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Valérie Pécresse : "Il faut lutter contre l'échec à l'université"

publié le 05 mars 2008
1 min

De tout ce que vous avez accompli depuis votre entrée en fonction, de quoi êtes-vous la plus fière ?

De la loi Libertés et responsabilités des universités (1), évidemment. Parce que c’est une loi qui peut changer et améliorer le paysage universitaire. Le texte doit lever toute une série de verrous qui empêchent les universités de s’épanouir et de prendre des initiatives. Or, dans une société de la connaissance où la compétition est aujourd’hui mondiale, il faut absolument que l’université soit dans le peloton de tête.

En décembre 2007, vous avez annoncé que le plan "réussite en licence" entrerait en vigueur en février 2008. Nous y sommes. Que va-t-il se passer concrètement pour les étudiants ?
L’orientation active est mise en place. Près de 2/3 des lycéens se sont d’ores et déjà engagés dans une démarche d’orientation. Le site Internet d’inscription www.admission-postbac.org est utilisé dans la moitié des académies. Grâce à ce site, les jeunes utilisateurs seront mieux informés sur leurs filières. Et les universités engagées dans le processus ont l’impression d’avoir elles-mêmes une meilleure information sur les lycéens qu’elles vont accueillir. Nous sommes sur la bonne voie… Par ailleurs, des contrats étudiants commencent à être signés. De nombreuses universités proposent notamment des missions de tutorat, qui est une partie intégrante du plan licence. Les étudiants ne doivent pas être laissés à eux-mêmes, il faut les accompagner dans leur choix d’études, d’orientation. Enfin, des réflexions sont lancées sur les maquettes de licence. On s’interroge sur les façons d’éviter l’hyperspécialisation de la première année et d’ouvrir davantage sur les champs de métiers.

Les réorientations prévues en première année de médecine (2) font-elles partie du plan ?
Les études de médecine ont une place à part dans l’enseignement supérieur, mais il s’agit bien d’un volet du plan "réussite en licence". Notre objectif reste de lutter contre l’échec à l’université en première année, toutes filières confondues. Or, en médecine, le taux moyen d’échec s’élève à 80 %, contre 50 % dans les autres disciplines. On ne pouvait donc pas mener ce plan sans parler également de PCEM1. Il faut lutter contre ce gâchis humain : en médecine, vous avez le choix entre le succès et… rien. Ce n’est plus possible. Il faut absolument construire des passerelles. La première année ne doit pas mener les jeunes dans des impasses, surtout au bout de deux ans d’études. Ces passerelles doivent servir aux élèves qui se sont engagés sur la mauvaise voie mais aussi à ceux qui viennent d’autres filières – paramédicales, scientifiques voire littéraires – et souhaitent venir ou revenir en médecine. La communauté universitaire va réfléchir à ce sujet. Mais pour être en mesure de mettre en place les concours de juin 2009, il faudrait arriver à un accord assez rapide…

Pouvez-vous développer les mesures que vous allez mettre en place en faveur du logement étudiant ?
Aujourd’hui, il manque 40.000 chambres d’étudiants, dont le tiers en Île-de-France. A partir de cette année, nous voulons donc réaliser 5.000 constructions et 7.000 réhabilitations par an, suivant les recommandations du rapport Anciaux. Le budget consacré va augmenter de 11 % en 2008. Mais, la construction ne suffit pas, il faut explorer d’autres pistes comme la colocation et le logement intergénérationnel. Pour cela, Il faut bâtir un "cadre juridique de la confiance". Pour favoriser la colocation, on part sur la création d’un bail spécifique qui protègerait le bailleur. Pour développer le logement intergénérationnel, on s’oriente plutôt vers une labellisation, par l’État, d’associations créées dans les universités qui se chargeraient de la mise en relation des jeunes et des propriétaires. Pour qu’il y ait plus de colocations, il faut créer un bail valable pour plusieurs titulaires à la fois.
Enfin, il est prévu de créer pour la rentrée 2008 un site Internet, sous l’égide du CNOUS, où seront mises en ligne toutes les chambres disponibles en temps réel.

Et concernant les bourses ?
En janvier 2008, les 100.000 étudiants les plus défavorisés ont vu leur bourse augmenter de 7,2 % par rapport à l’année dernière. Ces 100.000 jeunes sont ceux dont les parents gagnent moins de 7.000 € par an. Les autres bourses ont été revalorisées de 2,5 % soit 50 % de plus que l’inflation.

Avez-vous d’autres projets pour améliorer les conditions de vie des étudiants ?
Les "contrats étudiants" ont été créés pour cela. Leur objectif : donner un vrai contrat de travail à des jeunes qui ont besoin de ressources. Au lieu de se tourner dans le secteur privé, vers des métiers qui n’ont aucun rapport avec leurs études, ceux-ci peuvent trouver un supplément de rémunération dans des emplois adaptés à leur emploi du temps, dans des créneaux de savoir-faire qui leur seront utiles pour leur formation. Tutorat, engagement social ou humanitaire, aide à l’insertion professionnelle, travail dans les bibliothèques, etc. : les missions sont multiples. En outre, ces emplois devront rapporter des crédits ECTS (3).

Puisque vous parlez d’aider les étudiants les moins favorisés financièrement, on constate que les bacheliers des filières générales prennent la plupart des places qui devraient normalement être destinées aux bacheliers technologiques. Qu’allez-vous faire pour remédier à cet état de fait ?
Un décret donnant accès de droit à tous les bacheliers technologiques ayant eu une mention bien ou très bien aux IUT va sortir. Cette mesure existait déjà pour les STS, mais pas pour les IUT. Cela va permettre de mieux aiguiller ces jeunes vers des filières de réussite. Par ailleurs, un bonus de 5 millions d’euros sera distribué aux instituts en fonction des efforts qu’ils feront pour accueillir davantage ces bacheliers. Les IUT ont une formation particulièrement bien adaptée à leur profil. Ils doivent donc devenir une structure d’accueil prioritaire. Les crédits accordés permettront à développer l’encadrement nécessaire à la réussite des élèves qui ont un niveau inférieur.

C’est peut-être justement dans ces filières qu’il faudrait créer plus de places ?
Nous lancerons dans les semaines qui viennent une réflexion, avec les régions, sur la carte des formations professionnalisantes. Songez qu’il y a des places vacantes en IUT et en STS. Par ailleurs, il faut créer de nouvelles filières pour les métiers émergents. Je pense par exemple à celui de "psychométricien", c’est-à-dire kiné du cerveau, qu’on voit apparaître dans le cadre du plan Alzheimer. De même, le Grenelle de l’environnement a fait apparaître toute une série de professions nouvelles dans le développement durable. On pourrait également parler des services d’aide à la personne, du tourisme…

Avez-vous été déçue par l’allocation accordée aux stagiaires par le ministre du Travail (4) ?
C’est un premier pas... Mais nous ne pouvons pas rémunérer de la même façon un jeune en CAP et un jeune en licence ou en master. Or ils ne sont pas dissociables aujourd’hui. Dans un premier temps, nous avons donc créé un décret "filet de sécurité" pour tous les stagiaires. Nous risquions, sinon, de tarir l’offre de stages pour les non bacheliers. La prochaine étape consiste à modifier la loi pour permettre de traiter différemment les cas en fonction du niveau de qualification des jeunes. Mais surtout notre défi reste de trouver des dizaines de milliers de stages supplémentaires… Je vais aller voir les chefs d’entreprise un par un pour les intéresser à l’avenir de l’université. Il ne s’agit pas de toucher aux diplômes nationaux mais de récupérer davantage d’offres de stages et de travailler sur l’insertion professionnelle, une question plus cruciale qu’on ne le croit.


(1) La loi LRU a été votée à l'été 2007. Elle traite essentiellement de l'autonomie et de la gouvernance des universités.
(2) Valérie Pécresse et Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé, ont annoncé une réforme de PCEM1 à la rentrée 2008. Les réorientations et les passerelles devraient être développées.
(3) ECTS pour European Credits Transfer System. Ce système de points développé par l'Union européenne permet de faciliter la lecture et la comparaison des programmes d'études des différents pays européens. Un an d'études rapporte 60 crédits.
(4) Le décret sur l'indemnisation des stages, publié le 1er février 2008 au Journal officiel, prévoit une rémunération de 380 € par mois dès le premier jour pour les stages de plus de trois mois.




Propos recueillis par Virginie Bertereau et Olivier Rollot

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