Interview

Flore Vasseur, marraine des JACES 2023 : "Je suis vent debout contre l'idée que cette génération serait flemmarde ou déconnectée"

Réalisatrice du documentaire Bigger than Us, Flore Vasseur est la marraine des JACES 2023.
Réalisatrice du documentaire Bigger than Us, Flore Vasseur est la marraine des JACES 2023. © Tim Douet
Par Nina Waechter, publié le 04 avril 2023
5 min

À l'occasion des Journées arts et culture dans l'enseignement supérieur qui se tiennent du 3 au 5 avril, Flore Vasseur, marraine de l'évènement, évoque les enjeux de l'accès de la jeunesse aux pratiques artistiques et culturelles.

Du 3 au 5 avril 2023 se tiennent les Journées arts et culture dans l'enseignement supérieur (JACES).

Plus de 400 événements culturels (concerts, spectacles ou expositions) sont organisés dans les établissements d'enseignement supérieur. Objectif : mettre en valeur leurs "réalisations culturelles et artistiques" et de permettre "l’accès du plus grand nombre à la culture".

Pour l'édition 2023 des JACES, l'Etudiant a donné la parole à Flore Vasseur, réalisatrice du documentaire Bigger than Us, et marraine de ces journées.

Que représentent les JACES à vos yeux ?

Les JACES sont une porte ouverte vers un moment de beauté et de joie. La vie étudiante est faite d'angoisses et de précarité, alors aller voir une pièce ou un spectacle ne paraît pas essentiel. Pourtant, la culture permet de se connecter à soi-même, aux autres et au monde.

Personnellement, l'art m'a sauvé la vie : il m'a permis de me remettre sur le chemin de la pensée. La création est un radeau de survie qui permet de ne pas être emporté par les mauvaises nouvelles et la tristesse. C'est un acte de résistance : la beauté nous fait sortir de la tétanie.

L'art est-il une forme d'engagement pour la jeunesse ?

Je suis vent debout contre l'idée que cette génération serait flemmarde, déconnectée ou décérébrée. Je rencontre des jeunes au quotidien grâce aux projections de Bigger than Us dans les écoles et les universités. Je vois bien que la jeunesse a compris, mieux que les adultes, que l'injustice est à l'œuvre sur tous les fronts. Elle veut prendre part au monde et s'engager.

Et il y a énormément de parallèles entre un artiste et une personne qui s'engage. Faire de l'art, c'est chercher à dire quelque chose qui nous dépasse, mettre en mots sa colère, son humiliation ou sa solitude. C'est convoquer son humanité. Aujourd'hui, nous sommes accoutumés à la violence. A travers l'art, on peut rétablir une connexion cœur-cerveau.

Comment favoriser l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture ?

Il y a une segmentation sociale très forte dans les pratiques artistiques. Les institutions culturelles proposent énormément d'initiatives pour décloisonner la culture, mais c'est la société qui ne suit pas.
Le principal obstacle, c'est la peur : celle de perdre du temps, mais aussi celle de ne pas être à sa place.

Notre culture de l'efficace transmet l'idée que l'art est inutile et donc secondaire. De plus, beaucoup de jeunes se censurent et pensent que l'art n'est pas pour eux.

Les institutions et les universités doivent donc permettre aux jeunes de dépasser ces présupposés. Communiquer sur l'art de façon froide, sacralisée et non incarnée, ça ne fonctionne pas. Au contraire, il faut favoriser l'immersion et la joie. L'art n'est ni un labeur, ni une obligation de classe, ni une chose poussiéreuse réservée aux sachants et aux musées.

Pourquoi faire des universités des lieux artistiques ?

Beaucoup de jeunes ne saisissent pas d'eux-mêmes les opportunités d'accès à la culture. Pourtant, une fois qu'ils le font, ils vivent souvent un choc émotionnel et comprennent ainsi à quel point la culture est précieuse.

Il faut donc l'encourager en remettant la culture sur le chemin des jeunes, notamment à l'université. Le savoir seul ne sert pas à grand-chose : il faut créer des espaces dans lesquels les étudiants peuvent développer une pensée ouverte sur le monde, réactive et créative.

La clé, c'est la considération. Le monde des adultes regarde la jeunesse avec méfiance et sans la comprendre. Il doit reconnaître qu'elle a des idées, du talent et des choses à dire. Le rôle des adultes, et en particulier des institutions culturelles, est de permettre à cette vitalité de s'exprimer.

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