Décryptage

Lutte contre les violences sexistes et sexuelles : universités et associations développent leurs outils

REA
REA © Teresa SUAREZ/REA
Par Clémentine Rigot, publié le 11 avril 2023
6 min

Depuis 2018, les établissements du supérieur sont tenus de mettre en place des cellules d’écoute et d’accueil afin de lutter contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Mais selon l’université, les propositions restent hétérogènes.

L’université de Nice Côte d’Azur a inauguré, en janvier 2023, une plateforme de signalement, accessible 24h/24, 7j/7. Etudiants, salariés de l’université, enseignants : elle est ouverte à toutes et tous et permet de faire remonter des situations vécues par l’utilisateur ou dont il a été témoin. Il est donc possible de rapporter un fait dont une collègue ou une camarade a été victime par exemple, si elle n’ose le faire. Disponible en pas moins de 40 langues, l’outil a été financé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, dans le cadre d’un appel à projet.

Mention importante : la plateforme permet de faire un signalement de manière totalement anonyme si on le souhaite, mais aussi d’envoyer des documents de façon confidentielle. Elle est complétée d’une ligne d’alerte téléphonique avec dépôt de message vocal.

Des dispositifs dédiés au signalement de violences sexistes et sexuelles

"Pour des personnes victimes ou témoins, c’était un peu difficile de savoir vers quel dispositif se tourner", se souvient Véronique Van De Bor, vice-présidente politique sociale, égalité, diversité à université Côte d’Azur. "Via cette plateforme, la personne peut signaler tout fait et même prendre un rendez-vous, si elle le souhaite, avec un écoutant ou écoutante."

D’autres universités ont fait le choix, en plus de canaux de signalement (mail, téléphone ou plateforme dédiée), de mettre à disposition des étudiants d’autres outils pilotés par des organisations externes. C’est le cas de l’université de Nanterre, qui propose, parmi sa liste de liens utiles, celui du site Comment on s’aime, porté par l’association féministe En Avant Toutes.

En plus d’informations et de documentation, le site propose un tchat, disponible 24/24h. Ouverte à tous et toutes, cette messagerie permet de recevoir des conseils personnalisés ainsi qu’une écoute dédiée sur les questions de violences, qu’elles soient physiques, verbales ou morales.

Le phénomène des VSS "concerne tout le monde"

"Les étudiantes et étudiants se sentent encore démunis par rapport à ces questions, et ne s’estiment pas assez accompagnés par leurs facs, regrette Louise Delavier, directrice des programmes d’En Avant Toutes. Il faut prendre conscience que ce n’est pas un phénomène rare, ni isolé mais qui, malgré son caractère très intime, concerne tout le monde."

La responsable intervient dans plusieurs structures de l’enseignement supérieur, le plus souvent sur demande des facultés et des BDE. Formations, sensibilisation, ateliers… L’association est fréquemment sollicitée pour intervenir auprès des jeunes. Pourtant, le débat ne fait pas totalement consensus, cinq ans après #MeToo. "Il y a des résistances de la part de certains étudiants. Il y a des victimes qui n’ont pas envie d’en parler, pour qui c’est difficile de se confronter au sujet", explique Louise Delavier.

De signalements encore trop rares

Ces réticences ont ainsi une incidence sur le nombre de signalements. Pour y remédier, les universités s’arment de patience et de pédagogie en développant des opérations de communication sur le sujet. "A chaque fois que l’on fait une campagne de sensibilisation, on a un pic de signalements derrière", admet Véronique Van De Bor.

Même s’il est aujourd’hui trop tôt pour quantifier le nombre d’utilisateurs, l’université recense un peu moins d’une cinquantaine d’occurrences par an depuis le lancement des différents dispositifs. L’établissement espère que cette nouvelle plateforme poussera davantage de jeunes à se saisir de ces outils et, le cas échéant, alerter l’université en toute confiance. Pour l’heure, les chiffres restent bien en dessous de la réalité et des cas estimés par l’enquête OVE, ce qui montre qu’il existe encore "des freins au signalement", analyse la responsable.

"Chaque utilisateur reçoit une réponse, nous y tenons beaucoup, rappelle-t-elle, 100% des situations ont été traitées : on explique toujours pourquoi nous avons pris nos décisions, on consulte les plaignants avant de mettre en place quoi que ce soit pour être sûr que c’est en accord avec leurs attentes et besoins". La personne est notamment consultée si un risque de représailles est identifié et tout est fait pour que ce signalement n’entraine pas davantage de danger.

"Sortir de la honte et de la peur"

La plateforme permet aussi d’apporter plus de précision via l’écrit et l’anonymat incitant les utilisateurs à donner des détails, chose plus délicate par oral en se confiant à un membre du personnel encadrant ou à un professeur par exemple. "Tout ça nous permet d'avoir des indicateurs assez précis et de pouvoir réfléchir sur d'autres leviers que l’on pourrait activer pour permettre une libération des paroles ", détaille Véronique Van De Bor.

Si déposer un signalement auprès de l’université peut s’avérer intimidant, Louise Delavier préconise cependant de ne pas garder cela pour soi. "Il faut en parler. A un proche, une amie. Sortir de la honte et de la peur en se confiant, c’est très important", affirme la jeune femme. Et si l’on n’a personne à qui se livrer ? "Notre tchat, c’est exactement l’endroit pour ça", estime-t-elle.

L’association prévoit, en partenariat avec le ministère, de développer sa propre plateforme à destination des étudiants, qui devrait être opérationnelle d’ici la fin d’année. De quoi proposer une alternative à celles et ceux qui n’osent pas encore, mais qui souhaitent être accompagnés et lutter, à leur niveau, contre ces violences.

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