Interview

Présidentielle 2022. Valérie Pécresse : "Je mettrais en place un principe de 'sélection progressive' à l'université"

REA Valérie Pecresse présidentielle 2022
REA Valérie Pecresse présidentielle 2022 © Eric TSCHAEN/REA
Par Propos recueillis par Romain Burrel, publié le 10 mars 2022
8 min

MOI PRESIDENT(E). Dans le contexte de campagne présidentielle, l'Etudiant a interrogé les candidats sur les mesures en faveur de la jeunesse et en matière d'éducation s'ils sont élus le 24 avril 2022. Entre l'orientation, la précarité, l'accès à l'emploi, l'égalité des chances... Valérie Pécresse, la candidate des Républicains, nous livre ses propositions pour la jeunesse.

Investie début décembre par Les Républicains, Valérie Pécresse a, pendant un temps, occupé la deuxième place dans les sondages avec près de 17% d'intention de vote. Début mars, la présidente du Conseil régional d'Ile-de-France n'était plus créditée que de 13%, mais la représentante de la droite républicaine compte bien s'inviter au second tour le 24 avril. A quelques semaines du premier tour, l'Etudiant l'a interrogée sur ses mesures en faveur de la jeunesse.

Les propositions pour la jeunesse de la candidate Valérie Pécresse

Ancienne ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche de Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2011, Valérie Pécresse déplore que le système d'orientation "ne soit pas adapté aux besoins des jeunes et de l'économie" et veut renforcer l'accès aux stages.

Parmi ses propositions pour lutter contre la précarité étudiante, elle mise sur un renforcement de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur et propose "un revenu jeune actif" pour les jeunes qui "se forment aux métiers en tension". Elle veut aussi créer une "banque nationale des jeunes".

En matière de précarité étudiante, quelles sont les mesures que vous souhaitez mettre en place pour la combattre ?

Avec la crise sanitaire, la détresse des jeunes s’est indéniablement accrue : plus d’un étudiant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, un jeune sur trois a renoncé à des soins en 2020 et des dizaines de milliers de jeunes ont basculé dans la précarité.

Pour lutter contre cette précarité, je ne peux pas accepter de plonger toute une génération dans l’assistanat avec un RSA jeune. Je propose donc de transformer le RSA jeune en Revenu Jeune Actif : 670 euros par mois pour les jeunes qui se formeront dans les métiers en tension.

Par ailleurs, je souhaite développer encore davantage l’apprentissage dans l’enseignement supérieur qui permet aux étudiants d’avoir un statut de salarié tout en effectuant leurs études, ce qui réduit fortement la précarité.

D’une manière générale, je ne me résous pas à ce que des jeunes qui ont des projets, qui veulent pouvoir vivre dans de bonnes conditions durant leur vie étudiante soient condamnés à renoncer à leurs projets ou à leurs études, à les réaliser dans des conditions dégradées voire en situation de précarité.

Je ne me résigne pas non plus à ce que la collectivité ne fasse pas confiance en sa jeunesse et laisse des jeunes s’endetter en leur faisant assumer le risque d’un remboursement rapide alors même qu’ils n’ont pas encore trouvé un travail ou que l’entreprise qu’ils ont créée n’est pas encore rentable.

C’est pourquoi je souhaite créer une banque nationale des jeunes pour que tous les jeunes qui en ont besoin puissent financer dans de bonnes conditions, non seulement leur vie étudiante mais aussi des projets professionnels et entrepreneuriaux : le remboursement sera différé après l’entrée dans la vie active et conditionné à un niveau minimum de revenu.

Entre la réforme du bac, Parcoursup, la crise sanitaire… les étudiants sont perdus dans le choix d’études. Si vous êtes élue présidente, que mettrez-vous en place pour les aider dans leur orientation ?

C’est un fait, notre système d’orientation n’est pas adapté aux attentes des jeunes ni aux besoins de l’économie. Pour ne prendre qu’un seul exemple, seuls 6,1% des étudiants sont inscrits dans des écoles d’ingénieurs qui mènent à des métiers dans lesquels les recrutements sont pourtant très nombreux.

Pour répondre à cette problématique, je propose notamment de renforcer la possibilité pour les jeunes d’effectuer des stages très tôt pour avoir une meilleure connaissance du monde de l’entreprise. On permettra ainsi aux lycéens de réaliser volontairement des stages d’observation durant les vacances scolaires et nous rendrons obligatoire l’accueil de stagiaires pour toute structure d’au moins dix salariés recevant des financements publics.

Je développerais également une orientation personnalisée en confiant la mission d’orientation à des intervenants missionnés par les régions dans les collèges et les lycées, en prise directe avec les évolutions du tissu économique et des territoires. Je rendrais aussi transparents et accessibles les algorithmes locaux de Parcoursup, ce qui évitera les délits d’initiés en matière d’orientation.

Près d’un jeune actif sur cinq âgé de 20 à 24 ans est sans emploi. Comment comptez-vous lutter contre le chômage des jeunes ?

L’accès au marché du travail est beaucoup plus difficile que chez nos voisins. En 2021, le taux d’emploi est plus faible : 33% en 2021 contre 50% en Autriche, au Danemark ou aux Pays-Bas. Si nos performances en termes d’emploi des jeunes sont si médiocres, c’est aussi et surtout compte tenu de l’ampleur du taux de chômage des jeunes non qualifiés.

Cela renvoie aux questions de la prévention du décrochage scolaire, de l’orientation scolaire, de l’apprentissage et de l’accompagnement des jeunes non qualifiés par le service public de l’emploi ; c’est sur l’ensemble de ces leviers qu’il faut agir.

Au-delà, je souhaite renouer avec certaines dispositions très utiles et efficaces que j’avais commencé à mettre en place dans l’enseignement supérieur lorsque j’étais ministre : rendre obligatoire la publication des taux de réussite pour chaque filière ainsi que les taux d’insertion professionnelle à la sortie et attribuer une part de financement à la performance des universités en matière d’insertion professionnelle des étudiants.

Si vous êtes élue, comment allez-vous favoriser la mixité sociale dans l’enseignement supérieur, et notamment dans les filières les plus sélectives ?

Dans mon programme consacré à la jeunesse, je mets un point d’honneur à favoriser la réussite de tous les jeunes durant leur parcours scolaire et universitaire. C’est en particulier le sens de la banque des jeunes que je veux mettre en place.

Je créerais des externats d’excellence dans les collèges et lycées des zones prioritaires ouverts jusqu’à l’heure du dîner, pour fournir un accès privilégié à la pratique culturelle et sportive. Je propose aussi de recréer de véritables bourses au mérite pour les étudiants des classes moyennes et populaires.

Je mettrais enfin en place un principe de "sélection progressive", avec une entrée en licence avec des prérequis par filière et ensuite une sélection réelle à l’entrée du Master 1, tout en prévoyant naturellement des passerelles en cours de parcours.

Pourquoi interroger les candidates et les candidats à la présidentielle 2022 ?

Début 2022, l’Etudiant a adressé un questionnaire aux candidates et candidats en lice à l’élection présidentielle de 2022. La rédaction a décidé de publier uniquement les réponses des candidats ayant réuni les 500 parrainages.

Évidemment, les convictions des électeurs et des électrices les plus jeunes dépassent les seules questions liées à la jeunesse, comme le démontrait récemment notre sondage L'Etudiant/Harris Interactive. Mais fidèle à sa ligne éditoriale, ce sont sur les thèmes de l'orientation, de l’égalité des chances, de la précarité et des réformes de l’éducation que l’Etudiant a décidé d’interroger les prétendantes et prétendants à l’Élysée.

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