Reportage

Les étudiants formés à détecter des troubles mentaux chez leurs pairs

Héloise, Lucile, Manon et Hanaé participent à la formation aux premiers secours en santé mentale.
Héloise, Lucile, Manon et Hanaé participent à la formation aux premiers secours en santé mentale. © Maxime Lacoche
Par Marine Richard, publié le 25 mai 2021
5 min

Dispensée gratuitement dans certaines universités françaises depuis 2018, la formation aux premiers secours en santé mentale, est beaucoup moins connue que son homologue dédié aux gestes de premier secours. Elle vise à identifier les premiers signes de mal-être chez un individu. L’Etudiant a assisté à l’une de ces journées de formation.

À l’université de Paris, rue des Saint-Pères, se déroule un cours pas comme les autres : pas de calculs en vue sur le tableau ni de schémas mais des adjectifs comme : "fou, dingue, marginal". Des jeunes filles assises à une table joue le rôle d'un jeune homme, Marc, étudiant à l’université en pleine dépression, qui ne parvient plus à sortir de son lit le week-end, et celui de son oncle qui tente de le réconforter : "Je suis préoccupé parce que ta mère m’a dit que tu restais cloîtré dans ta chambre sauf pour aller à la fac. Tu ne vois pas d’amis en ce moment ?" imite Hanaé, membre de l’Union de l'université de Paris des étudiants en orthoptie, U2PEO, qui incarne l’oncle inquiet par l’état de santé de son neveu, la main posée sur celle de "Marc".

Ce n’est pas un cours de théâtre mais un jeu de rôle où l’objectif est d’apprendre à approcher une personne qui a des troubles mentaux et à l’assister en cas de crise.

Bienvenue à la formation aux premiers secours en santé mentale, un dispositif né en Australie il y a 20 ans et transposé en France depuis 2018. "L’objectif n’est pas de soigner ni de se substituer à un psychologue mais d’identifier les premiers signes d’un problème psychique et de savoir comment réagir en cas de crise, explique Maxime Lacoche, formateur accrédité par l’association PSSM France. D’autant plus que chez les jeunes les deux principales causes de mortalité sont les accidents de la route et les suicides".

"On attend que ce soit grave pour consulter"

Pendant deux jours, soit 14 heures de formation, les étudiants apprennent par groupes de 16 personnes maximum comment définir les troubles anxieux, la dépression, les idées suicidaires… afin d'encourager leurs camarades à aller voir un professionnel (psychologue, médecin addictologue ou assistante sociale) en cas de crise.

"En France, on attend que ce soit grave pour consulter de peur d’être souvent pris pour un fou", constate Héloïse, 26 ans, membre de la corporation des étudiants en pharmacie. "Nous sommes dans un système curatif et non préventif", ajoute Lucile, en troisième année de dentaire.

L’un des objectifs de la formation est justement de "faire évoluer les représentations sociales sur les pathologies et de mettre fin aux stigmatisations", se réjouit Maxime Lacoche. Ici, pas de mannequin comme dans la formation aux gestes de premiers secours, mais des mises en situation où les jeunes, avec bienveillance, se mettent à la place des personnes en difficulté.

À travers des jeux, des classements de maladies selon leurs impacts sur la vie d’un groupe, des analyses d'œuvres picturales mais aussi des vidéos, les étudiants apprennent à réagir en suivant le protocole AÉRER : approcher, écouter, réconforter, encourager et renseigner sur les autres ressources existantes.

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Adobe Stock © Marine Richard

L’université de Paris propose pour le moment cette formation aux membres d’associations étudiantes uniquement : "Les associations restent des contacts privilégiés pour les étudiants et notamment les primo-entrants qui découvrent l’université par le bureau des étudiants (BDE). Ils entretiennent des échanges réguliers où ils abordent des sujets non pédagogiques", assure Aurore Tixier, directrice générale déléguée vie de campus.

"Certains étudiants sont en détresse à cause de la crise sanitaire"

Une formation bien accueillie par les étudiants : "Je fais du tutorat à des élèves de première année et certains étudiants sont en détresse à cause de la crise sanitaire. Ils n’ont pas pu tisser de liens avec d’autres élèves en raison des cours à distance et j’aimerais pouvoir les aider", affirme Manon, en DUT carrière sociale, option assistante sociale à l’université de Paris. "Ce serait bien que cette formation fasse partie intégrante du cursus universitaire et que tous les étudiants puissent y participer", suggère Hanaé de son côté.

Cette première journée se termine par des exercices de méditation pour relâcher la pression et prendre soin de soi. D’autres sessions sont prévues à la rentrée prochaine à l’université de Paris et dans d’autres facultés. Tout étudiant désireux de suivre une formation peut se rapprocher des directeurs de vie étudiante ou des services de santé universitaires pour connaître les prochaines dates.

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