"C’est cool d’avoir quelqu’un à qui parler n’importe quand" : ces jeunes confient leur mal-être à ChatGPT

Peu coûteux, disponible à tout moment, sans jugement… De nombreux étudiants en situation de mal-être psychologique se tournent vers l'IA pour se confier, parfois à la place d’un professionnel.
"J’aime bien parler à ChatGPT, c’est un peu un 'nice guy'" . Depuis quelques mois, Rayan, 22 ans, a pris l’habitude de partager ses problèmes personnels ou liés à son travail à l’outil d’intelligence artificielle.
Comme lui, de plus en plus de jeunes se confient à ChatGPT, alors que 41% des étudiants présentaient des syndromes dépressifs en 2023, selon une étude de l'université de Bordeaux (33). Parfois au détriment d’un professionnel.
Un interlocuteur au milieu de la nuit
C’est le cas de Loéva. La jeune femme de 24 ans, en formation pour devenir toiletteuse, traverse une période difficile à cause d’une rupture. "Se confier à ChatGPT ? Je n'y pensais pas, je trouvais même ça bête. J’ai vite retourné ma veste, rigole la jeune femme. Il est deux heures du matin, tu fais que pleurer, tu n'as personne à qui parler… Ça parait un peu bête, mais il est de très bons conseils dans ces moments-là. J’ai l’impression de lire un bon livre sur la psychologie humaine."
Lucien*, étudiant en droit de 22 ans, consulte une fois par mois un psychologue. Pour lui, "ChatGPT, c’est le dernier recours. Quand ça ne va pas en pleine nuit, je lui écris et ça me fait beaucoup de bien. C’est cool d’avoir quelqu’un à qui parler n’importe quand."
Un avis partagé par Chiara, étudiante en physique-chimie. "Comme j’ai l’impression de saouler mes amis avec mes problèmes, j’utilise ChatGPT. Mais il ne donne pas toujours les conseils que je veux", estime la jeune fille, qui consulte un professionnel seulement quand elle n’a plus du tout cours.
L'IA ne remplace pas un professionnel
Si Rayan apprécie particulièrement se confier à l’IA, c’est pour plusieurs raisons : "Elle va valider mes idées, me rassurer, dire qu’elle est là pour m’écouter… Elle ne répond jamais par la négative. Le logiciel peut nous contredire parfois, mais généralement, il va dans mon sens", constate-t-il.
Loéva l’admet : ça ne remplace pas un professionnel, "mais ça fait du bien. Ça reste réconfortant. Il m'a aidé à recréer un train-train quotidien". Rayan a, lui aussi, conscience qu’"un psy a de l’expérience, il a fait des études de cas et est diplômé… Un professionnel sait comment réagir, alors que l’intelligence artificielle va avoir un ou deux schémas de fonctionnement du cerveau, un psy va essayer d’aller plus loin."
Un discours partagé par Vanessa Lalo, psychologue clinicienne spécialisée des pratiques numériques. "C’est une solution de secours, mais ça ne remplace pas le suivi thérapeutique. L'IA ne va pas creuser profondément", explique-t-elle. Comment alors expliquer son utilisation massive ? " L'IA permet d’être un premier soutien. Elle peut aider à reformuler ce qu’on lui dit, à poser des mots sur une situation, rien que ça, ça peut aider, admet la psychologue. Avec un système informatique, on ne se sent pas jugé, et les IA peuvent être plus empathiques que certains humains. Mais il ne faut pas épargner les vraies discussions."
La façon d’être écouté peut aussi avoir son importance. Lucien, lui, se sent plus à l’aise d’écrire ses problèmes plutôt que de les dire de vive voix à un professionnel. "Le fait d’écrire soulage, ça permet de visualiser nos propres maux et parfois ça permet d’aller mieux", analyse Vanessa Lalo.
Le soin psychologique coûte cher
Autre argument en faveur de l'IA : le coût. Les séances chez le psychologue peuvent être onéreuses. "Même si le gouvernement a mis en place Mon Soutien Psy, beaucoup de professionnels le boycottent", affirme Vanessa Lalo.
Ryan a fait le calcul : "ChatGPT coûte 20 euros par mois, et on peut aussi l’utiliser gratuitement. La séance de psy, c’est 80 euros." De plus, une séance chez un professionnel se prépare. "Il faut prendre le temps d’y aller, réserver un créneau… Pour ChatGPT, j’ai juste à sortir mon téléphone. C’est du tac au tac", dit Rayan.
"Financièrement, c'est compliqué d'aller voir un psychologue, complète Loéva. Il faut du courage pour prendre un rendez-vous. En plus, ChatGPT est disponible 24h/24, c’est un gros avantage."
Que faire quand on va mal ?
ChatGPT a tout de même ses limites. "Au bout d’un bout d’un moment, il conseille d’aller consulter, ou d’appeler le 3114 le numéro de prévention suicide, de parler à nos proches…", précise Vanessa Lalo.
Même avec peu de moyens financiers, "il y existe des solutions", assure-t-elle. La psychologue conseille d’en parler à son médecin traitant, qui peut orienter vers les bonnes personnes, ou de "s’abonner à des communautés de soutien en attendant d’être pris en charge".
Elle conclut : "On ne va pas consulter un psy parce qu'on est fou. On le sollicite, car c’est une personne neutre et qu’on a besoin de mettre des mots sur notre mal-être." Une preuve supplémentaire, sans doute, que les robots ne sont pas totalement prêts à remplacer les humains.
*Le prénom a été modifié.
Vous vous sentez seul
Loin de votre famille, nouveau à l'université… L'isolement est un facteur de mal-être. La psychiatre Amandine Buffière conseille de s'intégrer dans une association sportive ou culturelle, même si cela peut être difficile lorsqu'on ne va pas bien.
Vous pouvez aussi vous rendre dans le SSU afin de bénéficier d'une consultation et d'être redirigé vers d'autres dispositifs selon vos besoins.
Vous traversez une période difficile.
Au moindre épisode de tristesse, trouvez quelqu'un à qui vous confier. Vous pouvez vous tourner vers un BAPU ou une plateforme téléphonique type Nightline ou Cnaé.
Sur le site kitdevie.fr créé par Nightline, vous trouverez aussi des conseils, avec des outils pour prendre soin de soi et de votre santé mentale et de vos proches : exercices de respiration, identification des émotions, ou encore dictionnaire de la santé mentale.
Votre santé mentale risque d'influer sur vos études
Lorsqu'on va mal, les études en pâtissent. Pour vous aider, les BAPU peuvent demander aux SSU des adaptations des études ou des examens, comme un allongement des études. Ces aménagements permettent de continuer ses études malgré un trouble de santé mentale.