Phoenix CMS Accéder au BO
Témoignage

"Un métier de stagiaire ?" Faute de contrat, de nombreux jeunes diplômés commencent leur carrière en stage

Parfois, le stage peut être la seule opportunité pour débuter sa carrière professionnelle.
Parfois, le stage peut être la seule opportunité pour débuter sa carrière professionnelle. © nadzeya26 / Adobe Stock
Par Rachel Rodrigues, publié le 16 avril 2025
7 min

Face au manque d'opportunités, de nombreux jeunes actifs et actives ont recours à des stages après leur cursus. Un moyen de mettre un pied en entreprise, mais qui nécessite de devoir trouver une convention de stage voire d'acheter de fausses conventions. Quatre jeunes diplômées racontent leurs démarches à l'Etudiant.

Plus d'un an après avoir obtenu son diplôme en management du luxe, Solène en est à son deuxième stage. La raison ? La jeune active de 25 ans n'a jamais trouvé de poste en CDD ou CDI dans son domaine.

"Il y a très peu d'offres sur le marché pour des profils junior. Je n'ai jamais eu de retour, alors que pour les stages, j'ai été rappelée par toutes les maisons de luxe", détaille-t-elle. Sa situation n'est pas isolée. De nombreux jeunes diplômés comme elle se tournent aujourd'hui vers le stage par dépit, une fois leur cursus terminé, pour éviter une période d'inactivité ou de chômage. "Je ne trouvais rien, alors je me suis résignée", admet la jeune femme.

"Très peu d'offres" junior en CDD ou CDI

Lorsqu'elle entame ses recherches d'emploi l'été dernier, Mathilde ne trouve elle aussi que des offres de stages : "Je me suis même demandé : mon métier c'est un métier de stagiaire ?", ironise-t-elle. La jeune monteuse explique que dans son secteur, les recruteurs cherchent souvent un assistant en premier poste : "C'est un milieu où tu entres souvent en ayant fait un stage d'abord."

Il existe bien quelques offres d'emploi, mais "ils demandent beaucoup trop d'expérience", regrette la jeune femme de 21 ans. "Sans compter les alternances et les stages, il n'y a que des postes en CDI qui demandent minimum cinq ans d'expérience", déplore Solène.

Le stage comme seule opportunité

Face aux difficultés, le stage finit par apparaître comme la seule alternative. "Quand cela fait six mois que tu galères, et qu'après trois entretiens de suite pour des stages, on te propose directement le poste, c'est tentant", raconte Mathilde, qui a longtemps hésité avant d'accepter une offre dans un domaine qui l'intéressait. "Tu en arrives au point où tu remercies l'employeur de te payer 600 euros par mois", affirme la jeune femme avec cynisme.

Du côté de Solène, se résigner à accepter un stage ne s'est pas fait sans exigence. "Quitte à ne pas progresser en responsabilité, autant que l'expérience soit bénéfique sur le CV", affirme l'ancienne étudiante, qui a su tourner les difficultés à son avantage : "J'avais l'embarras du choix, alors j'ai attendu l'offre qui me paraissait la plus intéressante."

Éviter l'inactivité et "remplir son CV"

Bien souvent, les jeunes actifs hésitent avant de consentir à repasser par la case stages. "Je me suis dit : t'as quand même un bac+6, qu'est-ce que tu fais ?", admet Marie*, ancienne étudiante en communication, qui avait à cette époque déjà cumulé deux ans d'expérience en tant qu'attachée de presse.

Mais c'est généralement l'inactivité qui les pousse à sauter le pas. "Je m'ennuyais", admet la jeune femme de 26 ans. "Je suis restée un mois complet sans rien faire", juge-t-elle.

D'autres raisons peuvent pousser les jeunes diplômés à se contenter d'un stage. Pour Rania, le stage était aussi une manière de "remplir son CV" et "gagner en expérience" après ses études de communication et de journalisme. "Mon manque d'expérience était le retour le plus fréquent que j'avais : j'en ai conclu qu'il fallait que je m'en crée, mais autrement", affirme-t-elle. 

Parfois, c'est même l'aspect financier qui incite les jeunes actifs à accepter un stage, faute de mieux. "Je gagne 650 euros, j'ai la carte ticket resto, et mon abonnement Navigo est pris en charge à 50%", détaille Rania. Solène, quant à elle, n'avait pas le choix : "J'avais un prêt étudiant à rembourser."

Avoir une convention de stage sans formation

Une fois le cursus terminé, décrocher une convention de stage peut toutefois s'avérer compliqué. Si quelques établissements autorisent leurs étudiants à conclure des conventions de stage après l'obtention de leur diplôme, ce délai ne dépasse généralement pas les six mois après la fin des cours.

D'autres organismes peuvent fournir aux jeunes des conventions de stage hors école, comme les missions locales ou France travail : la durée peut aller jusqu'à un mois maximum, renouvelable une fois dans la même entreprise. Mais c'est une période courte en fin d'études, qui signifie de plus que le jeune n'est pas rémunéré.

Le business des conventions achetées en ligne

Nombre d'anciens étudiants finissent par se tourner vers des formations en ligne pour décrocher leur convention. Depuis plusieurs années, la possibilité d'effectuer un stage avec ce type d'organismes est bien documentée, et le système bien rodé. En deux clics et après quelques vérifications "pour éviter les fake", Marie a pu trouver des informations sur un organisme. 

Le principe : s'inscrire dans une formation en ligne et payer entre 300 et 600 euros, en l'échange d'une convention de stage et d'un numéro d'étudiant. "Je l'ai reçue 48 heures après", témoigne Rania ; ça a pris 24 heures pour Marie. Mais avant de s'engager avec l'organisme en question, il convient de vérifier avec l'entreprise d'accueil si la solution leur convient. "Je sais que certaines boîtes n'acceptent pas ce type de conventions", prévient Rania.

Quelques échanges de documents plus tard, l'affaire est bouclée : aucune obligation de suivi des cours ne découle de l'inscription. "On te prévient que si tu ne suis pas les cours, tu n'obtiendras pas ton "diplôme", mais je sais qu'ils ne vont rien me demander", explique Mathilde. "Je suis censée recevoir des liens pour suivre des cours en ligne, mais je ne les ai jamais reçus", assure de son côté Solène.

En dépit de responsabilités moins importantes qu'en CDD ou CDI, le stage devient donc pour ces jeunes diplômés un moyen de mettre un pied dans le domaine choisi : "ça m'a permis de prendre confiance en moi dans le travail", décrit Mathilde. D'autant que la jeune monteuse espère que son expérience de plusieurs mois débouchera sur une embauche en CDD. Et elle relativise : "Au pire, je me serai fait un réseau toujours mobilisable pour la suite !"

L'achat de conventions, un système à la limite de la légalité

Afin de délivrer des conventions de stage conformes à la législation, les établissements doivent assurer un minimum de 200 heures de formation par an, dont 50 heures en présentiel. Les formations en question s’en tiennent souvent à ce volume horaire. "C'est ce qu'on m'a détaillé par mail quand je les ai questionnés sur le fonctionnement", témoigne Mathilde. Néanmoins, l’étudiant peut entamer son stage immédiatement après son inscription, sans avoir suivi de cours en amont.

Vous aimerez aussi

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !