Décryptage

Au-delà de l'appel à l'aide, les étudiants de santé demandent des actes concrets

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Par Lola Fourmy, publié le 18 décembre 2020
5 min

La détresse psychologique des étudiants en santé, dénoncée depuis longtemps, s’est accélérée ces derniers mois avec la crise sanitaire. Dans une lettre ouverte, 14 associations étudiantes en santé demandent des actes concrets.

La lettre ouverte débute par la célèbre formule "J’accuse" utilisée dans l’affaire Dreyfus. Une façon de marquer les esprits, "parce qu’on est arrivés à un point de rupture avec nos interlocuteurs et qu'on a des étudiants à bout", constate Morgane Gode-Henric, présidente de l’association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF).

Au total, 14 associations étudiantes dont l'ANEMF participent à ce mouvement pour dénoncer la détresse psychologique des étudiants en santé. Ce qui frappe d’abord, ce sont ces chiffres : 27,7% des étudiants en médecine présentent des signes de dépression, 31,3% des étudiants en sciences infirmières prennent des anxiolytiques. Malgré tout, 65% des étudiants en santé se sont mobilisés pendant la crise du Covid-19.

La crise sanitaire, un déclencheur

L’objectif de cette lettre ouverte, accompagnée d’un rapport détaillé, est de mettre en lumière les problèmes de santé mentale des étudiants en santé qui découlent, selon ces associations, d’un système global. "La crise du Covid a agi comme un déclencheur. Ça n’a fait qu’exacerber toutes les problématiques, dont certaines datent d’il y a longtemps", complète Morgane Gode-Henric.

La crise a aussi eu un effet amplificateur : "Un étudiant qui devait travailler pour boucler ses fins de mois, a perdu son job. Si là-dessus vous ajoutez la pression subie lors de son stage, et le stress des examens dont certaines modalités sont inconnues, il faut être très fort pour supporter tout ça !", dénonce la présidente, elle-même étudiante en troisième année de médecine et actuellement en césure.

Changer le logiciel pédagogique

Selon ce rapport "Santé mentale, protocole mental engagé", c’est dès le lycée qu’il faut mieux informer sur les formations de santé. Plus globalement, c’est un changement de pédagogie que demandent les étudiants en santé. Et notamment de privilégier les travaux pratiques et les mises en situation plutôt que des cours magistraux pour se préparer aux premières rencontres avec les patients.

Ils réclament aussi une augmentation du nombre de praticiens universitaires au-delà des annonces de 250 postes en cinq ans prévus par le "Ségur de la santé". L’une des revendications concerne l’amélioration des conditions de stage, via une meilleure formation des encadrants, mais aussi par le volet financier. En stage, les étudiants en médecine touchent 260 euros bruts par mois, là où la moyenne nationale des étudiants de master en stage se situe à 390 euros.

Pour la présidente de l’ANEMF, il faut aussi permettre aux étudiants de réaliser leurs stages dans d’autres structures notamment en libéral et dans des centres hospitaliers plus loin des grandes villes. Cette mesure permettrait un meilleur accompagnement par les médecins puisque les étudiants seraient moins nombreux par structure. Mais un problème se pose : celui des hébergements et des transports. "C’est pour ça qu’on demande des hébergements territoriaux en santé (HTES). On veut découvrir les territoires, mais il faut nous en donner les moyens", affirme Morgane Gode-Henric.

Briser l'omerta autour du mal-être des étudiants en santé

Les étudiants de santé souhaitent surtout lever un tabou autour du mal-être des étudiants en santé qui ne veulent plus "apprendre dans la douleur". Le rapport dénonce d'ailleurs des situations de harcèlement, une pression qui contraint certains étudiants au silence, et un non-respect de leurs droits. "Plus qu’un rappel à la loi, maintenant on veut des sanctions. Ça fait grincer des dents mais c’est comme ça, il faut que ça change", martèle Morgane Gode-Henric.

Et si le rapport souligne la présence de dispositifs de soutien, il réclame aussi qu'ils soient conformes à la réalité de ce que vivent les étudiants. "Ils sont fermés entre midi et deux, à 17 heures et les week-ends. Ça ne correspond pas à ce que nous vivons", tranche la jeune femme.

Ces propositions ont été présentées aux ministères de la Santé et l’Enseignement supérieur, dont les réponses n’ont pour l’instant pas été satisfaisantes, selon la présidente de l’ANEMF. Elle demande d'investir dès aujourd'hui sur la formation des jeunes et le système de santé avant qu'il ne soit trop tard. "Il ne faudra pas se plaindre si les futurs professionnels commencent sur les rotules. Il faut avoir une vision à long terme" conclut l’étudiante en médecine. L’objectif désormais, alerter l’opinion et convaincre les parlementaires de changer les choses, maintenant.

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