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Reportage

"On n’est jamais responsable des violences qu’on subit" : des lycéens sensibilisés aux violences sexistes et sexuelles

Des élèves de seconde du Val-de-Marne ont été formés à la lutte contre les VSS par l’association HandsAway.
Des élèves de seconde du Val-de-Marne ont été formés à la lutte contre les VSS par l’association HandsAway. © Clémentine Rigot
Par Clémentine Rigot, publié le 19 mars 2025
1 min

Ce jeudi 13 mars, des élèves de seconde du Val-de-Marne étaient formés à la lutte contre les VSS par l’association HandsAway. L’occasion de faire le point sur leurs connaissances, de répondre à leurs questions et de lutter contre ces phénomènes encore trop banalisés.

"Peu importe qu’on ait bu ou pas, on n’est jamais responsable des violences qu’on subit", déclare, main levée, Arthur* au premier rang. Ce jour-là, les élèves de seconde du lycée Christophe Colomb de Sucy-en-Brie (94) voient leur emploi du temps banalisé. Motif : sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles (VSS). C’est l’association HandsAway qui anime l’atelier de deux heures, devant 28 élèves. Parmi eux, seules cinq sont des filles.

"Elle a choisi de boire, donc c’est un peu de sa faute aussi", propose un autre élève. Lors de ce premier atelier, par groupes, les jeunes doivent débattre autour de cette affirmation : "une personne qui subit des violences sexuelles alors qu’elle était alcoolisée a une part de responsabilité". Deux intervenantes encadrent l’atelier, face à des élèves à qui l'on a déjà évoqué, quelques jours plus tôt, les questions de consentement.

Lutter contre les violences banalisées

Définitions, échanges, travaux de groupe, rappel de la loi… Ce jeudi, le programme est chargé. Vassilia Mattei, responsable sensibilisation de l'association, montre aux élèves une pyramide, sur laquelle sont inscrites les différents types de VSS. En bas, à son socle, les violences sexistes, que constituent les préjugés, les moqueries, les stéréotypes.

Par-dessus, suivent le harcèlement de rue et le harcèlement sexuel, les agressions, les viols. "D’après vous, pourquoi c’est en forme de pyramide ?", demande-t-elle. "Parce que si on casse les violences du bas, les plus banalisées, il n’y aura plus tout le reste", suggère Ryan*.

Place aux mises en situations : par groupes, les élèves analysent une situation et pointent ce qui est violent. "V se promène dans la rue quand A lui crie 'hey, t’es trop bonne' tandis que C la siffle. V accélère le pas mais ne dit rien. Plus tard, V en parle à son ami D qui lui dit 'c’est parce que ta tenue était trop provocante'". Lorsque les intervenantes demandent aux jeunes de quel type de violence il s’agit, ça sèche. "C’est du harcèlement de rue", explique Vassilia Mattei. Exclamations dans la salle : le terme leur est familier. "Mais madame, il y a des gens qui le prennent bien", assure Maxime*.  

Et les membres de l’association de rappeler la loi : peu importe qui les reçoit, le harcèlement de rue et les outrages sexistes sont interdits. "On choisit des points qui peuvent être bloquants ou qui font réagir pour avoir l'occasion de créer un débat et d'y répondre en classe", précise Vassilia Mattei.

Expliquer le ressenti des victimes

"A, le beau-père de V, rentre dans sa chambre pour dormir avec lui et touche ses parties intimes pendant qu’il dort. V n’ose pas en parler, par peur qu’on lui reproche de ne pas s’être défendu".  "Il peut avoir peur que son beau-père lui fasse encore du mal s’il en parle", propose un jeune du premier groupe. "Ou qu’on ne le croit pas face à un adulte", enchaine son camarade, quelques tables plus loin. "Et parfois, la victime, surtout si elle est jeune, elle peut ne pas avoir conscience que c’est grave", complète Arthur.

Peu importe l’âge, Vassilia Mattei explique que, dans des situations de violence, on n’est pas toujours capable de fuir, ni même de dire ou faire quoi que ce soit. "Est-ce que quelqu’un sait ce que c’est que la sidération ?", demande-t-elle. À gauche, Chloé* lève la main. "C’est quand on est tétanisé, qu’on ne peut plus bouger du tout", explique la jeune fille. La classe acquiesce.

Evaluer la compréhension des jeunes

Après la première heure passée à décortiquer les violences sexistes, les élèves sont plus à l’aise pour le second atelier. L’objectif : déconstruire les clichés sexistes et la minimisation des violences sexuelles dans les médias. "On a souvent l’image qu’un viol c’est un inconnu, la nuit dans la rue, alors que non", pointe Chloé. "Le journal parle d’un homme qui a fait un enfant à une jeune fille de 12 ans. Mais un enfant c’est consenti, là c’est un viol !", proteste Maxime face au titre d’un article de presse. Article après article, les jeunes s’exclament, choqués du traitement réservé aux victimes. "Ça minimise complètement ce qu’elle a vécu", s’insurge un jeune homme au fond de la classe.

Les deux heures touchent à leur fin et les élèves se voient distribuer un questionnaire. À chacun de préciser, anonymement, ce qu’il a appris, retenu, apprécié, et les pistes d’amélioration. "D’après ces questionnaires, on dresse un premier bilan, puis on contacte l’établissement pour connaître le retour des élèves, savoir s’ils en ont reparlé en classe par exemple", explique Vassilia Mattei.

L’association HandsAway, particulièrement sollicitée autour du 8 mars, sensibilise chaque année des milliers de jeunes. Mais leur intervention est conditionnée à la demande des établissements, et donc à la sensibilité des chefs d’établissements sur ces questions. Vassilia Mattei reste optimiste : le nouveau programme d’éducation à la sexualité devrait rendre plus régulières leurs interventions, et d’accompagner au mieux les adultes de demain.

* Les prénoms ont été modifiés.

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