Affaire Bétharram : que faire si vous êtes victime de violences sexuelles dans votre établissement ?

En France, un enfant est agressé sexuellement toutes les trois minutes. Dans l'écrasante majorité des cas, c'est par une personne connue de la victime (famille ou entourage). Il se peut aussi que ces agressions aient lieu dans l'établissement scolaire, comme à Notre-Dame de Bétharram. Que faire si vous en êtes victime ou témoin ?
Jeudi 20 février, une enquête s'est ouverte à la suite du dépôt de 112 plaintes relatives à des violences physiques et sexuelles au sein de l’établissement privé Notre-Dame de Bétharram (64). Depuis, 40 nouvelles plaintes ont été reçues dans cette affaire inédite de violences à l'école. Deux d'entre elles visent le Premier ministre, François Bayrou, ministre de l'Éducation nationale et parent d'élève de l'établissement au moment des premières alertes, dans les années 1990, pour non-dénonciation de crime et délit.
Cette affaire met en avant les difficultés des victimes de se faire entendre. Selon un baromètre de l'ONG Plan International France paru en 2024, 25% des personnes interrogées avaient déjà été victimes ou témoins d'agressions sexuelles ou viols pendant leur scolarité. Et pourtant, "il y a toujours un réel tabou au sein des établissements alors que c'est un phénomène massif qui touche énormément de jeunes et en particulier des jeunes filles", développe Lola Ruscio, porte-parole de l'organisation.
Face aux manquements de l'école, que faire en tant qu'élève ou parent victime ou témoin de violences ? "La première chose à faire, c'est s'entourer, conseille Ynaée Benaben, directrice générale de l'association En avant toutes. Il faut trouver une personne de confiance à qui en parler, une personne qui comprend." "Quand elles en parlent, 36% des victimes se confient à leurs amies, et 31% à leurs parents", détaille Lola Ruscio.
Repérer le bon interlocuteur
Les violences peuvent se manifester d'un adulte à un élève, mais aussi entre mineurs. Si vous avez été victime de violence sexuelle, "on conseille en premier lieu d'aller voir l'infirmière scolaire car elle est plus souvent formée à l'accueil de la parole, et elle pourra réorienter vers d'autres ressources", recommande Louise*, professeure d'anglais dans un lycée du Val-de-Marne (94). "Les AED et les CPE sont aussi censés savoir quoi faire", continue-t-elle.
Autres interlocuteurs à privilégier, les enseignants sensibilisés aux questions de VSS , comme les référents égalité. Le CDI, qui permet une discussion parfois plus discrète qu'en fin de cours, peut aussi être le bon endroit où aller se livrer, si le documentaliste est réceptif à ces thématiques.
S'orienter vers des associations
Mais les adultes des établissements scolaires sont rarement sollicités dans les cas de VSS. "Seules 18% des victimes sollicitent l'aide de représentants de l'établissement, souligne Lola Ruscio. L’école n’est malheureusement pas identifiée par les élèves comme un lieu d’écoute et de protection."
Aussi, s'il vous est impossible d'aller en parler, pour diverses raisons, au sein de votre établissement, Louise conseille de s'orienter "vers des associations". Par exemple, le tchat commentonsaime est "anonyme, sécurisé, bienveillant et peut servir à orienter vers les bonnes personnes", explique Ynaée Benaben.
L'association vient alors en aide aux victimes en leur proposant de l'écoute, des conseils, voire un accompagnement juridique, si et seulement si elles en font la demande. "Rien n'est décidé à leur place", rassure Ynaée Benaben. "On ne peut malheureusement pas être sûr à 100% qu'il y aura quelqu'un pour croire la victime dans l'établissement. Par contre, dans une association, ça je peux l'assurer", rassure Louise.
Une fois le signalement fait, plusieurs suites possibles
"Quand un ou une élève signale une agression, un accompagnement psychologique peut se mettre en place, détaille Louise, et l'agresseur (qu'il soit élève ou personnel de l'Éducation nationale) peut recevoir une mesure conservatoire". Concrètement, la personne peut être temporairement exclue de l'établissement afin de protéger la victime, en attendant que des démarches soient lancées.
"La règle, c'est d'éloigner l'agresseur et d'accompagner la victime", résume-t-elle. En ce qui concerne les démarches judiciaires, c'est à l'élève que revient le choix de porter plainte et d'engager d'éventuelles poursuites, pour lesquelles il peut être accompagné par une association spécialisée. "Appeler une association n'engage à rien. On n'est pas obligé d'aller jusqu'au bout d'une démarche ou d'aller porter plainte parce qu'on a parlé à quelqu'un d'officiel. C'est la victime qui décide jusqu'où elle veut aller", insiste Louise.
*Le prénom a été modifiée à la demande du témoin.
Contacts et personnes ressources
119 (24h/24) et son tchat : pour les enfants et ados victimes de violences psychologiques, physiques, sexuelles ou en situation de danger.
Commentonsaime.fr (du : lundi au jeudi de 10h à minuit ; le vendredi et le samedi de 10h à 21h) : tchat associatif anonyme, bienveillant et gratuit.
17 : numéro de la police
Maison des adolescents : structure d'accueil et de soin pour les jeunes (santé physique et mentale)
3018 : numéro pour les jeunes victimes de harcèlement et de violences numériques