"C'est grâce au sport que j'ai pu renaître" : six étudiants para-sportifs racontent leur quotidien
Entre les cours, les révisions, les différents soins médicaux et les entraînements, l'emploi du temps est souvent chargé pour les étudiants para-sportifs. Témoignages.
Pour Aurianne, le rugby fauteuil a été comme une évidence. "C'est un sport très physique que j'ai tout de suite apprécié", affirme l'étudiante en chimie dans une école d'ingénieurs toulousaine. Victime d'un accident de plongée il y a plusieurs années, la jeune femme de 24 ans, aujourd'hui tétraplégique, pratique cette discipline depuis deux ans, au club Rugby fauteuil du Stade Toulousain.
Comme elle, de nombreux étudiants en situation de handicap pratiquent une discipline de handisport en parallèle de leur cursus, à des niveaux différents. Au-delà des athlètes de haut niveau, qui ont parfois pu tenter leur chance aux Jeux paralympiques de Paris, beaucoup se plaisent à pratiquer leur sport, "pour le loisir", sans prétention de compétition. "J'en ai besoin pour être bien dans mon corps", assure Ahmat, étudiant parisien, aujourd'hui en réorientation, qui pratique la para-natation et le para-athlétisme.
Trouver un sport adapté
Ariana, de son côté, a réalisé un stage de quelques jours à l'INSEP , dans le cadre du programme La relève, encadré par le comité paralympique français, pour trouver sa discipline. "L'objectif est d'organiser des détections et des évaluations pour les sportifs en situation de handicap, et les diriger par la suite vers une discipline qui convient à leur handicap", détaille l'étudiante en troisième année de licence d'ingénierie mécanique à l'université Paul Sabatier de Toulouse (31).
Dans le handisport, chaque discipline dispose de nombreuses catégories pour s'adapter aux différents types et niveaux de handicap. "Parfois, notre catégorie n'existe pas dans le sport qu'on veut faire", explique Ariana.
La jeune femme paraplégique raconte avoir testé plusieurs sports avant d'en trouver un adapté : "J'ai essayé le basket, mais le fauteuil n'était pas adapté. On ne peut pas toujours se permettre d'acheter un nouveau fauteuil quand on vient juste de commencer et qu'on ne sait pas si on va continuer à pratiquer. Ça coûte cher", admet-elle. La jeune femme, qui pratique déjà le crossfit, souhaite aussi s'initier à l'aviron ou l'escrime.
Des infrastructures aménagés selon les handicaps
Mais, avant même de commencer à pratiquer, beaucoup d'étudiants se heurtent à la difficulté de trouver un club disposant des bonnes infrastructures. "Il faut s'assurer qu'il y ait des sanitaires et des vestiaires adaptés", explique par exemple Ariana.
Mélanie, aujourd'hui athlète de haut niveau en athlétisme fauteuil, décrit, elle aussi, des difficultés de taille à trouver un club "avec une section handisport déjà ouverte". "Combien de clubs m'ont fermé les portes, estimant qu'avec mon fauteuil, j'allais prendre trop de temps sur la piste et qu'ils n'avaient pas le temps de s'occuper de moi", se souvient l'étudiante en master MEEF .
De son côté, si Aurianne a trouvé rapidement sa place en rugby fauteuil, elle raconte avoir eu plus de mal à trouver une structure adaptée à son handicap en basket, au début de sa rééducation. "On peut pratiquer pas mal de sports, mais selon nos pathologies, on reste limités aux catégories et aux structures qui existent autour de nous", explique l'étudiante en quatrième année.
Une organisation bien ficelée
Une fois le club identifié, les étudiants doivent ensuite s'atteler à la préparation d'un emploi du temps bien précis. "Il faut à la fois gérer le sport, les études, mais aussi les soins médicaux. Je n'ai pas le temps de réviser la semaine, alors je le fais le week-end, quand j'ai un peu plus de temps pour me poser", explique Aurianne.
Dans le détail, l'étudiante en chimie dispose de deux entraînements de rugby fauteuil par semaine : le mardi et le jeudi soir, sans compter les quelques tournois qu'elle fait tous les ans. "Parfois, je m'entraîne aussi le dimanche", ajoute la jeune femme. Par ailleurs, elle reçoit l'aide d'auxiliaires tous les matins, qui viennent l'aider à s'habiller et à se préparer pour les cours.
"Des infirmières viennent également deux soirs par semaine, et j'ai aussi une séance de kiné un soir dans la semaine", détaille-t-elle. Finalement, "la semaine passe très vite", conclut l'étudiante.
Pour les étudiants en fauteuil, la question du transport peut également se poser. Ariana, qui pratique du crossfit depuis plusieurs années, a trouvé son organisation : "J'ai mis en place un soutien : des auxiliaires viennent me chercher pour me déposer à la salle", raconte l'étudiante en ingénierie mécanique.
Mais pour les nouvelles activités qu'elle entend commencer à la rentrée, la logistique s'avère plus compliquée. "Pour revenir de l'aviron, je n'ai pas de mobibus , et le trajet monte beaucoup. C'est faisable, mais pour une question de sécurité, ce n'est pas terrible", explique-t-elle.
Tenir compte de la fatigue et des impératifs
Parfois, la fatigue peut prendre le dessus. "Il y a une fatigabilité plus importante quand on est en situation de handicap", rappelle Elias, étudiant en master d'histoire, qui prépare cette année l'agrégation et para-nageur.
C'est aussi le cas de Solange, qui a commencé il y a quelques mois le handisurf, dans un club du Finistère. "Mon objectif est de me muscler au fur et à mesure pour pratiquer de plus en plus", explique l'étudiante en BTS services et prestations du secteur sanitaire et social, paraplégique depuis un an, après un accident de voiture.
Au quotidien, il est d'autant plus compliqué de maintenir une pratique sportive que les impératifs sont prenants : "Entre la rééducation, le kiné, ça fait beaucoup à encaisser physiquement et mentalement", ajoute Elias. De son côté, Ahmat admet avoir eu du mal à gérer les révisions et le sport en même temps, l'année dernière. "À partir de cette rentrée, je vais anticiper le plus possible mon travail", assure-t-il.
Le sport comme moyen de se reconstruire
Mais malgré la fatigue, tous les étudiants interrogés admettent ne pas envisager leur vie sans le sport. "Ça me convient de courir à droite et à gauche pour faire ce que je veux", admet Ariana. Du côté de Mélanie, ce n'est simplement pas une question : "J'ai essayé d'arrêter le sport pendant plusieurs années, mais j'ai très vite ressenti un manque et compris que mon épanouissement pro et perso en dépendait", assure l'étudiante.
Pour Aurianne, le rugby fauteuil a joué un rôle déterminant dans sa reconstruction : "C'est grâce au sport que j'ai pu renaître après mon accident", raconte l'étudiante. Au-delà de la performance purement sportive, le fait de côtoyer des personnes dans la même situation qu'elle a été bénéfique psychologiquement. "On peut se donner des conseils, c'est précieux."
Tous les étudiants interrogés félicitent la couverture médiatique des Jeux paralympiques qui permet de "mettre en lumière" les différentes disciplines de handisport, encore trop méconnues de la société. Prochaine étape : "En parler au-delà des Jeux", estime Mélanie, et surtout, "parler moins du handicap" des athlètes, que de leurs performances.
Des aménagements pour les para-athlètes de haut niveau
Lorsqu'ils sont athlètes de haut niveau, ou de bon niveau national, les étudiants pratiquant une discipline de handisport peuvent bénéficier d'aménagements. "Je suis dispensée de cours le mardi en fin de matinée pour avoir le temps de me rendre au rugby fauteuil", explique Aurianne, précisant qu'un temps de trajet plus long est à prévoir, du fait de son fauteuil.
La jeune femme peut également être dispensée de cours en cas de déplacements pour une compétition. "Les tournois peuvent parfois s'étaler jusqu'au lundi, ou commencer le vendredi. Dans ces cas-là, je suis autorisée à m'absenter", explique l'étudiante, titulaire du statut de bon niveau national.
De son côté, Mélanie, athlète de haut niveau, dispose d'un emploi du temps aménagé. "Je m'entraîne six fois par semaine, alors je réalise ma première année de master en deux ans. L'année dernière, j'ai validé ma première moitié d'année, et cette année, ce sera le reste", détaille l'étudiante.