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Décryptage

"D'un bac pro à Normale sup" : ces classes prépas réservées aux filières professionnelles

En France, seuls sept établissements proposent des classes prépas pour les titulaires d'un bac pro.
En France, seuls sept établissements proposent des classes prépas pour les titulaires d'un bac pro. © Getty images/JohnnyGreig
Par Clémentine Rigot, publié le 12 mars 2025
5 min

Méconnues, des classes prépa dédiées accueillent, sur trois ans, de petits viviers d'étudiants issus de bac pro pour les amener jusqu'aux écoles d'ingénieurs, de commerce et de management.

"Au collège, mes priorités, c'était jouer au foot et à la Play, profiter de ma jeunesse", se souvient Hicham, 20 ans. Il est loin le temps où le jeune homme faisait passer la détente avant l'académique. Aujourd'hui, Hicham est en classe préparatoire aux grandes écoles au lycée Jean Perrin à Marseille (13). Objectif pour ce bachelier professionnel : intégrer une grande école de commerce.

"Avant, je m'en fichais un peu de l'école, ce n'était pas ma priorité. Je faisais le minimum", concède Hicham. Après une scolarité sans beaucoup d'implication, ses professeurs l'orientent vers un bac pro vente. Là, il découvre son intérêt pour le commerce, notamment international. Une professeure lui parle alors de l'existence de classes prépas réservées aux bacheliers pros. L'idée germe dans sa tête. "Je me suis dit que c'était une deuxième chance", explique-t-il.

Une formation en trois ans au lieu de deux

Pourtant, ils sont encore rares – seulement sept en France - ces établissements qui proposent des classes prépas, scientifiques ou commerciales, pour les titulaires d'un bac pro. Le lycée Cassin à Strasbourg (67) est le premier à lancer ce type de formation et à accueillir, dès 2009, des étudiants. Cette année, l'établissement enregistre une réelle flambée : contre la quinzaine d'élèves habituelle, ils sont désormais 24. La prépa strasbourgeoise, destinée aux futurs élèves d'école de commerce, recrute sur Parcoursup.

"Plus que la moyenne, c'est la capacité de travail que l'on va regarder", explique Pascal Simon, professeur d'éco-gestion au lycée Cassin. "Notre premier critère, c'est de voir les avis du conseil de classe. 'Très favorable' et 'Favorable' ça passe ; en dessous ça ne passe pas", détaille-t-il. Le but : recruter des jeunes qui ont les moyens de réussir.

Et cela fonctionne ; depuis son lancement, la classe prépa affiche un taux de réussite qui tutoie les 100%. "Il arrive que certains élèves intègrent même des écoles du top 5", se félicite l'enseignant. Tout comme sa sœur scientifique, cette prépa économique et commerciale se suit sur trois ans, contre deux pour une CPGE classique. Cela permet ainsi aux bacheliers pros d'avoir plus de temps pour retravailler les fondamentaux, se mettre à niveau et, in fine, préparer aux mieux les concours.

Si les petits effectifs permettent d'accueillir au mieux les étudiants, les premiers pas ne sont pas toujours évidents. "Je ne comprenais rien du tout ! Il y avait un vocabulaire soutenu, l'ambiance était très différente avec ma classe de bac pro", se remémore Hicham, à propos de sa journée d'immersion.

Bien que la marche soit haute, le lycéen saute le pas et s'inscrit sur Parcoursup. Les résultats tombent : Hicham est admis. "Je me suis dit : 'c'est le début de quelque chose, j'ai envie d'aller jusqu'au bout'", assure-t-il. Aujourd'hui en deuxième année, il a fait la moitié du parcours. "Ce sont trois ans où je peux rattraper le temps perdu, mes lacunes, et investir dans ma réussite pour plus tard".

Non loin de là, à Nimes (30), Selim, 19 ans, a vécu une expérience assez similaire. Pour ce jeune homme, la prépa TSI de l'Institut Emmanuel d'Alzon (30) promet une entrée dans un domaine plus scientifique : les écoles d'ingénieurs. "Le niveau est linéaire, aucune marche n'est trop difficile à surmonter, mais il faut travailler petit à petit", promet l'étudiant.

La recette secrète tient surtout dans les petits effectifs, et le très bon accompagnement de l'équipe pédagogique. "Par rapport au lycée, où l'on n'avait pas forcément la possibilité de poser des questions parce qu'on était trop nombreux, ici, on crée des liens, et dès qu'on a des doutes, on peut interroger nos professeurs", se réjouit-il.

Ne pas s'autocensurer

Et si tout était une question de motivation ? C'est ce dont semble convaincu Michaël Sanray, son professeur de physique-chimie. "Les étudiants de bac pro se mettent trop de limites, regrette-t-il, et souvent, ils sont envoyés dans ces filières contraints et forcés."

Une orientation parfois subie, et donc pas toujours pertinente. "Objectivement, ils n'ont pourtant pas moins de capacités que les autres. Tout élève motivé peut réussir", assure l'enseignant.

"Les bacs pros sont stéréotypés comme des gens pas impliqués dans les études, mais certains ont besoin d'une deuxième chance pour se rattraper", abonde Hicham. L'étudiant s'est, lui aussi, bien adapté au rythme de la prépa, alors qu'il y a deux ans encore, il lui était impensable de se lever un samedi matin pour aller faire un contrôle. "Chaque jour qui passe rend la chose plus facile, on s'habitue", promet-il. "On est dans un cadre très protecteurs, sécurisant. Les professeurs nous soutiennent, nous écoutent, nous accompagnent", se réjouit l'étudiant, enjoignant ses camarades de bac pro de tenter leur chance.

"Il ne faut surtout pas se brider, si on est prêt à travailler. Tout est possible, des talents peuvent se révéler. J'ai en tête un étudiant qui a fini à Normale sup alors qu'il venait de bac pro", affirme Michaël Sanray.

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