Reportage

Climat : "Les médias traditionnels ne s’adaptent pas à la jeunesse"

De gauche à droite : François Pitrel (BFM), Laury-Anne Cholez (Reporterre), Lucas (Brut), Zoé Tazbibt et Noé Gauchard.
De gauche à droite : François Pitrel (BFM), Laury-Anne Cholez (Reporterre), Lucas (Brut), Zoé Tazbibt et Noé Gauchard. © Thibaut Cojean
Par Thibaut Cojean, publié le 04 octobre 2021
6 min

À l’occasion des Assises du journalisme, quatre étudiants engagés dans la transition écologique ont échangé avec des journalistes lors d’un débat sur la place accordée au climat dans les médias. Une rencontre qui a mis en avant les différences plutôt que les solutions et n’a pas répondu à toutes les attentes de la jeunesse.

"Absolument frustrant." Après deux heures de discussion, le constat est un peu amer pour Noé, Lou, Zoé et Guillaume. À l’occasion des Assises du journalisme, dont l’édition 2021 s’est tenue à Tours sur le thème du climat, ces quatre jeunes engagés dans la transition écologique ont échangé mardi 28 septembre avec trois journalistes de BFM, Brut et Reporterre. Un débat "pas abouti" qui aura fait l’inventaire des difficultés sans proposer beaucoup de solutions.

Pas assez d’écologie dans les médias

L’alerte des jeunes aux médias se résume simplement : on parle trop peu de la crise climatique dans la presse, et trop mal. "L’écologie doit découler de tous les sujets", estime Guillaume Mardelle, étudiant en licence de gestion à l’IAE de Tours et engagé localement. "Il faut traiter l’écologie comme un tout et pas comme un sujet indépendant des autres, appuie Noé Gauchard, porte-parole de Youth for Climate. L’économie, l’immigration sont liées à la crise écologique."
Si les journalistes présents acquiescent, ils répondent en expliquant les contraintes d’une rédaction. "C’est à nous (les journalistes chargés du climat, NDLR) de convaincre que ces sujets ont de l’intérêt", avance François Pitrel, journaliste à BFM, qui ajoute que l’écologie est souvent mise en concurrence avec des sujets faisant plus d’audience.
Un argument qui n’a pas du tout convaincu

Lou Gallazzini, étudiante en droit à Tours et membre de la Cop2 Etudiante. "C’est toujours la même réponse : l’argent ! Il y a un problème de priorité : pour moi l’écologie est une valeur supérieure", réagira-t-elle après la conférence.

Trouver les bons formats

Dans l’amphi de Polytech Tours, le public est peu nombreux mais actif. Ce sont surtout des journalistes qui réagissent. Une rédactrice indépendante et spécialisée sur le climat explique que "faire son travail sur ces questions complexes, polémiques et soumises à des lobbies puissants n’est pas toujours facile".
Une autre, chargée de l’environnement chez Ouest France, regrette que "les journalistes ne s’intéressent pas assez à la question". Sur scène, François Pitrel abonde : "Sur le climat, les journalistes sont mauvais, ils ne sont pas assez formés pour apporter la contradiction." Sur le fond, étudiants et journalistes sont d’accord, mais peinent à trouver un terrain d’entente.
Le journaliste pointe un autre facteur, celui d’une audience vieillissante, "qui ne veut pas se sentir concernée par l’environnement". Rajeunir son public, un enjeu pour BFM, mais un pari pourtant réussi par Brut, qui officie principalement sur les réseaux sociaux. Lucas, journaliste pour la chaîne, explique que leur format vidéo plus long qu’un reportage de JT permet de ne pas "survoler les sujets", mais "de creuser, d’expliquer les mécanismes, les causes et les conséquences, et de proposer des solutions". Il confirme que les vidéos consacrées à l’écologie font "des millions de vues", une performance qui selon lui a été facilitée par "l’embauche de journalistes très jeunes".

"Nicolas Hulot, ça ne parle pas du tout à la jeunesse"

Si les jeunes apprécient ce format plus engagé, ils proposent une solution toute simple pour les faire s'intéresser à ces sujets : les faire parler. "On n’a pas vraiment de contact avec les médias traditionnels car ils ne s’adaptent pas à la jeunesse, estime Lou. Il faudrait qu’il y ait plus de jeunes dans les médias et qu’il y ait plus de mixité entre les âges." "Très peu de jeunes ont la parole à la télé, à la radio ou dans la presse, acquiesce Noé. Nicolas Hulot, ça ne parle pas du tout à la jeunesse !"
Ces leviers, les journalistes peuvent en effet les activer. "Il faut qu’on aille se mêler à la jeunesse, avec de nouvelles formes de récits et plus de vulgarisation. À nous d’être créatifs et d’oser", consent Laury-Anne Cholez, journaliste pour le média spécialisé en écologie Reporterre.
En près de deux heures d’échange, ce sera la seule solution concrète proposée pour combler le fossé entre jeunesse et médias. La faute, en partie, à un problème d’interlocuteurs : les journalistes présents sont déjà spécialisés et non décisionnaires au sein de leurs rédactions. "Ce n’est pas Reporterre qu’on veut convaincre, ils sont avec nous dans les manifs", résume Noé.
Et puisque les médias ne le font pas (encore), ils iront eux-mêmes parler aux jeunes. "On veut aller chercher les sièges vides", lance Guillaume en référence aux étudiants qui ne sont pas venus assister au débat. Les quelques-uns qui étaient là n’ont pourtant pas pris la parole. "Ils ne se sentent pas légitimes face aux journalistes, ils n’osent pas poser des questions plus naïves", explique Noé, regrettant que même dans un amphi universitaire, on ne leur ait pas laissé la place de s’exprimer.

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