Lycéenne en internat : "On partage tout, les rires, les devoirs..."
Anaïs, 16 ans, s’est vite adaptée à la vie d’internat dans son lycée de Mortagne-au-Perche (61). Elle apprécie ce mode de vie pour les amitiés, la convivialité et la rigueur au travail.
"Je vis à la campagne à 40 kilomètres d'ici. C'est plus facile d'être interne, car on n'a pas les trajets à effectuer matin et soir. Je me concentre sur mes études, c'est un choix. Je suis arrivée en seconde ici. C'était difficile les premières semaines. Je ne connaissais personne, j'étais seule. Ma famille me manquait un peu. Mais comme nous étions nombreux dans ce cas, cela s'équilibrait. Moi, cela m'a permis de relativiser mes états d'âme !"
"Il faut savoir être patient. Le temps de prendre ses marques, de regarder comment la vie fonctionne, et voilà, ça y est, on est intégré ! C'est ce que je dirais aux élèves qui ont ce projet et qui craignent la solitude : cela va s'arranger, il faut créer des liens avec les autres. Et les rencontres ont lieu."
"J'ai choisi de partager la chambre avec Flore"
"L'internat est situé à quelques mètres du lycée. On y accède par un portail fermé la nuit. Dans un bâtiment, il y a la cantine où nous prenons tous nos repas. Un peu plus loin se trouve le bâtiment avec les chambres. Deux étages pour les garçons, un étage pour les filles. Ce ne sont pas des grands dortoirs mais des chambres de 1, 2 ou 4 élèves."
De 20 h 15 à 21 h 15, Anaïs (au premier plan) est en étude obligatoire dans la chambre qu'elle partage avec sa grande amie, Flore (au fond, à gauche). // © Florence Levillain pour L'Étudiant
"Plus on se rapproche du bac, plus on peut disposer d'une chambre seule. Et les élèves de terminale bénéficient presque tous d'une chambre individuelle, histoire de bien se reposer et travailler au calme. Moi, j'ai choisi de partager la chambre avec Flore. C'est ma super amie, nous sommes très proches. On partage tout : les rires, les devoirs, la musique. On est mieux ensemble. De toute façon, nous sommes super sérieuses !"
"La surveillante nous réveille à 7 heures tous les matins"
"La vie à l'internat est parfaitement chronométrée et écrite comme du papier à musique. Il n'y a pas trop de place pour l'improvisation. C'est étrange au début d'obéir à des horaires stricts. Puis on s'habitue. Cela ne me dérange plus, au contraire, il y a un cadre qui rassure. Tous les matins, Charlène" la surveillante" passe et nous réveille à 7 heures. Elle en profite pour nous rendre les mobiles, qu'elle confisque tous les soirs à l'extinction des feux, à 22 h 30. Je me prépare jusqu'à 7 h 45, heure à laquelle je descends prendre mon petit-déjeuner."
"Il ne faut rien oublier : les chambres sont fermées jusqu'au soir, personne n'entre à l'internat dans la journée. On part vers 8 h 15. Avec mes copains, nous sommes toujours les premiers à arriver au lycée. On aime bien se retrouver, on se pose, on discute. Quand il pleut – ce qui arrive quand même un peu en Normandie ! – on peut aller au foyer. Il y a même un distributeur de chocolat chaud, c'est sympa. En fin de la journée, je vais à l'étude, de 17 à 19 heures."
"Si j'étais chez moi, je pense que j'étudierais moins"
"L'étude est une grande salle avec des tables individuelles. Un surveillant est installé sur l'estrade. On doit lever la main pour se déplacer, aller voir un camarade ou chercher un dictionnaire. On entend les mouches voler ! Ces 2 heures d'études, sans bruit, sans musique, sans ordinateur et sans téléphone, me permettent de faire mes devoirs mais pas seulement. Je m'avance sur les révisions. Je me sens moins débordée. Et puis, on a le droit de parler aux autres élèves ou même de travailler à deux : si on ne dérange pas, c'est efficace."
Détente au foyer après l'étude du soir : jeux et discussions, avant l'extinction des feux à 22h30. // © Florence Levillain pour L'Étudiant
"C'est l'un des points les plus positifs de ce mode de vie. Si j'étais chez moi, j'étudierais moins, c'est une certitude. Je serais sollicitée par d'autres choses que mes devoirs. J'apprendrais moins vite et serais moins efficace. Je le constate le week-end, toutes sortes de choses me distraient, la télé, le chien, la vie de famille ! Cela va sembler un peu puéril de dire ça, mais le fait d'être surveillée à l'étude, je trouve ça bien. Même si on n'a pas envie de travailler, on n'a pas le choix."
"Le soir, après le dîner, on a un petit moment de libre, entre 19 h 45 et 20 h 15. Là, on va au foyer, on joue à des jeux de société, on discute surtout. C'est un court moment puisque l'on doit regagner les étages assez vite. Et là démarre 1 heure d'étude en chambre, portes ouvertes. Si on compte, cela fait, en tout, 3 heures de travail quotidien. C'est très bien à partir de la première. En seconde, franchement, c'est trop ! Je finissais mes devoirs en moins de temps que ça. Mais je ne laissais jamais la place à l'ennui... Je dévorais au moins un livre par semaine !"
"On sort, on se promène en ville, l'internat n'est pas une prison !"
"Trop souvent les gens pensent que l'internat est un mode de vie un peu monacal. Il n'en est rien. Quand je termine les cours plus tôt, comme le mardi, et que je n'ai pas d'entraînement sportif, je vais dehors. Les collégiens n'ont pas le droit de sortir sans adultes, nous si, heureusement. On va dans une boulangerie, on mange un truc. Parfois, on se promène. On est en ville, pas dans un village. Certes, Mortagne est une petite ville, mais il y a tout ce qu'il faut. On traîne, on se balade, on écoute de la musique, on se pause et on discute."
"Mon seul regret ? C'est de ne pas pouvoir aller à l'internat dans la journée. Cela se faisait auparavant, mais il faut trop de surveillants. Ils ont arrêté, c'est dommage."
"Ce que j'apprécie, c'est l'esprit d'équipe !"
Ici, j'ai appris énormément de choses sur les relations entre les gens, sur l'amitié. C'est particulier parce que les liens qui se créent sont très forts, très ancrés, comme s'ils n'allaient jamais s'effacer. On vit ensemble, on mange ensemble, on dort ensemble, on partage la salle de bains, le placard, tout."
Sportive, Anaïs joue au badminton et s'initie au kayak. // © Florence Levillain pour L'Étudiant
"J'ai des amis avec lesquels je passe la plupart du temps. C'est comme une famille. Dans la cour, au lycée, on ne reste pas tout le temps collés les uns aux autres. On n'a pas créé de clans. Je déteste ça, les gens qui en excluent d'autres."
"Ce que j'apprécie, c'est l'esprit d'équipe. Je suis inscrite à l'association sportive. Je vais au badminton le mercredi après-midi et quand je termine tôt. On a prévu des week-ends kayak au printemps. J'ai un esprit 'collectif' je crois. À l'internat, les âges sont mélangés : des collégiens viennent avec nous au foyer. On chante et Flore joue de la guitare. On rigole bien."
"S'il y a quelque chose de négatif à l'internat ? Oui, quand même, je ne vais pas dire que c'est 100 % génial, même si j'adore cette vie. Le seul problème, c'est le manque d'intimité. Je ne suis jamais seule, sauf avec Flore, mais ça ne compte pas. Elle, c'est différent. Sinon, en général, dans tous les espaces de vie en semaine, il n'y en a aucun où on est vraiment seul."
L'internat, mode d'emploi
• Parmi 5,7 millions d'élèves dans le secondaire, secteurs public et privé confondus, 244.000 sont internes. On en dénombre plus de 180.415 dans le public et 63.221 dans le privé. Une majorité d'internes sont des garçons : 137.000 garçons pour 107.000 filles.
• Sur le site du ministère de l'Éducation nationale, 2.802 internats ont été recensés. Sur chaque fiche d'établissement figurent les langues, les options, les prix à l'année, etc.
• L'enseignement privé met également en ligne un annuaire.
• Une aide financière annuelle de 254 € est accordée aux élèves internes boursiers. Le coût de la scolarité en internat peut varier de 400 € à... plusieurs milliers d'euros par an.