Premier emploi : entre liberté et précarité, ces jeunes diplômés racontent leurs débuts en freelance

De plus en plus de jeunes actifs commencent à travailler directement en tant qu'indépendants, par choix ou manque d'opportunité dans leur secteur. Ils et elles racontent à l'Etudiant comment ils se sont lancés, dès la fin de leurs études.
Pour Maëlys, le choix du freelance a été comme une évidence. "J'avais déjà fait quelques missions par-ci, par-là pendant mes études, alors directement après, je me suis lancée", affirme la jeune active, diplômée depuis septembre dernier d'une école de publicité. Qu'ils soient en quête de liberté après leur cursus académique, ou qu'ils soient simplement à la recherche d'opportunités, de plus en plus de jeunes diplômés se tournent vers le statut d'auto-entrepreneur pour commencer leur carrière.
D'après une étude Fiverr réalisée en janvier 2024, 72% des jeunes envisageraient de devenir travailleur indépendant. Leur part a augmenté de 30% depuis l'année dernière.
La liberté de choisir ses missions
Parmi les jeunes actifs interrogés par l'Etudiant, beaucoup expliquent y rechercher une forme de liberté, au quotidien. "On organise notre emploi du temps un peu comme on veut", assure Léo, photographe indépendant depuis deux ans. "Si j'ai besoin de prendre trois heures le matin pour des raisons personnelles, je peux", ajoute Maëlys, qui travaille en freelance depuis plusieurs mois en tant que directrice artistique et photographe.
Libre de toute hiérarchie, les jeunes freelance affirment aussi se réjouir de pouvoir "choisir" les contrats qu'ils veulent. "On peut dire oui à certains clients en fonction de nos centres d'intérêt, des projets qui nous intéressent", explique Suzon, graphiste indépendante depuis octobre 2023. Cela suppose aussi "qu'on peut refuser, par éthique, de travailler pour des marques comme Coca-Cola, par exemple", pointe Laetitia, également graphiste à son compte, "ce qui n'aurait pas été possible en entreprise ou en agence".
"Beaucoup d'administratif"
Mais avant de goûter à cette liberté, les jeunes actifs se retrouvent d'abord confrontés à "beaucoup d'administratif". Car avant de pouvoir lancer son activité en freelance, il est nécessaire de s'enregistrer en tant qu'auto-entrepreneur (en se renseignant bien sur le type de statut juridique qu'on veut adopter) auprès de l'URSSAF.
"Cela peut être compliqué, quand tu ne sais pas du tout comment ça fonctionne", admet Laëtitia, graphiste indépendante depuis un peu plus de deux ans. Après son diplôme en 2021, la jeune femme de 26 ans a d'abord travaillé dans la restauration, avant de lancer son activité. "Quand tu n'as aucun client pour commencer, mieux vaut s'assurer d'avoir un petit matelas de sécurité. De mon côté, j'ai attendu d'avoir le chômage avant de me lancer", affirme-t-elle.
Trouver des clients et fixer ses tarifs
Les débuts peuvent effectivement s'avérer assez précaires pour les jeunes diplômés, qui ne disposent, la plupart du temps, d'aucun ou de peu de clients identifiés. "La boîte de mon alternance m'a pris en freelance à la fin de mon contrat, ce qui m'a beaucoup aidé à démarrer", explique Suzon.
Mais pour le reste, "au final, c'est beaucoup de bouche à oreille", se souvient Saïda, qui a commencé à travailler en freelance en tant qu'attachée de presse il y a trois ans. "Des amis m'ont recommandée, puis mes premiers clients : ça se fait petit à petit". "Au début, je vivais littéralement des recommandations de mes amis", abonde Léo.
Autre difficulté quand on sort tout juste d'études : fixer ses tarifs et les assumer. À ce titre, tous les jeunes diplômés interrogés admettent souffrir d'un syndrome de l'imposteur quand ils se lancent. "Les clients me proposaient un tarif, et je disais oui à tout, relate le photographe indépendant. Je ne me facturais pas à ma juste valeur." En toile de fond, la peur de passer à côté de contrats ou de perdre des clients en proposant un prix qui sera refusé.
"Au début, c'est difficile d'estimer le temps que tu vas passer sur un projet", ajoute Maëlys. La jeune femme regrette qu'on n'apprenne pas aux étudiants à réaliser des devis, pendant le cursus. "Avec du recul, je sais que j'aurais pu proposer plus sur certains contrats. Je me suis trop bradée", affirme-t-elle.
Une organisation à tenir et l'irrégularité à supporter
Selon les mois, la fréquence des contrats peut varier. "Tu peux te retrouver avec un mois plein, puis un mois creux qui se relance sur la fin", témoigne Léo. Résultat : pour gérer leurs finances, les jeunes diplômés doivent s'en tenir à une organisation bien ficelée. "J'ai un tableau Excel où j'entre toutes mes rentrées d'argent. Si je gagne 1.000 euros, mon tableau va me dire ce que je dois garder dans ma poche, ce que je dois à l'URSSAF, et ce que je peux mettre en matelas de sécurité", détaille Maëlys.
Mais loin du travail de bureau passé aux côtés de leurs collègues, ces jeunes freelance peuvent parfois ressentir un sentiment de solitude. "L'entrepreneuriat, c'est aussi être en doute constant sur ce qu'on fait, il faut savoir se motiver tout seul", explique Suzon. À la longue, travailler seul peut s'avérer pesant. "Quand j'ai des clients, j'essaie de faire une visio ou de prendre un café pour les rencontrer, ça me permet de voir un peu de monde", assure Maëlys.
"Mon dossier ne passe nulle part"
D'autant que le statut peut aussi impliquer une certaine précarité, en termes d'accès au logement, par exemple. En dépit d'un salaire qui est parfois "supérieur" à ce qu'elle pourrait toucher en CDI, Maëlys raconte ne pas trouver d'appartement pour vivre seule. "Mon dossier ne passe nulle part", affirme la jeune graphiste, qui habite pour l'instant chez ses parents.
"On sait très bien que le statut d'auto-entrepreneur ne rassure ni les banques, ni les propriétaires", assure de son côté Saïda, qui vit en sous-location. Pour elle, une solution tend à émerger dans cette situation : profiter si on peut, et "comme de nombreux amis entrepreneurs" qu'elle cite, d'une première expérience en CDI pour se faire ses armes, "s'assurer un logement", avant de véritablement se lancer dans l'aventure.