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Décryptage

Pourquoi la fonction publique peine-t-elle à séduire les jeunes diplômés ?

Les concours de la fonction publique sont un frein au recrutement.
Les concours de la fonction publique sont un frein au recrutement. © ink drop / Adobe Stock
Par Cécile Marchand-Ménard, publié le 27 août 2024
5 min

Depuis une dizaine d’années, les jeunes diplômés délaissent les métiers de la fonction publique et préfèrent s’orienter vers le privé. Un manque d’attractivité favorisé notamment par une méconnaissance du secteur public et de ses possibilités d'emploi.

Début juillet, le ministère de l’Éducation nationale annonçait que plus de 3.000 postes n’avaient pas été pourvus à la suite des concours de l’enseignement public en 2024. Une pénurie constatée depuis plusieurs années, puisque 3.100 postes n’avaient pas été pourvus en 2023 et près de 4.000 en 2022.

"En entrant en master, j’ai pensé un temps devenir professeure au collège ou au lycée. Mais j’ai vite compris que travailler dans le privé, comme ingénieure ou analyste, par exemple, m’offrirait plus de perspectives", constate Éloïse, diplômée d’un master en mathématiques de l’Université de Montpellier (34).

L’enseignement n’est pas le seul secteur concerné. Comme l’étudiante montpelliéraine, ces dernières années, les jeunes diplômés semblent bouder la fonction publique.

En 2012, une enquête Ipsos et Logica Business Consulting réalisée pour Le Monde et Emploipublic.fr auprès de jeunes âgés de 15 à 30 ans révélait que 73% d’entre eux envisageaient une carrière dans le public. Près de dix ans plus tard, les tendances semblent avoir changé. Selon une étude de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) parue en février 2023, alors que la fonction publique représente 20% des emplois en France, seuls 11% d’un échantillon de 764.000 jeunes diplômés en 2017 exerçaient en son sein trois ans plus tard.

Des salaires trop peu attractifs

"J’ai renoncé à l’enseignement parce que les salaires ne sont vraiment pas attractifs", souligne notamment Éloïse. En janvier, l’INSEE révélait que les salariés du secteur privé gagnaient en moyenne 2.630 euros net par mois en équivalent temps plein en 2022, contre 2.430 euros dans le secteur public.

Les organisations syndicales identifient la rémunération comme un point de blocage. "En augmentant seulement à la marge les salaires des fonctionnaires, ou alors en leur promettant des primes au mérite, on ne renforce pas l’attractivité de ces métiers", dénonce Luc Farré, secrétaire général de l’UNSA Fonction publique.

Le frein des concours de la fonction publique

"Après six ans d’études je ne me vois pas préparer encore un concours. Ce type d’examens demande du temps, des sacrifices pour des épreuves parfois très sélectives", regrette par ailleurs Pauline, diplômée de Sciences po Toulouse.

Cette forme d'autocensure s’applique d'ailleurs à certains plus qu’à d’autres, explique Damien Zaversnik : "Il y a un plafond de verre qu’il faut briser. De nombreux jeunes, moins favorisés socialement, qui n’ont pas toutes les ressources, s’interdisent les concours et notamment ceux de la haute fonction publique", affirme le co-président de la Cordée — association qui promeut la diversité sociale dans la fonction publique.

Une méconnaissance des métiers du secteur public

Pour Luc Farré, le manque d’attractivité de la fonction publique auprès des jeunes diplômés cache aussi une méconnaissance de son fonctionnement et de ses métiers. "Aujourd’hui, lorsqu’un étudiant sort de l’université, il a davantage de possibilités d’orientation. Parallèlement, il est fort probable qu’on ne lui ait jamais présenté et expliqué quels sont les métiers de la fonction publique et leur diversité", détaille-t-il.

Damien Zaversnik abonde en ce sens : "un poste de cadre dans la haute fonction publique n’a pas grand-chose à voir avec un poste d’auxiliaire de puériculture en crèche municipale ou d’aide-soignante en hôpital public".

Un manque de visibilité sur les évolutions de carrière

"En travaillant dans le privé, j’ai l’impression qu’il sera plus simple de faire évoluer ma carrière, voire de changer de métier", ajoute Éloïse. Un présupposé que souhaite également nuancer Damien Zaversnik : "Il y a une forme de complexité dans l’organisation de la fonction publique. Il existe des ramifications, des catégories, qui rendent le tout assez obscur lorsque l’on y est étranger", admet-il.

Pourtant, il est possible de changer de métier au cours de sa carrière, de passer d’une fonction publique à l’autre. "L’image du fonctionnaire assis toute sa vie derrière le même bureau est erronée", ajoute le co-président de la Cordée.

Pour Luc Farré, il est urgent de déconstruire ces idées préconçues et de remédier à cette méconnaissance : "Si on ne parvient pas à recruter les jeunes diplômés, on se prive de compétences, de nouveaux regards, par exemple en ce qui concerne l’écologie ou la transformation numérique".

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