Reportage

L’Agoraé de Caen, une épicerie plus solidaire que jamais pendant la crise sanitaire

Par Pauline Bluteau, publié le 16 avril 2020
6 min

VIDÉO. Elle fait partie des 15 épiceries solidaires encore ouvertes pendant le confinement : l’Agoraé de Caen ne désemplit pas depuis le début de la crise sanitaire. Tous les jours, six étudiants se mobilisent bénévolement pour fournir des paniers-repas aux étudiants des alentours. Une initiative qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

"On prend la précarité en plein visage, c’est dur", admet Morgane Champin, présidente de la fédération campus Basse-Normandie et responsable de l’Agoraé de Caen (14). Après un mois intense de mobilisation, la fatigue commence à se faire sentir pour les bénévoles de cette épicerie solidaire qui sont aussi étudiants à temps plein. Chaque jour, l’équipe distribue des paniers-repas pour seulement 1 euro aux étudiants en situation de précarité. Au total, l’épicerie voit défiler plus de 300 personnes du lundi au vendredi. L’Etudiant est allé (à distance) à leur rencontre.

Une épicerie ouverte à tous pendant le confinement

D’ordinaire, l’épicerie solidaire accueille 300 étudiants par an. Ces étudiants se sont inscrits en début d’année pour recevoir toutes les semaines les paniers-repas dont les produits sont affichés à 10% du prix du marché. Un paquet de pâtes peut donc revenir à 10 centimes.

Mais tout a changé depuis le début de la crise du coronavirus. "Nous avons dû réorganiser entièrement notre local, pour recevoir nos stocks mais aussi pour respecter les règles de sécurité sanitaire", explique Morgane. Tous les matins, l’équipe va récupérer des produits invendus auprès des grandes surfaces et de la banque alimentaire. "À 11 heures, on arrive au local et on doit décharger le camion : fruits, légumes, produits secs, viandes, poissons, produits d’hygiène, pâtisseries, yaourts, fromages… On n’a pas de temps à perdre, l’épicerie ouvre à 14 heures !" poursuit la responsable.

Et chaque jour, le processus se répète. Les étudiants font la queue à l’extérieur pour pouvoir faire leurs courses. À l’intérieur, chaque stand de nourriture est tenu par un bénévole. "Les étudiants n’ont pas le droit de toucher les produits, nous mettons tout dans des sacs et ils les récupèrent à la sortie."

La demande a explosé ces dernières semaines, si bien que l’Agoraé accueille désormais tous les étudiants, qu'ils soient inscrits ou non. "On travaille avec les associations des alentours pour aider les familles et les personnes âgées dans le besoin. L’après-midi, on fait donc aussi quelques livraisons de paniers-repas à ceux qui ne peuvent pas se déplacer", détaille Morgane.

Les étudiants patientent à l'extérieur de l'Agoraé pour respecter les mesures de sécurité.
Les étudiants patientent à l'extérieur de l'Agoraé pour respecter les mesures de sécurité. © Photo fournie par le témoin
Chaque bénévole est responsable d'un stand de nourriture.
Chaque bénévole est responsable d'un stand de nourriture. © Photo fournie par le témoin

Une tonne de denrées distribuée tous les jours

Les bénévoles ne s’attendaient pas à un tel succès. "On fait plus de 50 heures par semaine ! Au début, on était pleins d’énergie, mais ça commence à tirer. Malheureusement, on sent qu’il y a un engouement, qu’il y a de vrais besoins, alors on continue." Chaque jour, ce sont entre 500 kg et 1 tonne de denrées alimentaires qui sont récoltées et redistribuées par l’association. "Le problème, c’est que nous n’avons plus assez de place pour stocker le frais notamment, on est parfois obligés de refuser des produits parce qu’on manque de frigos", regrette Morgane.

Les paniers-repas sont distribués aux étudiants pour seulement 1 euro.
Les paniers-repas sont distribués aux étudiants pour seulement 1 euro. © Photo fournie par le témoin
Chaque panier coûte 1 euro aux étudiants. En plus des produits de base, chacun peut rajouter ce qu’il souhaite selon les arrivages. De quoi tenir une semaine. "Le soir, on met de côté les produits qui vont se périmer et on les livre aux foyers d’urgence ou à la Croix-Rouge. Comme ça, il n’y a aucune perte." Face à cette solidarité, l’université de Caen a donné 1.000 € à l’association pour payer les produits d’hygiène. Le CROUS de Normandie devrait aussi apporter son aide financière à l’Agoraé. "On a besoin de plus, regrette Morgane. On a déjà fait plus de 500 km de trajet en camion, il faut payer l’essence."

Quant à leurs études, les bénévoles ne semblent pas trop y penser. Étudiants en médecine, en BTS tourisme, en géographie… La continuité pédagogique ne semble pas être une priorité. "Nous n’avons aucun traitement de faveur, nous avons fait le choix de mettre nos études de côté, au moins pendant la crise…" Pour eux, le plus important est de voir le sourire des étudiants lorsqu’ils récupèrent leurs sacs remplis de provisions. "Pour Pâques, on avait rajouté du chocolat, ça leur a beaucoup plu", conclut Morgane.

Quelques infos sur les Agoraés

Ces épiceries solidaires ont été créées par la FAGE (fédération des associations générales étudiantes) en 2011. Chaque année, de nouvelles Agoraés voient le jour. Au total, 21 sont implantées sur tout le territoire. En plus d’être une épicerie, l’Agoraé est aussi une espace de vie et d’échanges pour les étudiants.

Majoritairement présentes sur les campus, beaucoup d’entre elles ont dû fermer leurs portes pendant le confinement. Aujourd’hui, 15 épiceries sont encore ouvertes à Amiens, Brest, Caen, Paris, Reims, Strasbourg, Troyes, Valenciennes, Nancy, Metz, Aix-en-Provence, Marseille, Lyon et Saint-Etienne.

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