Décryptage

Comment échapper aux dérives du bizutage ?

Bizutage. Bordeaux.
Le bizurage est un délit, puni de 6 mois de prison et de 7.500 € d'amende. © Baptiste Fenouil/REA
Par Laure Antoine, publié le 08 septembre 2015
1 min

Même s’il s’agit d’un délit puni par la loi, le bizutage est encore trop souvent au menu des rentrées dans les grandes écoles et les universités. Futur étudiant, vous redoutez d’avoir à affronter cette épreuve qui peut parfois mal tourner ? Vous vous demandez comment y échapper ou comment vous retourner si le mal est fait ? Quelques conseils.

À la rentrée, les périodes d'intégration se multiplient dans le but d'accueillir les nouveaux étudiants dans l'établissement et de mieux se connaître. Mais ces week-ends ou soirées dérapent quelques fois et la ligne rouge est franchie lorsque les participants passent du côté du bizutage, interdit par la loi depuis juin 1998.

Pour la loi, une définition qui se veut claire

Le bizutage est "le fait d'amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif". C'est un délit, puni de 6 mois de prison et de 7.500 € d'amende. La peine est double (1 an de prison et 15.000 €) si la victime est mineure ou vulnérable.

En tant que délit, cette condamnation est inscrite au casier judiciaire du bizuteur, ce qui aura des conséquences graves pour son avenir professionnel. Pour certains emplois, le casier judiciaire est demandé, notamment dans la fonction publique. Il doit être vierge, par exemple, pour les métiers de la sécurité. "Cela bouge au niveau de la justice, explique Marie-France Henry, présidente du CNCB (Comité national contre le bizutage). Les condamnations sont plus sévères et des sanctions exemplaires sont prononcées. Elles sont donc plus dissuasives pour les bizuteurs."

Une pratique encore trop répandue

Pourtant interdit par la loi, le bizutage, qui peut se prolonger par du harcèlement quelques fois sur plusieurs années, se pratique encore beaucoup. Ainsi, selon notre baromètre "Le moral des lycéens et étudiants", 24,5 % des 4.256 personnes à avoir répondu à notre questionnaire ont déclaré l'avoir subi pendant leurs études supérieures, soit près de 1 sur 4 ! (voir encadré).

Néanmoins, Marie-France Henry constate que le nombre de cas diminue et qu'il y a une prise de conscience collective. "Les victimes et leur famille portent de plus en plus plainte. Plus de personnes osent parler et témoignent plus facilement"», précise-t-elle.

Comment éviter le bizutage ?

En cette rentrée, vous rêvez tous de vous intégrer dans votre nouvelle promotion. Prudence. Sous la pression du groupe et par peur de passer pour un faible, il peut être difficile de refuser de subir ou de commettre des "actes humiliants ou dégradants". Comment faire ? Voici quelques conseils pour éviter de se retrouver piégé dans des situations cuisantes.

"Les WEI (week-ends d'intégration) ou soirées d'intégration cachent parfois des bizutages. Exigez que vous soient communiqués le programme et le lieu" de ces événements, recommande le CNCB. Pour l'organisme, il faudrait "que le programme de tous les WEI soit validé par les responsables d'établissement et qu'il soit mis à la disposition des jeunes et de leurs familles". Si ces informations restent floues, mieux vaut refuser d'y aller.

Regardez si les organisateurs des événements ont signé une charte de bonne conduite. Certains établissements la demandent et l'obtiennent. Le CNCB aimerait que cette pratique, encore insuffisante, soit systématisée et qu'elle figure au règlement intérieur des établissements.

Enfin, le CNCB conseille "de rester joignable à tout moment" pendant l'intégration. C'est important. "Conservez votre téléphone, afin de n'être jamais coupé de l'extérieur. En cas de doute ou de problème, avertissez le plus rapidement possible vos parents, un responsable de l'établissement, la police."

Osez en parler

Si vous avez subi un bizutage ou en avez été témoin, oser en parler n'est évidemment pas facile. Souvent, cela prend du temps. Sachez que vous pouvez témoigner tout en restant anonyme. Un numéro d'appel est ouvert dans chaque rectorat pour vous permettre d'en parler de façon confidentielle et être conseillé.

Vous pouvez aussi vous faire aider par le CNCB qui recueillera votre témoignage tout en respectant scrupuleusement votre anonymat si vous le souhaitez. Il vous soutiendra. Il contactera votre école et le ministère concerné sans révéler votre identité pour qu'ils puissent réagir. Il peut aussi intervenir en amont quand un bizutage est prévu en faisant annuler un WEI, à condition qu'il soit prévenu suffisamment à l'avance.

Depuis septembre 2014, le CNCB a reçu 16 témoignages provenant d'établissements supérieurs : 14 grandes écoles, dont 5 écoles de commerce, 1 école militaire, 8 écoles d'ingénieurs, 1 université en médecine et 1 université en droit.

Quels recours en tant que victime ou témoin ?

Adressez-vous à un avocat en droit pénal (ou à l'ordre des avocats). Il vous conseillera sur le recours en justice le plus approprié à votre situation. En tant qu'étudiant, sous conditions ressources, vous devez pouvoir bénéficier d'une aide juridictionnelle totale sinon partielle. À évoquer dès votre première entrevue. À noter : des consultations gratuites sont proposées dans de nombreuses mairies. Renseignez-vous.

Les poursuites judiciaires

En premier recours, portez plainte au commissariat de police ou à la gendarmerie de votre choix, en joignant, si vous en avez, des éléments de preuve (vidéo, noms des bizuteurs...). Votre plainte sera transmise au procureur de la République qui donnera suite... ou pas. Malheureusement trop souvent des plaintes restent sans suite, ce que déplore le CNCB.

Si au bout d'un délai de 3 mois rien ne s'est passé, vous pouvez vous constituer partie civile. En tant que victime, vous pouvez saisir le juge civil afin d'obtenir une indemnisation financière pour les préjudices subis. De plus, si l'établissement connaissait les faits, vous pouvez saisir le tribunal administratif qui engagera la responsabilité de l'établissement.

Les poursuites disciplinaires

En plus de porter plainte, avertissez votre chef d'établissement (même si ce n'est pas obligatoire). Il en avisera également le procureur de la République et engagera des poursuites disciplinaires contre les personnes qui ont contribué au bizutage : les étudiants impliqués et les personnels qui ont encouragé, facilité ou ne l'ont pas empêché. Ces derniers sont responsables pénalement aux yeux de la loi. Les étudiants bizuteurs risquent une exclusion temporaire ou définitive de leur établissement. Si le bizutage a eu lieu à l'extérieur mais est organisé au titre de l'établissement, le chef d'établissement est également responsable.

Le bizutage dans les études supérieures
- Un taux important, particulièrement en bac+2 et bac+4, avec près de 1 personne bizutée sur 4 (respectivement 22,7 % et 24,5 %).

- Les filières les plus concernées : plus de 1 personne bizutée sur 3 est en classe prépa (41,6 %), en école de commerce et institut d'études politiques (38,9 %), en école d'ingénieurs (34 %) et 1 personne bizutée sur 3 est en école spécialisée (33,3 %).

Source : baromètre du moral des lycéens et étudiants (24 juin/9 juillet 2015) de l'Etudiant.

Le nombre de condamnations depuis 2009
En 2009 : 14 condamnations dont 1 prison avec sursis.
En 2010 : 16 condamnations dont 5 prison avec sursis.
En 2011 : 5 condamnations.
En 2012 : 3 condamnations.
En 2013 : 4 condamnations.
En 2014 : chiffres encore non disponibles.

Source : ministère de la Justice.

Pour être conseillé et aidé
Le CNCB (Comité national contre le bizutage), e-mail : contrelebizutage@free.fr ; tél. : 06.07.45.26.11 ou 06.82.81.40.70 (non disponible du 06/09 au 24/09) ou 06.07.76.93.20 ; adresse postale : 108-110, avenue Ledru-Rollin, 75544 Paris cedex 11.

SOS bizutage, e-mail : contact@sos-bizutage.com ; tél. : 06.60.29.43.76.

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