Interview

S. Bilot (Animafac) : "60% des jeunes ont l’impression de faire partie d’une génération sacrifiée"

Pour Sarah Bilot, "les jeunes se sentent oubliés alors que la crise aura un plus fort impact sur eux sur le long terme".
Pour Sarah Bilot, "les jeunes se sentent oubliés alors que la crise aura un plus fort impact sur eux sur le long terme". © Photo fourni par le témoin
Par Amélie Petitdemange, publié le 04 septembre 2021
6 min

Le réseau d’associations Animafac accompagne 5.000 associations. Il a mené une consultation avec 7 associations nationales* auprès de 1.500 lycéens et étudiants au plus fort de la crise sanitaire, du 29 mars 2020 au 7 juin 2021. Sarah Bilot, déléguée générale d’Animafac, livre les résultats de cette enquête menée en prévision de la présidentielle de 2022.

Animafac est un réseau d'associations étudiantes dont l'objectif est d'accompagner les initiatives. Quels projets avez-vous récemment accompagnés ?

Nous accompagnons tous types d’initiatives sur plusieurs sujets : environnement, santé mentale, solidarité internationale et locale, citoyenneté, médias, Europe… Et ce par de la formation, des outils, de la mise en réseau, de la mise à disposition de volontaires etc. Par exemple, nous avons travaillé avec Co’p1 pour les aider à accueillir une volontaire en service civique dans le cadre de leur projet de distributions alimentaires.

Nous soutenons dans l’organisation de leurs projets aussi des associations comme Etu’Récup à Bordeaux, une association qui a créé une recyclerie pour faciliter l’économie circulaire. Ils organisent aussi des brocantes et des tours de la ville en vélo pour les étudiants. Nous pouvons aussi accompagner dans leur structuration des associations qui montent des festivals ou accompagnent l’intégration des étudiants internationaux.

En vue de la présidentielle de 2022, l'association a mené une consultation auprès des étudiants. Quels en sont les principaux enseignements ?

Nous avons mené cette consultation entre le 29 mars 2020 et le 7 juin 2021 auprès de 1.500 lycéens et étudiants partout en France. Seulement un tiers d’entre eux étaient engagés dans une association, un syndicat ou un parti politique. L'objectif, c’était de voir comment la crise sanitaire affecte les identités étudiantes et de demander leur avis à des étudiants qui ne sont pas forcément engagés. Les résultats sont dévoilés ce samedi 4 septembre à l’occasion de notre université d’été.

En novembre, nous réunirons une trentaine de jeunes avec des experts. Ils construiront une quinzaine de propositions à partir de notre enquête. Ce livre blanc sera porté aux candidats à l’élection présidentielle lors d'un événement qui se tiendra fin janvier ou début février 2022.

Je peux déjà vous donner quelques chiffres frappants issus de cette consultation. 35% des jeunes déclarent que la crise a affecté leurs aspirations futures : ils se sont réorientés, ont fait une pause dans leurs études ou les ont abandonné. La moitié des répondants estime par ailleurs ne pas pouvoir se projeter dans l’avenir.

Ils se sentent oubliés alors que la crise aura un plus fort impact sur eux sur le long terme que pour des personnes déjà installées. La recherche d’emploi les inquiète particulièrement. Finalement, 60% ont l’impression de faire partie d’une génération sacrifiée.

C’est aussi une génération précarisée par la crise.

Un quart des répondants, dont une forte majorité d’étudiants internationaux, ont eu recours à de l’aide alimentaire. Et pour la plupart, c'était la première fois.

Au-delà de la précarité, la santé mentale est aussi une question centrale...

Tout à fait et cette question a été particulièrement abordée lors de la consultation. Elle avait été mise de côté pendant très longtemps. Trois quarts des étudiants ont éprouvé un sentiment de mal-être et 40% se sont dit en détresse psychologique.

Ce qui a le plus manqué aux jeunes pendant cette période de crise, ce sont les lieux de sociabilité, leurs amis, et les cours en présentiel. Nous sommes loin du stéréotype des jeunes qui veulent juste faire la fête…

De façon générale, ils ont l’impression de ne pas avoir été entendus. Pendant une période, les jeunes ont été perçus comme les transmetteurs du Covid. Ensuite, il y a eu un revirement : les collectivités territoriales et les universités ont soutenu les associations qui menaient des actions sociales.

Qui seront les jeunes qui vont rédiger ces propositions ? Est-il encore possible de postuler ?

Nous n’avons pas encore fait la sélection. Nous allons diffuser une offre auprès des universités pour que les étudiants puissent candidater à partir de début octobre. Le formulaire sera aussi disponible sur le site d’Animafac. Nous voulons des profils les plus hétérogènes possibles.

Animafac a vu le jour en 1996. Quelles évolutions notez-vous quant à l’engagement des jeunes ? Quelles sont les thématiques phares de cette année ?

L'engagement des jeunes est beaucoup plus valorisé par le monde professionnel et l’État. À notre création, personne n’avait conscience de ce que faisaient les associations étudiantes. Elles étaient seules et n'avaient pas de poids auprès du ministère de l'Enseignement supérieur.

Les thématiques sont représentatives de la société dans laquelle nous vivons et des jeunes aujourd’hui. L'écologie et l’environnement sont très importants. En plus des associations spécialistes de ces sujets, celles qui travaillent sur d’autres thématiques s’ouvrent aussi à la transition écologique. Par exemple, les associations actives dans le domaine de la mobilité internationale vont réfléchir à l'aspect écologique des déplacements.

Parmi les associations qui se créent, il y a aussi beaucoup plus d’associations de lutte. Il y a toujours eu des associations de lutte anti-discrimination mais elles étaient assez larges et il y en avait une par campus. Aujourd’hui, nous avons un fort taux d’associations féministes, de structures luttant contre les violences LGBTQIA+, contre la précarité étudiante, etc.

En parallèle, il y a aussi des collectifs qui se créent. En 2018, les marches pour le climat étaient organisées par des collectifs. Il y a donc d'autres formes d'engagement, à travers aussi les réseaux sociaux et les pétitions. Cela dit, l’association reste le modèle prégnant.

*E&D, ESN France, Jets d’encre, les Jeunes Européens, Nightline, le Parlement Européen des Jeunes et le RESES.

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