La pénurie de logements étudiants exacerbée par les locations de tourisme
Alors que la rentrée 2022 est marquée par un manque criant de logements étudiants, de plus en plus de villes tentent d’endiguer le problème en légiférant contre des plateformes d’hébergement de courte durée, telles qu'Airbnb. Une solution efficace mais qui ne règle pas tout.
À la Fédération des associations générales étudiantes (Fage), si l'on s’inquiète des conséquences négatives d’Airbnb, on pointe surtout du doigt un manque de logements abordables partout en France.
"Pour des bailleurs privés, c’est plus intéressant de louer plus cher sur une courte période, plutôt qu’à des étudiants. Fatalement, il n’y a plus assez d’hébergements. Du fait des loyers élevés, les étudiants peuvent s’orienter vers des logements insalubres, c’est un problème global", souligne Anne-Laure Syrieix, vice-présidente chargée des affaires sociales à la Fage.
Quand les villes s’attaquent aux plateformes comme Airbnb
À La Rochelle (17), où la tension sur le marché des logements étudiants est très forte (3,88 demandes de location pour chaque logement), la mairie a décidé de serrer la vis face aux plateformes de location en ligne. La Ville souhaite obliger les propriétaires voulant louer un logement secondaire sur une plateforme à le réserver à des étudiants ou des jeunes travailleurs de six à neuf mois par année.
En contrepartie, ils seraient autorisés à louer ces logements le reste de l’année en meublés touristiques. "Si l'on pouvait ne cibler que 10% du parc de meublés de tourisme, ça ferait déjà 600 logements pour des jeunes. C’est une solution durable, qui permet d’optimiser ce qu’on a déjà sans construire ailleurs", soutient Vincent Demester, vice-président de la Communauté d’agglomération de La Rochelle.
Nice (06), Saint-Malo (35), Bordeaux (33), Bayonne (64), Paris, Angers (49)… de nombreuses villes ont légiféré ces dernières années afin de contenir l’expansion d’Airbnb, à des degrés plus ou moins restrictifs. Saint-Malo, par exemple, a instauré des quotas quartier par quartier. Dans la vieille ville, seuls 12% des logements peuvent être loués sur les plateformes.
À Angers, c’est la taxe de séjour qui a été augmentée. Malgré tout, peu de villes échappent à la pénurie de logements abordables pour les étudiants. À Bordeaux, malgré la remise sur le marché de 4.000 logements depuis 2018 grâce à une législation plus stricte contre les plateformes, la rentrée 2022 est signe de galère pour bon nombre d’étudiants qui cherchent à se loger. On compte en moyenne 2,66 demandes par logement disponible et des loyers qui flambent.
Pas de logements pour la rentrée
Conséquence de cette forte tension sur le marché immobilier, de nombreux étudiants se retrouvent sans logement à quelques jours de la rentrée. C’est le cas de Julie et de son compagnon, qui souhaitent s’installer à Lyon (69). Lui entre en master, elle en service civique. "On a commencé les recherches en juin, sur plein de sites internet, en agence, sur Facebook… On a eu très peu de réponses, ou alors des arnaques, des propriétaires qui nous demandent d’envoyer de l’argent avant même la visite", s’agace-t-elle.
Lorsqu’elle arrive enfin à avoir un propriétaire au téléphone, le logement est systématiquement indisponible. "Les propriétaires nous disent qu’ils ont eu déjà 200 demandes, alors que les annonces sont parfois mises en ligne cinq minutes avant. On est beaucoup à être en galère", poursuit-elle.
À Lyon, 9.000 logements sont disponibles sur les plateformes de location de courte durée, soit autant de logements extraits du marché locatif étudiant, dans une ville qui figure dans le top 20 des villes les plus chères de France, selon une étude de l’Union nationale des étudiants de France (Unef).
Des solutions d’hébergement… temporaires
À Vannes (56), où 10% des logements du centre-ville sont monopolisés par les plateformes de location touristiques, la mairie mise sur la responsabilité des loueurs plutôt que sur le renforcement des règlements municipaux. La Ville prévoit la construction de 47 nouveaux logements étudiants pour l’année prochaine, tout en proposant cette année des locations chez l’habitant.
"On a logé 667 jeunes l’an dernier chez l’habitant", se félicite David Robo, maire de cette cité médiévale bretonne, qui relance l’opération cette année. Mais la tension reste très forte. Fin juillet, une grande partie des logements étudiants disponibles avait déjà trouvé preneur.
Hébergement temporaire, colocations solidaires ou chez l’habitant, villes et associations étudiantes tentent par tous les moyens de trouver des solutions d’urgence pour loger les étudiants à temps pour la rentrée.
À Angers, où la tension est très forte sur les logements étudiants (4,4 demandes par logement), la Fage a créé un système d’hébergement provisoire. "On met en place des formulaires pour les hébergeurs et pour les étudiants, afin de les mettre en contact avec des personnes qui veulent bien accueillir un étudiant dans une chambre ou sur un canapé", précise Anne-Laure Syrieix.
Si l’association étudiante n’a, à la base, pas vocation à proposer ce genre de service, les solutions d’urgence proposées par les villes et le Crous ne peuvent pas absorber l’ensemble des étudiants touchés par la pénurie de logements. Cette année, la Fage propose aussi ce type de solutions temporaires à Strasbourg, Lille, Toulouse et Grenoble.