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Décryptage

Derrière le décrochage scolaire, de fortes inégalités sont à l'œuvre

Les lycéens en voie pro (CAP et bac), représentent environ 60% du total des décrocheurs, selon le ministère de l'Éducation nationale.
Les lycéens en voie pro (CAP et bac), représentent environ 60% du total des décrocheurs, selon le ministère de l'Éducation nationale. © Adobe Stock/Macky Albor
Par Dorian Girard, publié le 02 juin 2023
5 min

INFOGRAPHIES. Le décrochage scolaire concerne aujourd'hui un peu moins de 8% des jeunes âgés de 18 à 24 ans. Si la France est en avance par rapport aux objectifs européens, les "sortants précoces" sont plus souvent issus de la voie pro du lycée, et inégalement répartis sur le territoire.

"Sur 100 élèves qui rentrent en seconde professionnelle, un tiers va décrocher, sans bac ou équivalent."

Lors de la présentation des mesures de sa réforme des lycées pro début mai, Emmanuel Macron a rappelé l’un des principaux objectifs qui la sous-tendent : la lutte contre le décrochage scolaire.

L'abandon en cours d'année est en effet assez important chez les lycéens en voie pro (CAP et bac), qui représentent environ 60% du total des décrocheurs, selon le ministère de l'Éducation nationale. Et ce, alors que la voie pro du lycée ne rassemble qu'un tiers des lycéens.

Au cours de la dernière décennie, la réduction des sorties dites "précoces" du système éducatif est devenue une priorité nationale. Si bien que la France fait partie des bons élèves européens. Mais le décrochage scolaire dans le pays souffre encore de fortes inégalités sociales et territoriales.

En France, la part de sortants précoces a été divisée par quatre en 40 ans

D'une manière générale, le décrochage scolaire est en baisse depuis quarante ans en France. Si la part des 18-24 ans titulaires, au mieux, du brevet et non-scolarisés, pouvait atteindre jusqu'à 40% dans les années 1980, celle-ci n'a cessé de diminuer avec la démocratisation des études, avant de se stabiliser autour des 10% au début des années 2000.

En 2021, la part des sortants précoces en France s'élevait à 7,8%, d'après les derniers résultats de l’enquête Emploi menée par l’Insee. Un chiffre inférieur à la moyenne des États membres de l'Union européenne (9,7%) et répondant déjà largement à l'objectif de 9% fixé par l'UE pour 2030.

Notre pays fait donc aujourd'hui bonne figure, mais tout le monde n'est pas égal face au risque de décrochage. À l'image des bacheliers professionnels, les hommes âgés de 18 à 24 ans décrochent par exemple davantage (9,6%), que les femmes (6,1%), et cette proportion varie aussi sensiblement si l'élève est issu d'un milieu social favorisé ou non.

Comme le montre le graphique ci-dessus, la part de jeunes entrés en 6e en 2007, titulaires au mieux du brevet dix ans plus tard, est nettement plus importante chez les élèves dont les parents sont sans emploi (38%), ouvriers non qualifiés (19%) ou employés (13%), que ceux dont les parents sont enseignants, cadres ou exercent une profession libérale (4%).

La part de jeunes peu ou pas diplômés et non-scolarisés peut être exprimée selon plusieurs tranches d'âge. Dans le cadre de la politique européenne, la France prend en compte les 18-24 ans pour favoriser la comparaison entre les pays, dont les réglementations diffèrent concernant l'âge maximum d'obligation de scolarisation. Mais puisque la scolarisation est obligatoire jusqu'à 16 ans, ce sont parfois les 16-25 ans qui sont étudiés.

Avec un résultat légèrement différent : si 7,8% des 18-24 ans sont en situation de décrochage, c'est le cas pour 8,4% des 16-25 ans.

Une répartition inégale sur le territoire

Selon le territoire où ils vivent, les jeunes ne sont par ailleurs pas tous exposés de la même manière au risque de sortie précoce du système éducatif. À Paris (3,1%), dans les Hauts-de-Seine (4,8%) et l’Ille-et-Vilaine (5,2%), la part des 16-25 ans titulaires au plus du brevet et non-scolarisés en 2019 est relativement peu élevée, selon les données les plus récentes du recensement de la population, représentées ci-dessous.

À l’inverse, les jeunes des départements d’Outre-mer, du nord de la France et de la partie sud de l’Occitanie semblent beaucoup plus exposés au risque de décrochage scolaire. C’est en Guyane (27,1%), dans l’Aisne (14,3%), à La Réunion (14,2%) et dans l’Yonne (14%) que la part de sortants précoces est la plus élevée.

Un "cumul de fragilités" dans certains territoires

Dans une étude consacrée au décrochage scolaire au niveau territorial publiée en 2016, le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq) a souligné la relation existante entre la sortie précoce du système éducatif et des "facteurs de risques relatifs aux conditions de vie" (faible revenu, précarité de l’emploi, faible niveau de diplôme des parents, famille monoparentale ou nombreuse, conditions de logement difficiles…).

Les chercheurs du Céreq expliquent en partie les disparités territoriales par la présence ou non dans l’environnement des élèves de ces facteurs socio-économiques, susceptibles d'augmenter leurs chances de se retrouver en difficulté durant leur parcours scolaire.

Ils notent par exemple que le Pas-de-Calais, l’Aisne et l'Yonne sont caractérisés par un "cumul de fragilités économiques, familiales, culturelles en milieu urbain". Ces difficultés sont le résultat de la forte désindustrialisation sur ces territoires, qui n'est pas forcément compensée par la présence d'autres zones plus favorisées économiquement.

Si la réforme du lycée professionnel vise à mettre fin à une orientation subie des élèves vers la voie pro, la lutte contre le décrochage scolaire et ses inégalités passe donc aussi par des mesures économiques et sociales dépassant les murs de l'école.

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