Reportage

Des lycéens contre la réforme des retraites : "Oui, nous sommes concernés"

Dans le cortège parisien contre la réforme des retraites.
Dans le cortège parisien contre la réforme des retraites. © Thibaut Cojean
Par Raphaëlle Orenbuch, Florian Dacheux, Camille Jourdan, Elodie Auffray, Charlotte Mauger, Marine Ilario, Nina Waechter, publié le 31 janvier 2023
7 min

Plusieurs lycées ont été bloqués ce mardi par les élèves mobilisés contre la réforme des retraites mais pas que ! Réforme du lycée professionnel, Parcoursup, inflation, chômage… leurs revendications sont nombreuses. Reportage.

L’appel à un grand mouvement de grève ce mardi 31 janvier contre la réforme des retraites a été entendu jusque dans les lycées. En France, "on dénombre près de 200 lycées bloqués et plus de 300 mobilisés dont une trentaine en Ile-de-France", se réjouit Colin Champion, président du syndicat La Voix Lycéenne. Pour lui, la jeunesse est au rendez-vous.

De Paris et sa région à Bordeaux, en passant par Guingamp, Besançon ou encore Tours, l’Etudiant est allé à la rencontre des lycéens mobilisés.

Peu de lycéens mobilisés sur les blocus

Devant le lycée Voltaire dans le XXe arrondissement de Paris (75), il n’y a pas foule ce mardi matin. Une dizaine de personnes sont rassemblées devant des poubelles et les grilles et empêchent l’accès à l’établissement. "Des élèves sont venus ce matin, ont vu le blocage et sont repartis. Tout le monde n’a pas pu venir avec les perturbations dans les transports", explique Colin Champion.

En région parisienne aussi l’ambiance était plutôt calme. Dans les Yvelines, pas de lycéens dans les rues, ni de tractages et de collages observés aux abords des établissements. À Poissy, c’est le calme plat devant l’entrée du lycée des métiers Adrienne Bolland. Il faut se rendre dans les hauteurs de la ville au niveau de la cité scolaire Le Corbusier pour croiser quelques manifestants déterminés à se rendre dans la capitale.

Devant le lycée Montesquieu de Bordeaux (33), quatre élèves de terminale sont arrivés vers 6h pour bloquer les deux entrées de l’établissement à l’aide de poubelles et de barrières, rejoints un peu plus tard par une dizaine de lycéens à l’origine du blocus. S’ils sont peu nombreux à avoir organisé le blocage du lycée, la plupart de leurs camarades présents devant l’établissement les soutiennent et n’essayent pas de rejoindre les salles de cours.

Les jeunes bien présents dans les cortèges

Des lycéens peu mobilisés sur les blocus, mais bien présents dans les cortèges des manifestations et prêts à faire entendre leur voix. "Un lycéen sur trois travaille l’été ou en dehors de ses études. Certains cotisent déjà. Donc oui, nous sommes concernés par cette réforme", argue Colin Champion.

À Besançon (25), une centaine d’étudiants et de lycéens traversent la ville pour rejoindre les autres manifestants en scandant des slogans. Parmi la petite foule qui se rassemble, Sophie* tient un panneau sur lequel on peut lire : "On travaille pour vivre, on vit pas pour travailler". "Mon père fait partie des premiers touchés par la réforme, explique la jeune fille en seconde, et ma mère devra travailler plus longtemps, alors qu’elle a des problèmes de santé. C’est injuste !"

Si certains sont là en priorité pour leurs parents, d’autres, comme Paul, lycéen en première, se sent directement concernés. "Fervent défenseur des manifs climat depuis la 4e", il considère que "la retraite est un combat qu’il faut mener jeune, comme n’importe quel salarié, futur retraité ou retraité".

"Je trouve la réforme injuste, on doit soutenir ceux qui sont les premiers concernés et même si ça paraît lointain, nous sommes aussi concernés par cette réforme", explique Nathan, lycéen en seconde qui manifeste à Tours (37). Tout comme Camille, en seconde également. "On n’a pas envie de bosser jusqu’à ce qu’on meure ! Je me sens concernée, c’est mon futur."

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Les lycéens sont descendus dans la rue ce mardi à Paris (en haut à gauche), à Guingamp (en haut à droite), à Tours (en bas à gauche) ou à Besançon (en bas à droite)./ © Nina Waechter (Paris), Elodie Auffray (Guingamp), Charlotte Mauger (Tours), Camille Jourdan (Besançon).

Lycéen à Bordeaux, Maël s’agace. "Si on raccourcit les retraites maintenant, qu'est-ce qu’on va devenir ? On aura plus de retraites quand ça sera notre tour."

À Guingamp (22), des lycéens, bien que discrets et sans pancartes, étaient aussi présents dans le cortège contre la réforme des retraites, qui a rassemblé 2.200 personnes, selon les gendarmes, quelque 3.000 selon les syndicats. En seconde, Gabriel et Kaelig ne se sentent "pas encore trop concernés". Ils sont surtout venus dans l'idée de grossir les rangs, "pour soutenir ceux qui manifestent aujourd'hui".

"Un ras-le-bol général"

Les lycéens sont mobilisés pour dire non à la réforme des retraites, mais leurs revendications vont aussi au-delà. "Nous voulons nous faire entendre, pour la réforme des retraites, mais pas uniquement. Il y a un ras-le-bol général des lycéens, des ouvriers, des familles vis-à-vis du gouvernement. Il y a plein de choses qui devraient être revues : la réforme des bacs pro, la question de la précarité avec l’inflation et les salaires qui ne suivent pas et les questions environnementales", martèle Diane, lycéenne en bac pro communication visuelle à Tours.

"On veut se faire entendre pour que les jeunes aient une place dans la société", explique Félicien, élève de terminale à Bordeaux, où les lycéens font aussi grève pour dénoncer le système éducatif et Parcoursup.

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À Poissy (à gauche) et Bordeaux (à droite)./ © Florian Dacheux (Poissy) et Raphaëlle Orenbuch (Bordeaux).

À Paris, les lycéens se disent aussi opposés au projet du gouvernement visant à rendre le SNU (service national universel) obligatoire et inquiets face au taux de chômage qui touche les jeunes. "Parce qu’on a rallongé l’âge de départ à la retraite, on a mis plus de monde sur un marché du travail qui sature. Et qui sont les plus touchés par le chômage aujourd’hui ? Ce sont les jeunes", déplore Ephram Strzalka-Beloeil, secrétaire national de La Voix Lycéenne.

"On aimerait que le gouvernement nous écoute un peu plus. Quand il y a une telle mobilisation et que les jeunes sont prêts à bloquer leur lycée, ce serait bien d'ouvrir une discussion avec les organisations lycéennes", conclut Colin Champion.

*Le prénom a été changé.

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