Reportage

Lycéens ZEP à Marseille : "Il est plus compliqué pour nous de viser les grandes écoles"

Karima, Kenza et Ismael, en terminale L à Marseille, manifestent pour le maintien de leur lycée en ZEP.
Karima, Kenza et Ismael, en terminale L à Marseille, manifestent pour le maintien de leur lycée en ZEP. © erwin canard
Par Erwin Canard, publié le 19 janvier 2017
1 min

À Marseille, des enseignants et élèves des 12 lycées classés ZEP de la ville manifestaient pour la quatrième fois depuis la rentrée 2016 contre la sortie de leur établissement de l'éducation prioritaire. Une sortie qui, si elle était maintenue, rendrait encore plus difficile l'orientation des élèves.

"Nous avons moins de chances de réussir qu'ailleurs car nous venons des quartiers nord de Marseille", se désole Hachima, en terminale ST2S au lycée Saint-Exupéry. Jeudi 19 janvier 2017, des dizaines de lycéens et plusieurs centaines d'enseignants ont manifesté contre la sortie des lycées ZEP de la carte de l'éducation prioritaire.

Ce déclassement entraînerait de nombreux changements pour ces établissements : un nombre d'élèves par classe plus élevé, moins d'aide personnalisée, moins de projets, etc. Cela aurait des conséquences directes sur l'enseignement mais, à plus long terme, c'est aussi l'orientation des élèves qui serait en danger.

Lire aussi : REP, ZEP : c'est quoi l'éducation prioritaire ?

L'orientation postbac, grande inconnue

La situation est déjà critique. L'une des raisons évoquées au sujet de ces difficultés est la méconnaissance du système éducatif par les élèves et leurs familles. "Les classes prépas ? Ils ne savent pas ce que c'est." Ce constat amer est celui de Frédéric, professeur d'histoire-géographie au lycée Diderot de Marseille, classé en ZEP (zone d'éducation prioritaire). Certains élèves ont même des lacunes sur l'organisation même des filières du lycée. "En seconde, ils ne savent même pas que les bacs sont différents selon les séries, se désespère Loïc, professeur de mathématiques à Diderot. Ils me disent : Ah, mais le bac de maths est différent en L et en S ?" L'orientation postbac reste pour beaucoup une grande inconnue. "Quand une élève dit qu'elle veut faire médecine, elle n'a aucune idée de la longueur des études ou qu'il existe un numerus clausus…", explique-t-il.

"Ils sont sous-informés"

Cette méconnaissance du système s'explique en grande partie par le milieu dont sont issus ces élèves. "Leur situation sociale, familiale leur barre l'accès à certaines informations, explique Kader, prof de vente au lycée professionnel de Port-de-Bouc. Notamment parce que beaucoup de parents sont inactifs et que de nombreux élèves viennent tout juste d'arriver en France." "Ils sont sous-informés, confirme Frédéric. Eux et leurs parents ont une vision plus restreinte du champ des possibles."

Pourtant, le rôle des parents est souvent primordial dans l'orientation des élèves. Selon l'OCDE (Organisation de coopération et de dévéloppement économiques), le fait que la France soit l'un des pays qui reproduisent le plus les inégalités sociales le prouve : un élève dont les parents sont d'un milieu défavorisé à davantage de risques d'échouer à l'école. Et la question de l'image "issus des quartiers" inquiète les jeunes. "Il est plus compliqué pour nous de viser les grandes écoles car, sur le CV, venir d'ici ne nous aide pas", lance Ismaël, en terminale L à Saint-Exupéry.

Moins de moyens, moins de réussite au bac

Être classé en éducation prioritaire permet de combler, en partie, ces difficultés. Les enseignants peuvent organiser des heures d'accompagnement personnalisé dédiées à l'orientation, où ils les informent des formations, des salons, des établissements. "Les effectifs réduits permettent également de mieux suivre chacun des élèves", relève Youssra, enseignante de français à Marseille.

Les moyens alloués aux établissements classés en éducation prioritaire permettent, en premier lieu, de mieux faire réussir les élèves, ce qui est le point de départ d'une bonne orientation. "Si on arrive à avoir 75 % voire 78 % de taux de réussite au bac, il ne faut pas se leurrer, c'est grâce à ces moyens", estime Christian, professeur de comptabilité à Port-de-Bouc. "Si on n'est plus ZEP, on sera plus nombreux en classe, s'exclame Ebtiseme, en seconde à Diderot. On pourra moins travailler et la ministre ne les aura plus, ces 80 % de taux de réussite !"

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