"Je n’osais pas tenter seule" : cette association accompagne les jeunes diplômés qui veulent devenir enseignants

Face à la crise d’attractivité du métier d’enseignant, l’association Le choix de l'école accompagne depuis 2015 des professeurs contractuels durant leurs deux premières années d’enseignement. Parmi eux, de nombreux jeunes diplômés en recherche d'un métier de sens.
En plein mois de février, une soixantaine de professeurs ont profité des vacances pour trouver les bancs de l’école. Ces jeunes enseignants contractuels sont accompagnés gratuitement par l’association Le choix de l’école, créée en 2015 et partenaire de l’Éducation nationale, et participent à deux jours de formation.
Au programme : gestion des conflits en classe, orientation, protection de l’enfance ou encore partage d’activités et exercices réalisés en classe.
Donner une chance aux vocations tardives
L’association accompagne 100 professeurs sur deux ans, tous contractuels en primaire, collège de REP/REP+ et lycée professionnel ou technique. Objectifs : répondre à la "crise d’attractivité" du métier et donner une chance aux vocations tardives.
Parmi les professeurs suivis, on compte de nombreux jeunes diplômés qui ont décidé au dernier moment de se tourner vers l'enseignement, comme Eliot, 25 ans. Après un master de cinéma et quelques petits boulots, cet ancien chef-scout titulaire du BAFA redoutait d’être "jeté devant des gamins sans filet".
Mariella, 27 ans, diplômée de Sciences po et de deux masters, "n’osai[t] pas tenter seule et ne se sentait pas légitime à enseigner les lettres". Avant d'enseigner en Seine-Saint-Denis, elle a travaillé trois ans dans le milieu social et associatif.
Les candidats au Choix de l'école, dont la moyenne d'âge est 32,5 ans, doivent ne jamais avoir enseigné dans l’éducation nationale, ne pas être inscrit aux concours de l’enseignement et avoir un master 2. Leur suivi débute avant la première rentrée avec trois semaines et demie de formation durant l’été. Puis l'association réunit les participants à chaque période de vacances scolaires et propose un suivi avec un tuteur, des visites de classes et des visio-conférences.
Travail sur la gestion d'une classe
Malgré son envie d'enseigner depuis le collège, Mariella doutait : "Je me demandais comment gérer seule les difficultés avec les élèves, j’avais peur de ne pas pouvoir rebondir si ça ne me plaisait pas…". Sélectionnée par l’association, elle a visité une classe de collège et rencontré sa tutrice, plusieurs mois avant la rentrée, l’occasion de "démystifier le métier", avant de passer l’entretien de recrutement de l’académie de Créteil.
"On travaille principalement sur la gestion de la classe, sans quoi il est difficile d’enseigner dans ces établissements", explique Clarisse Olivier, responsable de la formation. "Nos collègues contractuels qui n’ont pas cet accompagnement ont l’air vraiment sous l’eau", constate Eliot, enseignant en primaire. Le jeune homme apprécie "la petite bulle de soutien" créée avec les autres participants. "On a un suivi très réactif de nos tuteurs, en temps réel", ajoute Mariella.
Car enseigner n’est pas facile, encore moins à ses débuts et en REP. Emma, 24 ans, s’y attendait. Dans son collège "violent", les situations sociales de certains élèves l’ont "chamboulée". Une réalité loin de ses premières expériences - un diplôme de l’ESCP et six mois de CDI dans un cabinet de conseil - qui la ravit : "Il n’y a pas un jour où je n’ai pas envie d’y être !" assure-t-elle, contente que les élèves lui "apprennent aussi beaucoup de choses".
Pour Nicolas, 26 ans, la reconversion de la publicité à l’économie-gestion en STMG "se passe hyper bien même si c’est très fatigant de passer des heures à préparer les leçons". Comme lui, qui souhaite désormais passer le CAPES, 60% des participants décident finalement d'enseigner à moyen ou long terme.
Vocation durable ou parenthèse ?
Lors d’un tour de table, les participants rient de leurs "galères" et confient leurs doutes : "J’ai fini en pleurs tous les vendredis", "J’ai signalé trois cas aux services sociaux"… Autre inquiétude : l’affectation de l’année suivante, incertaine.
Comme leurs collègues titulaires, de plus en plus nombreux à démissionner depuis 2012, les contractuels connaissent des difficultés. Retard de salaires, "cafards" dans les classes, "manque de matériel" pour enseigner… "C’est une institution maltraitante", confirme une participante, ex-cadre dans les ressources humaines qui comprend ses collègues "aigris" : "Je tiens car je viens juste de commencer. Et j’ai une porte de sortie, mon diplôme d’école de commerce est très valorisé sur le marché du travail."
Pour les participants, au moins diplômés d’un master 2, devenir professeur peut aussi impliquer une baisse de salaire*. "Le décalage financier avec mes amis d’école de commerce a pu m’angoisser mais, pour l’instant, le fait de trouver du sens et de me sentir utile compense", nuance Emma.
L’Association, partenaire de cinq académies (Paris, Créteil, Versailles, Lille, Aix-Marseille) ouvre un programme à Amiens (80) à la rentrée prochaine. En 10 ans, elle a accompagné 417 jeunes diplômés et actifs. Parmi eux, 40% n’ont pas continué l’enseignement, se réorientant pour moitié d’entre eux vers l’éducation, l’économie sociale et solidaire ou le secteur public.
*Environ 2.000 à 2.500 euros bruts par mois dans le secondaire, auxquels s’ajoutent des primes. Pour les enseignants du primaire, autour de 1.990 à 2.200 bruts par mois plus primes.