"J'ai travaillé un mois et demi sans avoir de logement" : les galères des jeunes diplômés pour se loger

En sortie d’études, il faut parfois accepter de changer de ville pour trouver un premier emploi. Mais attention : pour les jeunes travailleurs, encore plus que pour les étudiants, dénicher un logement peut s’avérer particulièrement difficile.
"Quand j’étais étudiant, je n’ai jamais eu autant de difficulté à trouver un logement", s’étonne encore Kriss. À la fin de l’été dernier, ce diplômé d'un bac+2 en commerce décide de quitter sa ville d’adoption, Lyon, pour revenir s’établir dans la région de Toulouse avec sa compagne, récemment diplômée d’une licence de philosophie. Pendant plusieurs mois, il fera des pieds et des mains pour trouver un logement. "Ça a été un enfer."
Neuf jeunes sur dix ont du mal à déménager
"J’ai essayé de passer par une agence, parce que j’avais un peu de sous de côté, mais mon dossier bloquait partout, déplore-t-il. J’ai eu une promesse d’embauche en CDI, mais ça n’a pas suffi. Il aurait fallu que je travaille depuis longtemps dans la région, alors même que je n’avais pas encore de logement."
Kriss est loin d’être le seul dans cette situation. Selon une étude d’Opinion Way, réalisée en 2023, 88% des jeunes de 18 à 35 ans éprouvent des difficultés à changer de logement. Faute de trouver, 18% affirment même avoir dû renoncer à une offre d’emploi.
"Tout mon salaire y passait"
Martin, jeune journaliste de 25 ans, a lui aussi dû batailler pour trouver un toit après avoir décroché un contrat dans un média local à Rennes, après la fin de ses études à Paris en 2024. "J’avais mes parents comme garants et j’étais assez bien payé, mais c’était en CDD et en piges." Pendant plusieurs semaines, il écume les sites d’annonce, en vain. "J’ai dû travailler un mois et demi sans avoir de logement, en dormant chez des collègues ou dans des airbnbs", raconte Martin, qui a vu tout son salaire partir dans ces solutions temporaires.
"Finalement, j’ai fini par trouver une place en colocation, mais c’était dans un quartier très loin de mon travail, il y avait de la moisissure et ma chambre était minuscule." Au bout de quelques mois passés à chercher mieux, Martin lâche son emploi et retourne vivre chez ses parents, découragé par son logement et ses conditions de travail.
Moins de garantie pour les diplômés que pour les étudiants
Pour trouver plus facilement, certains jeunes choisissent de mentir sur leur situation. Sophie*, styliste photo de 24 ans travaillant dans le milieu de la mode, a ainsi utilisé un faux certificat de scolarité pour embellir son dossier, après la fin de sa licence à Lille, quand elle est débarquée à Paris pour trouver du travail. "Une fois que je me suis fait passer pour une étudiante, j’ai trouvé en quelques jours, alors que mon dossier avait été refusé partout avant."
Si ce subterfuge fonctionne, c’est que la loi interdit aux bailleurs de souscrire à une assurance en plus de demander une caution, sauf pour les locataires qui sont étudiants. Ces derniers ont donc plus de facilité à trouver du logement que les jeunes professionnels. Mais cette manœuvre expose à de lourdes sanctions : jusqu’à trois ans de prison et 45.000 euros d’amende, pour délit de faux et usage de faux.
Des aides pour trouver un logement
Il n’est pas nécessaire d’enfreindre la loi : si beaucoup d’aides destinées aux étudiants ne s’appliquent à eux, l’État finance plusieurs dispositifs pour aider les jeunes diplômés à se loger. En premier lieu, la garantie VISALE, accessible gratuitement et sans conditions avant l’âge de 30 ans, qui permet d’avoir une caution sans passer par un garant. Dans certains cas, il est aussi possible de candidater pour une place une place dans un foyer de jeunes travailleurs (FTT), un logement social temporaire destiné entre autres aux jeunes qui changent de ville pour travailler.
Kriss a lui-même trouvé une place dans un FTT à Mont-de-Marsan, ce qui lui a permis de se rapprocher de sa famille et de continuer à chercher du logement dans la région de Toulouse. Il a fini par trouver un appartement pour lui et sa compagne à Muret, en banlieue de la ville rose, en délaissant les agences pour les annonces de particulier. Il signe son bail dans quelques jours, et va commencer à travailler, plusieurs mois après avoir décidé de déménager. "Ça a été long, mais ça a fini par marcher."