Reportage

"Faites quelque chose !" : l'appel de Greta Thunberg et de la jeunesse engagée aux députés français

Le 23 juillet, la jeune activiste suédoise Greta Thunberg était à l'Assemblée nationale pour promouvoir la lutte contre le réchauffement climatique.
Le 23 juillet, la jeune activiste suédoise Greta Thunberg était l'Assemblée nationale pour promouvoir la lutte contre le réchauffement climatique. © Thibaut Cojean
Par Thibaut Cojean, mis à jour le 18 septembre 2019
7 min

Ce vendredi 20 septembre débute une nouvelle grève mondiale pour le climat. A New-York, l'activiste suédoise Greta Thunberg mènera la manifestation tandis qu'en France, plusieurs associations de jeunes et lycéens ont prévu des actions. En juillet, tous ces jeunes avaient déjà exprimé leurs inquiétudes aux députés de l'Assemblée Nationale, qui n'avaient alors pas vraiment compris le fond de leur message.

"Les députés nous ont entendus, mais ils ne nous ont pas écoutés", souffle Robin Julian. Le lycéen de 16 ans était invité à l’Assemblée nationale, mardi 23 juillet, dans le cadre de la venue de la jeune militante écologiste suédoise Greta Thunberg. Avec trois autres jeunes membres français de l’association Youth for Climate, ils ont envoyé un message fort aux élus présents, mais qui n’a pas toujours été bien compris.

Les jeunes, porte-paroles des scientifiques

La salle Victor Hugo, au troisième sous-sol de l’Assemblée nationale, est pourtant pleine à l’ouverture de la séance. À la tribune se succèdent le député Matthieu Orphelin (non-inscrit), à l’origine de l’événement, la climatologue du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) Valérie Masson-Delmotte, Greta Thunberg et quatre jeunes militants français.

C’est la jeune activiste suédoise qui prononce le premier discours, chiffré et concis. Rapport du Giec à l’appui, elle insiste sur l’urgence à agir pour le climat et adresse quelques piques à un monde d’élus "pas assez matures" pour comprendre les enjeux du réchauffement climatique. Surtout, elle rappelle que la jeunesse n’est que la porte-parole de la communauté scientifique.

Venus respectivement de Bordeaux, Lorient, Angers et Grenoble, Virgile Mouquet (18 ans, diplômé d’un bac S), Alicia Arquetoux (16 ans, lycéenne en ES), Ivy-Fleur Boileau (19 ans, étudiante en théâtre) et Robin Julian (16 ans, lycéen professionnel) représentent ces jeunes qui s’engagent. Chacun avec leurs mots et leurs gestes, ils délivrent le même message aux dirigeants politiques : "Faites quelque chose !"

"Combien d’enfants dans la rue vous faut-il pour vous faire réagir ? […] Aidez-nous à sauver notre futur !", lance Alicia, tandis que Virgile rappelle que "chacun a sa part de responsabilités. Aujourd’hui, prendre des décisions contraignantes est votre devoir".

"Nous, la jeunesse du monde, nous nous levons"

Hasard du calendrier, cette rencontre se tient quelques heures avant que les députés ne votent la mise en place du Ceta, le traité de libre-échange entre l’Europe et le Canada, très décrié par les écologistes. Si Greta Thunberg ne souhaite pas s’exprimer sur les enjeux politiques, les jeunes Français, eux, ne se font pas prier.

"Nous ne sommes pas obligés de faire venir de l’autre bout du monde des marchandises dont nous n’avons pas vraiment besoin, estime Ivy-Fleur. Nous ne sommes pas obligés de placer le bien-être du commerce au-delà de celui de la planète." "Nous, la jeunesse du monde, nous nous levons ! Pas seulement pour changer les lois, mais bien pour changer la société dans sa globalité, que vous le vouliez ou non", prévient Robin.

À l’issue des discours, une douzaine de députés prennent la parole. Le ton est cordial et souvent paternaliste. Si certains dénoncent le Ceta ou défendent leur action pour le climat, la plupart félicitent et encouragent les jeunes présents. Greta Thunberg reste impassible : "Vous n’avez pas compris. Au lieu de louer notre action, essayez de faire quelque chose !"

Des questions "pas à la hauteur des enjeux"

La réception n'est pas beaucoup plus chaleureuse lorsqu'une députée s'inquiète de voir ces jeunes sécher des cours. "On nous reproche beaucoup de ne pas aller à l’école, mais moi aussi j’aimerais y aller ! se défend Ivy-Fleur Boileau. Mais la priorité, c’est de m’assurer un avenir sur le long terme, et ensuite je pourrai me concentrer sur les études."

Dans le public, d’autres étudiants commentent les échanges. "Ces questions ne sont pas à la hauteur des enjeux, regrette Romain, étudiant en école d’ingénieurs à Nantes. On est dans une urgence, une guerre contre nous-même, comme certains le disent, et les premiers retours c’est: 'pourquoi vous n’allez pas à l’école ?' "

Pour autant, quand les sujets de fond sont enfin abordés, "les questions ne sont pas adaptées à l’âge des interlocuteurs", observe Audrey, étudiante de master en droit du développement durable à Paris. "Ces sujets sont très délicats, ce sont des questions qu’un lycéen n’est pas censé avoir à se poser, et ce sont aux adultes de prendre leurs responsabilités et d’agir." Elle et Romain sont engagés pour le climat, au sein du mouvement Together for Earth.

"Je pense que les députés n’ont pas du tout conscience de l’urgence qu’il y a à agir, résume Amélie, membre du Manifeste étudiant pour un réveil écologique et étudiante en école de commerce à Grenoble. Ils nous disent 'bravo', mais à côté il n’y a pas de volonté de changer les choses."

Retenir le positif

"C’est bien qu’on leur donne de l’espoir, abonde Romain. Mais quand on sera dans leur position, ce sera trop tard. C’est à eux d’agir. Il y a des centaines de rapports qui sont sortis, les solutions sont connues."

Virgile Mouquet préfère malgré tout retenir le positif : "J’ai le sentiment que la plupart des députés présents étaient prêts à ouvrir le dialogue, ils ont vu qu’on avait quelque chose à apporter." Au-delà des "questions décevantes", Alicia Arquetoux a elle aussi trouvé "certaines interventions très pertinentes", et aurait souhaité parler plus longuement avec les députés et les journalistes.

Quel que soit l’accueil qu’on leur réserve, ces jeunes continueront de s’engager et de véhiculer leur message. Tous ont d’ailleurs déjà l’esprit tourné vers l’organisation d’une nouvelle grande marche pour le climat, le vendredi 20 septembre prochain.

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