une fois qu’ils ont quitté leur entreprise, après la fin du stage ou à la suite d'un licenciement ; c’est justement ce qu’il ne faut pas faire. Il faut agir quand on est encore en poste.

Quelles sont les erreurs à éviter quand on veut obtenir la requalification de son stage en CDI ?


La 1ère erreur serait ne pas se constituer un dossier assez solide avant d’aller voir votre responsable dans l’entreprise. Si vous n’obtenez pas gain de cause, ce qui est fort probable, et qu’il faut aller devant le tribunal des prud’hommes, un dossier bien étayé est de rigeur. Une autre erreur serait de se présenter seul devant les prud’hommes, sans avocat, car l’entreprise, elle, sera nécessairement représentée par son conseil. Face à un professionnel du droit, il sera très difficile de se défendre.

Avant de contacter un avocat, les délégués du personnel ou les délégués syndicaux sont-ils des recours possibles ?


Selon notre expérience, pas vraiment. Ils sont souvent impuissants, et leur priorité est forcément de défendre les personnes déjà en poste. Les responsables des écoles ne sont pas de bons relais non plus.

Quels sont les cas de requalification de stages faciles à défendre ? En connaissez-vous beaucoup qui ont abouti ?


L’article 6 de la loi pour l’Égalite des chances de 2006 définit très bien les cas dans lesquels une entreprise ne peut pas avoir recours à un stagiaire : pour remplacer un ou une salariée en congé de maternité ou en congé maladie et pour occuper un emploi saisonnier. Dans ces cas-là, il est relativement aisé de faire reconnaître l’abus de stages. Mais nous connaissons peu de cas ayant abouti. Il y en a au moins un, récent, qui concerne un jeune qui faisait un stage sans avoir de convention - dans ces conditions il était assez facile de faire reconnaître l'abus de stage

Quels sont les préconisations de Génération précaire pour lutter contre les abus de stages ?


Nous ne luttons pas contre les stages mais contre les abus de stages. Par exemple, certaines entreprises, comme Darty ou la FNAC, prennent de plus en plus de stagiaires pour occuper les postes de vendeurs… C'est un abus ! Ce que nous voulons, c’est un contrôle des entreprises, ainsi que des universités. Il faudrait l’équivalent de ce qui a été fait avec l’Agence de Service civique, plutôt que de laisser chaque école, université ou entreprise, réaliser sa propre banque de stages. Il serait plus efficace qu’une agence dédiée recense tous les organismes habilités à donner des conventions de stage, et impose l’obligation de faire enregistrer chaque convention signée, un peu comme cela est fait pour les contrats en alternance. Une autre bonne règle : obliger les sites d’annonces à dissocier clairement les offres d’emplois des offres de stages. Ce n’est pas normal que le site de l’APEC (destiné aux jeunes diplômés) propose des annonces de stages : les jeunes diplômés ne recherchent pas un stage mais un emploi !

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