Un sport pas cher où l’on progresse vite ? Les compétitions d’orthographe !
L’orthographe, un mal nécessaire ? Pas pour Clément, Riana, Juliette et Anthony, qui participent à des concours de dictées par plaisir… et repartent parfois avec le gros lot. Pour progresser rapidement, suivez les conseils de ces champions !
Sur 307 participants, ils étaient 206 "textoteurs", âgés de 14 à 25 ans, lors de la Dictée Campus Eiffel organisée en mars dernier. Lycéens, étudiants en école d’ingénieurs ou encore jeunes diplômés déjà dans la vie active, tous participaient - de leur plein gré ! - à ce concours national d’orthographe gratuit, et ouvert pour la première fois aux plus de 26 ans (les "scribes"). Plusieurs classements sont établis : individuel ou en équipe (catégorie "écoles" ou "entreprises").
Objectif "zéro faute"
Clément, 25 ans, a suivi un cursus de journalisme sportif à l’ESJ Paris. Ce qui le motive à participer à des dictées ? "Je cherche avant tout à m’améliorer. Il y a des compétitions dans lesquelles on essaie de battre les autres ou le chrono. Moi, dans les concours d’orthographe, je vise le zéro faute, peu importe si je suis premier ou dernier." Il avait 13 ans lors de sa première participation aux Dicos d’or (championnat d’orthographe organisé de 1985 à 2005 par Bernard Pivot), il est même allé en finale, dans la catégorie "cadets". Faute de temps, il n’a repris les compétitions que depuis quatre ans. "Je fais une quinzaine de dictées par an", calcule le jeune journaliste.
Pour Riana, 24 ans, fonctionnaire de la Ville de Paris, c’est l’amour de la langue française qui l’a poussée à s’inscrire aux concours alors qu’elle suivait ses études à l’EIVP (École d’ingénieurs de la Ville de Paris). "Je trouve que c’est beau, toutes les subtilités de la langue. Quand je m’entraîne, je découvre forcément de nouvelles choses." C’est sa mère qui lui a transmis sa passion de l’orthographe : elles s’asseyaient déjà ensemble devant la télé pour faire la dictée de Pivot alors que Riana n’avait que 10 ans ! "Le côté jeu me stimule, je fais ça comme un sport", précise la jeune femme.
Quant à Juliette, 22 ans, joueuse de rugby au niveau national et élève ingénieur en 4e année à l’ECE Paris, c’est une enseignante de l’école organisatrice de la dictée éponyme qui l’a incitée à participer. "Quand j’étais en première année, une prof a dit que si quelqu’un de la classe se classait au moins 8e à la Dictée ECE [aujourd'hui Dictée Campus Eiffel, NDLR], elle mettrait un point de plus à toute la classe. Je me suis portée volontaire… mais je suis arrivée 11e, donc tout le monde m’en a voulu !" s’exclame Juliette en riant. Cette année, son équipe est 2e dans la catégorie "écoles". Une belle progression !
Chacun sa méthode d’entraînement
Si tout le monde peut s’inscrire, au moins aux qualifications, impossible de grimper sur le podium à moins de s’être sérieusement entraîné. Car dans ces dictées de concours, les pièges et mots rares sont légion. Revoir les règles de la langue française ne nécessite cependant pas d’investir, tout pouvant se trouver en accès libre sur la Toile.
"Je me souviens très bien de mon premier concours, en 2009 : j’étais content d’être arrivé 22e sur plus de 300 à la Dictée ECE”, raconte Anthony, 28 ans, qui a intégré l’Insee à sa sortie de l’ENSAI (École nationale de la statistique et de l’analyse de l’information). "Mais je me suis rendu compte que la dictée était beaucoup plus dure que celles du secondaire… Ça m’a donné envie de retenter ma chance l’année suivante, tout en me disant que pour être dans les premiers, j’allais devoir bosser !"
Anthony (à gauche) et ses deux coéquipères de l'Insee sont arrivés 1er, catégorie "entreprises" et ont reçu leur prix du maire du XVe arr. de Paris. // © Dictée Campus Eiffel // © Dictée Campus Eiffel
Sa méthode ? "J’ai commencé par m’entraîner sur toutes les dictées des Dicos d’or de Pivot. Je me suis aperçu que ce n’était pas très dur d’être fort en orthographe dans ces concours : ce sont toujours les mêmes pièges qui reviennent", analyse Anthony. "J’achète aussi quelques livres sur l’orthographe. Je préfère lire un bon bouquin de culture générale plutôt qu’un mauvais roman !"
La lecture, c’est aussi un moyen de progresser pour Riana. "Je lis beaucoup de romans d’aventures, de science-fiction… Quand il y a des mots que je ne connais pas, je les note dans un carnet." Avant un concours, la jeune femme se met "en situation en faisant notamment les anciennes dictées des Amériques, que l’on trouve sur Internet". Juliette aussi a décidé de se remettre à lire, ce qu’elle faisait beaucoup avant le lycée, "jusqu’à ce que ma deuxième passion, le rugby, supplante la première !" justifie cette sportive, qui a 8h30 d’entraînement par semaine.
Clément, lui, a choisi l’alternance. "Je révise avant les dictées, souvent avec les bouquins gagnés dans les concours précédents ! Sinon, il y a un ami qui s’appelle Robert ou Larousse… Je le lis un quart d’heure par jour, pendant la pause déjeuner ou quand je rentre le soir." Un exercice particulièrement adapté aux personnes qui ont, comme lui, une mémoire visuelle. "C’est une gymnastique dans laquelle il faut alterner les mouvements pour ne pas que ce soit trop barbant : dicos, livres d’orthographe et dictées", conseille-t-il.
Des efforts vite payants
Clément a remporté plusieurs concours, tout comme Anthony, un habitué des podiums. "À ma troisième participation à la Dictée ECE, j’ai fini premier et j’ai gagné un chèque de 1.000 €… qui m’a servi à payer mes impôts ! se remémore l’ingénieur statisticien avec un sourire. Pourtant, j’avais fait dix fautes, ce qui est beaucoup… mais les autres en avaient fait plus encore, car il y avait beaucoup de mots issus du québécois."
Riana était là aussi, mais comme elle avait fait un stage à Montréal, elle connaissait ces québécismes ! Pas encore de première place pour elle, mais elle est 2e "textoteur" de la Dictée Campus Eiffel cette année, et elle attend de savoir si elle est qualifiée pour la finale des Timbrés de l'orthographe, un autre concours national.
Riana (à droite) s'est classée 2e "textoteur", à sa gauche : Sarah, une de ses coéquipières. // © Dictée Campus Eiffel
Si les lots sont très variables selon les concours, sachez que les premiers repartent souvent avec des ordinateurs portables, tablettes, casques audio, liseuses, coffrets cadeaux… sans oublier des dictionnaires ! De quoi récompenser les efforts des plus assidus.
La chance et l’intuition, deux alliées précieuses
Si les "révisions" sont indispensables, la part de chance n’est pas négligeable. En effet, lorsqu’on entend un mot pour la première fois de sa vie, il faut bien s’en remettre au hasard ! Chacun se débrouille alors comme il peut. Pour Anthony, "il faut aller au plus simple et ne pas chercher une orthographe avec des ph ou des y, qui se révèle souvent fausse. Lors de ma dernière dictée, il y avait un mot que je ne connaissais pas, "un jubé". Je l’ai écrit le plus simplement possible, et c’était ça. Alors que plein de gens l’ont écrit avec deux 'b' ou 'ée'..."
Clément a plutôt tendance à "laisser un blanc en calculant quelles pourront être les différentes possibilités et quelle sera la plus longue à écrire". En revanche, une fois qu’il a écrit quelque chose, il ne revient plus dessus. Selon lui, "l’intuition est vraiment quelque chose de très important".
Juliette (au centre) fait partie de l'équipe de l'ECE Paris, 2e au classement "écoles". // © Dictée Campus Eiffel // © Dictée Campus Eiffel
Riana est tout à fait d’accord : "Quand il y a la première lecture de la dictée, celle que l’on se contente d’écouter sans écrire, je repère toutes les difficultés. J’écris les mots au brouillon, une ou deux fois avec des orthographes différentes. Si au cours de la dictée, j’hésite toujours, j’inscris ma première intuition." Juliette, elle, écrit le mot de plusieurs façons "et garde celui qui est le plus joli" !
Des conseils de champions pour vous lancer
Tous ces champions sont unanimes : quand on s’y met - et il n'est jamais trop tard pour s'y mettre -, on progresse vraiment très vite en orthographe. "En général, les dictées ne contiennent que quelques mots compliqués, histoire de départager les meilleurs, remarque Anthony. Sinon, on retrouve tout le temps les mêmes pièges : les participes passés comme dans "elles se sont lavé les mains", le genre des noms : "un ou une apogée ?", l’accord des adjectifs de couleur... Des trucs tout bêtes à apprendre pour ne plus faire l’erreur !"
Riana estime qu’avoir fait du grec, "ça aide beaucoup, notamment pour tous les mots qui commencent par h ou contenant th." Comme elle a remarqué qu’elle réussissait moins bien quand elle révisait trop, elle ne revoit rien dans les jours qui précédent le concours. Son dernier conseil : "Le jour J, on peut gagner des points facilement rien qu’en se relisant."
Clément insiste sur le fait que connaître l’orthographe et la grammaire ne suffit pas toujours et qu’il faut aussi faire appel au raisonnement. "Dans certaines dictées, il y a beaucoup de calembours, il faut donc comprendre la logique et le sens du texte pour pouvoir tout orthographier correctement."
Vous avez désormais tous les atouts en main pour vous lancer dans la course aux côtés de Clément, Riana, Juliette et Anthony. Comme eux, vous risquez de prendre vite goût à la compétition, sans compter que vous deviendrez "la" référence orthographe dans votre école ou entreprise !
Des concours pour se lancer
Les Timbrés de l’orthographe
Dictée Campus Eiffel
La Dictée pour les Nuls