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Reportage

"Au début, j’avais peur d’aller vers les entendants" : le quotidien insolite de deux lycéennes en situation de handicap

handicap à l'école
Malgré ce handicap invisible, Zélie ne se met aucune limite au quotidien. © Dominique Salomon
Par Dominique Salomon, publié le 26 mai 2025
4 min

Toutes les deux atteintes de surdité, Agathe et Zélie bénéficient d’un accompagnement personnalisé dans un lycée ordinaire à Rennes. Bien intégrées dans leur établissement, elles s’apprêtent à passer leur bac malgré leur handicap.

Comme ses camarades de classe, Zélie est une lycéenne de terminale stressée à l’approche des épreuves du bac. Mais elle n’est pas tout à fait une élève comme les autres car elle est sourde profonde. Porteuse d’un implant cochléaire (dispositif médical restaurant l’audition en stimulant directement le nerf auditif), elle peut néanmoins entendre et donc communiquer par la parole. On dit qu’elle oralise.

"J’entends les sons autour de moi mais pas parfaitement. Parfois, j’ai du mal à savoir d’où ils viennent", explique-t-elle. C’est pourquoi elle lit également sur les lèvres. Malgré ce handicap invisible, elle ne se met aucune limite au quotidien. Zélie, qui rêve de devenir bibliothécaire, a même choisi comme spécialité le théâtre. 

Un microphone pour affiner l’écoute

Elle joue le rôle d’Œnone, nourrice de Phèdre dans la pièce éponyme de Racine. Un classique que sa classe de théâtre va présenter à l’épreuve pratique de spécialité du baccalauréat. Et pour Zélie, c’est un travail qui demande beaucoup d’attention. "Avant cette année, on n’avait pas conscience qu’elle lisait sur les lèvres", confient d’ailleurs Melody et Tess, deux camarades comédiennes. "Je devais me tourner beaucoup pour suivre les échanges", confirme Zélie. Un "effort considérable", constaté par son professeur Olivier Berton. Lequel retient pourtant essentiellement "la curiosité et l’envie remarquables dont fait preuve" sa jeune élève. 

Depuis cette année, les répétitions sont désormais un peu plus faciles pour elle. À chaque fois, c’est le même rituel. Zélie passe un micro haute fréquence autour du cou de chacune de ses camarades comédiennes, quand c’est leur tour de jouer. Comme ce mardi de mai au Théâtre national de Bretagne où la troupe répète la pièce de sa spécialité pour une représentation sur scène le soir même. Ce micro est un des dispositifs d’aide dont dispose Zélie pour suivre une scolarité au lycée. Cette technologie permet de transmettre sans fil les signaux sonores à son appareil auditif. Elle le donne aussi à tous ses professeurs en début de cours pour mieux entendre explications et consignes. 

"Les professeurs s’adaptent"

"Zélie est une battante", admire Stephan Duchscher, son professeur principal. "Elle est toujours volontaire malgré les efforts à fournir." Dans la même classe que Zélie, Agathe est plus discrète, selon ses professeurs. Elle est porteuse d’un handicap différent puisqu’elle est sourde sévère et porte un appareil auditif non implanté. La jeune femme qui se destine à une carrière dans l’architecture d’intérieur bénéficie, comme sa camarade, d’heures de remédiation. C’est-à-dire de cours particuliers pour revoir ce qui a été mal compris en classe. Mais contrairement à Zélie, elle n’a pas de micro. "J’ai essayé mais ça ne m’a pas plu. " Elle confie que le bruit et les bavardages peuvent la gêner mais elle estime que les accompagnements proposés sont suffisants, d’autant que "les professeurs s’adaptent, fournissant par exemple en amont une version écrite de leurs cours". 

Les enseignants qui portent le micro de Zélie autour du cou pendant leurs cours font par ailleurs "un effort de clarté" et essaient de "ne pas trop bouger dans la classe et de faire face aux élèves", explique Agathe Gouezel, professeur de physique-chimie. "Nous devons essayer d’être précis à l’écrit et de ne pas ajouter des consignes à l’oral." Une façon de fonctionner qui s’avère "profitable pour tous les élèves finalement", estime-t-elle. 

Traduction en cours

Dans certains cours, comme la philosophie ou le français, Zélie est également accompagnée par des intervenantes de Kerveiza, un établissement médico-social de l’association les PEP Bretill’Armor. Elles traduisent les cours en Langue des Signes française ou en Langue française Parlée Complétée. Cette dernière repose sur un code manuel visuel permettant de favoriser la compréhension de la parole, en y associant des mouvements de mains. 

Qu’il s’agisse de Zélie ou d’Agathe, l’intégration avec des entendants semble bien établie, mais a demandé des efforts. "Au début du collège, j’avais peur d’aller vers des entendants. Mais finalement ça s’est bien passé", confie Agathe, qui désormais n’envisage aucun frein à ses ambitions à cause de son handicap. 

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