Le MMA en EPS : un pari ambitieux vraiment réalisable ?
Discipline pointée du doigt pour sa violence, le MMA rêve de se faire une place dans le secondaire. Un chemin tout aussi difficile que nécessaire pour ce sport de combat de plus en plus populaire auprès des jeunes.
Sport légalisé en France en 2020, le MMA, ou Mixed Martial Arts, a connu un succès extrêmement rapide et presque sans égal chez les plus jeunes. La fédération affiche une hausse de 338% de licenciés en 2023-2024. Cette discipline portée par des figures telles que Cyril Gane, Manon Fiorot ou encore Cédric Doumbé, et popularisée par l'émission MMA Academy ou la série Netflix La Cage, peine néanmoins à se faire une place dans le cœur de toutes les générations. Selon une étude de Statista, plus de 25% des personnes qui suivent le MMA ont moins de 25 ans, contre seulement 8% pour les plus de 60 ans. Sa violence, son cadre - une cage comme terrain de jeu - noircissent l’image de ce sport.
Avant de s’installer dans le secondaire, le MMA a déjà trouvé son public à l'université. Plusieurs établissements comme l'université Paris Cité proposent des cours hebdomadaires. Mais pour ce qui est du collège ou du lycée, la Fédération française de MMA française, organe interne de la Fédération Française de boxe, est en pourparlers avec le ministère de l’Éducation nationale. Après la finalisation du dossier la saison dernière, place désormais au "travail de présentation", explique Lionel Brézéphin, cadre technique national en charge du MMA au sein de la FFB.
Mission séduction auprès de l'Éducation nationale
Outre les discussions avec les instances dirigeantes, le MMA sait qu’il doit aussi batailler pour changer son image. "Il y a aussi le volet psychologique, toute une communication à faire", résume Lionel Brézéphin. Car, comme le rappelle David Pierre-Louis, ancien sélectionneur de l’équipe de France amateur, le MMA s'est fait une place, mais cherche maintenant à "se développer vers la base", celle de la pratique classique. Avec, comme toutes disciplines, des règles qui doivent s'adapter : pas de frappe à la tête ni de projection avant 18 ans. Les techniques de percussions et soumissions varient selon les âges. Sans oublier l’absence de cage en EPS.
Une application plus douce pour développer un sport rempli de bienfaits. Quand Lionel Brézéphin parle de "responsabilisation" et de "coopération", Yassine, père de Jenna, jeune pratiquante à la Atch Academy, témoigne de l’évolution de sa fille, "moins timide". David Pierre-Louis ne manque pas de rappeler que le MMA rassemble les valeurs du judo, karaté, jujitsu brésilien ou encore de la lutte et de la boxe, avant de finir sur un ton plus humoristique :"Ça s’appelle arts martiaux mélangés, pas combat libre débridé pour casser des bouches".
Du MMA en EPS, mais pas dans la cour ni dehors
Une crainte peut rester, celle de la pratique en dehors des établissements et des clubs, comme c’est le cas pour le football ou le basketball. Pour poser ce cadre exclusif à l’école, Matthieu Quidu, maître de conférences en STAPS à l'université de Lyon 1, a théorisé le sujet dans un texte écrit avec Delphine Benouaich, professeur d’EPS et combattante. L’idée : définir durant la pratique une limite spatiale, des démarcations temporelles et vestimentaires ainsi qu’une délimitation linguistique.
Si ce point important peut rassurer, les plus adeptes accordent leurs violons face aux préjugés. Les pratiquants ne sont pas des "bagarreurs", affirme Lionel Brézéphin selon qui le MMA aide à "résorber les accès de colère". Mathis Nazil, coach à la Atch Academy depuis huit ans, voit, lui, "un moment de liberté", en rappelant que c’est un sport qui est enseigné pour apprendre à se défendre. Pour eux, aucun risque, la pratique au collège et au lycée ne peut entraîner de problème si elle est correctement encadrée.
Un plus indispensable pour le développement du sport
La Fédération le sait, l'instauration du MMA en EPS serait une étape importante pour ce sport. Une pratique dès l’adolescence qui rajeunirait également les clubs et accélèrerait leur professionnalisation et la progression des athlètes. Pour ce faire, le dossier soumis à l’Éducation nationale prévoit un système en huit grades d’acquisition, similaires à ceux en clubs, qui permettra une meilleure intégration.
Néanmoins, son statut l’indique, le MMA est avant tout un sport de combat qui se retrouvera sûrement dans le champ d'apprentissage numéro 4 de l’Éducation nationale avec les disciplines dites à "affrontement collectif ou interindividuel" comme le football, basketball, rugby ou encore badminton. Représentés aujourd’hui dans 3% des cours d’EPS, les sports de contact n’ont pas trouvé leur place dans le secondaire. La vague MMA pourrait changer les habitudes. À eux de surfer dessus.