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Témoignage

"Il y a un sentiment de retour à la case départ" : ces jeunes actifs qui rentrent au domicile familial le temps de trouver un emploi

Pour certains jeunes diplômés, la décision de rentrer est presque une évidence.
Pour certains jeunes diplômés, la décision de rentrer est presque une évidence. © vejaa/Adobe stock - Généré à l’aide de l’IA
Par Rachel Rodrigues, publié le 22 août 2024
7 min

De nombreux jeunes diplômés décident de retourner vivre chez leurs parents à la fin de leur cursus, faute d'emploi stable pour continuer à vivre seuls. Cinq d'entre eux racontent à l'Etudiant cette période, entre confort et sentiment de frustration.

Laurie doit répondre à un dilemme de taille pour cette rentrée : alors qu'elle termine son alternance au mois de septembre, la jeune (bientôt) diplômée en architecture d'intérieur hésite à rentrer chez ses parents, le temps de trouver du travail. 

"Je serai au chômage, je n'aurais plus d'appartement et plus d'argent pour m'en financer un", explique l'étudiante de 25 ans. Comme elle, de nombreux jeunes actifs prennent la décision de retourner au domicile familial à la fin de leur cursus, pour économiser les frais d'un loyer qu'ils ne peuvent pas se payer sans emploi stable.

Selon une enquête de la Fondation Abbé Pierre publiée en mai 2024, le nombre de jeunes adultes habitant chez leurs parents est de plus en plus élevé : près de 4,9 millions de personnes sont concernées aujourd'hui, ce qui représente 250.000 de plus qu'en 2013.

Economiser un loyer

Pour certains jeunes diplômés, la décision de rentrer est presque une évidence. "Avec le chômage d'alternante que je touchais, je me suis dit que ça allait être compliqué", estime Léa, ancienne étudiante en design.

Marin, lui, a vécu seul à Paris pendant son stage, grâce à son indemnité de stage, les APL et l'aide de ses parents. Mais, pour l'ancien étudiant de 25 ans, il était inenvisageable de rester en région parisienne à payer ses 740 euros de loyer, sans emploi, ni ressources. "J'ai terminé mon stage le 20 octobre, et le 28, j'étais déjà rentré", illustre Marin, jeune diplômé en sciences politiques, qui a vécu chez ses parents pendant un an et demi après ses études.

Même scénario pour Juliette, qui, après avoir travaillé à Paris l'été suivant la fin de ses études, ne pouvait pas s'y installer sans la garantie d'un travail régulier. "Je pouvais travailler à la pige, mais ce n'était pas suffisant", affirme l'ancienne étudiante en journalisme. Continuer de vivre seule paraissait d'autant plus compliqué qu'elle devait aussi prévoir le remboursement de son prêt étudiant.

Le confort du soutien familial

Une fois les études terminées, et lorsque l'emploi tarde à arriver, certains jeunes actifs décident de chercher un job alimentaire pour subvenir à leurs besoins, le temps de trouver un poste dans le domaine visé. Mais ce n'est pas la volonté de tous les diplômés : "Ce n'était pas une case par laquelle j'avais envie de passer", admet Léa, retournée vivre chez sa mère à la sortie de ses études. 

Après plusieurs mois passés à déprimer dans son studio étudiant, Paul* a quant à lui décidé de rentrer pour se ressourcer, et "faire le point". "Après mon stage, j'avais un peu perdu confiance en moi", raconte le jeune homme, diplômé en 2023. Titulaire d'un master en géographie, il a enchaîné plusieurs refus à des postes en lien avec son domaine. "Je me suis remis en question : est-ce que je voulais vraiment continuer là-dedans ?" 

Beaucoup de jeunes actifs interrogés trouvent une forme de confort dans le retour "chez les parents". "C'est confortable de ne pas être seul face aux baisses de motivation qu'on peut avoir", admet Marin. Contrairement à la solitude que les étudiants peuvent parfois ressentir, "là, le soir quand tu rentres, tu peux parler à ta famille si tu en as envie", confie à son tour Juliette. 

La jeune journaliste admet avoir ressenti un certain soulagement à l'idée de retrouver une stabilité géographique, dans un milieu qu'elle connaît, entourée "de ses amis d'enfance" et de ses "anciennes habitudes".

Une liberté mise en pause

À l'inverse, le choix contraint du retour chez les parents peut aussi être source de frustration. "Il y a un sentiment de retour à la case départ", estime Léa. Et pour cause, nombre de ces étudiants ont vécu seuls pendant plusieurs années : "j'étais indépendant depuis mes 18 ans, et j'ai toujours été en appartement depuis", raconte Marin.

Même situation du côté de Juliette. "L'indépendance me manque : en six ans, j'ai changé, je ne fonctionne plus de la même manière qu'eux", explique la jeune journaliste. D'autant plus qu'"être en famille, ça veut dire devoir s'adapter, vivre en communauté, quand parfois on a envie de notre solitude". 

Laurie a, ainsi, peur de retourner à un mode de vie "cadré" fait de règles à respecter, dans lequel elle ne se retrouve plus. "Entre les heures précises pour manger, les plats riches qui ne me conviennent pas forcément, les injonctions à ranger sa chambre… Il y a quand même une perte de liberté par rapport à quand je vis seule", détaille la jeune architecte d'intérieur.

Le défi de trouver la motivation

Cette situation peut d'ailleurs générer de l'incertitude chez certains. Pour Paul, rentrer au domicile familial a coïncidé avec une perte de confiance en lui. "Quand j'envoie mes candidatures alors que je suis au chômage depuis des mois à ne rien faire chez mes parents, j'ai un peu le syndrome de l'imposteur : c'est difficile de me sentir capable", décrit-il. 

Le jeune diplômé, porteur d'un handicap au niveau de la vue, a été freiné dans son accès à l'emploi. Il a dû attendre plusieurs mois avant de recevoir sa RQTH , lui permettant d'avoir accès à des outils informatiques d'adaptation.

Toujours est-il que, beaucoup de jeunes actifs interrogés font part d'une baisse de motivation en étant chez leurs parents. "Ils nous paient la nourriture, ils font les courses, donc forcément, il y a beaucoup moins d'enjeu à trouver un travail rapidement", explique Marin. 

Le jeune actif de 25 ans l'admet : "à force, on peut laisser passer le temps sans trop se mettre la pression". Pour éviter ce travers, il a finalement repris un appartement au mois d'avril, pour relancer "l'enjeu" de la recherche d'emploi.

Une pression des parents accrue

Qu'elle soit inconsciente ou assumée, une pression des parents peut également être mise sur le dos de leurs enfants, en recherche d'un emploi. "Ils sont inquiets parce que tu ne travailles pas : au fil des semaines, ça commence à les titiller", illustre Juliette, qui a plusieurs fois été confrontée à l'incompréhension de sa mère face aux difficultés de son milieu. "Le ton est déjà monté. Tout ça peut nous amener à douter de nous", admet la jeune journaliste.

Laurie partage la même appréhension. "Je ne veux pas avoir mes parents toujours derrière moi pour m'interroger sur les recherches que j'ai faites ou les candidatures que j'ai envoyées", affirme-t-elle. La jeune décoratrice d'intérieur souhaite se laisser encore un temps de réflexion avant de prendre sa décision, quitte à ouvrir ses horizons à d'autres territoires, et d'autres opportunités.

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