Décryptage

Retour des maths dans le tronc commun de première : où en est-on ?

Mathématiques première tronc commun
Le retour des mathématiques dans le tronc commun de première générale suscite de nombreuses questions. © Laura Primo/Adobe stock
Par Nalini Lepetit-Chella, publié le 30 septembre 2022
6 min

Obligatoires jusqu'en 2018, retirées en 2019, optionnelles en 2022 : au lycée, la place des mathématiques dans le tronc commun de première générale fluctue. Et le ministère de l'Éducation nationale n'a pas encore annoncé sa décision pour 2023.

On le voit, on ne le voit plus, on le voit un peu. En première générale, l'enseignement des mathématiques dans le tronc commun semblerait presque doté d'un certain pouvoir de disparition.

Retour des maths à petits pas

Alors qu'elles étaient obligatoires en ES et S, la réforme du lycée a supprimé les maths du tronc commun en même temps que les séries en 2019, pour ne garder que la spécialité. Puis en mai 2022, l'alors ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer avait répondu aux critiques en annonçant, pour la rentrée de septembre, le retour des maths pour tous via leur intégration à l'enseignement scientifique.

Une annonce un peu trop tardive pour être mise en place. Dès le mois de juin, le retour des maths est nuancé par le président Emmanuel Macron : une heure trente de mathématiques seraient bien proposée dès la rentrée de septembre, mais uniquement aux élèves n'ayant pas choisi cette spécialité, et en option.

Avant l'été, le gouvernement avait l'objectif de rendre les maths obligatoires pour tous en 2023, mais cette position a aussi été remise en cause, à la rentrée, par le nouveau ministre Pap Ndiaye. Un mois après la rentrée, où en est-on ?

En 2022, une mesure transitoire... et "pernicieuse" ?

A priori, la situation devrait évoluer l'an prochain. L'année 2022-2023 est transitoire, rappelle le ministère. Mais la suite n'est pas encore connue. Les mathématiques seront-elles obligatoires en première générale à la rentrée 2023 ? Lors de la présentation de son projet de budget pour 2023, l'institution a dit être "en train de regarder précisément". Et elle ne donne pas de date pour arrêter son choix.
Ce qui est sûr, c'est que ce ne sera pas pour tout de suite. Le ministère indique notamment attendre de savoir quelle part d'élèves de première ont pris la nouvelle option "enseignement scientifique et mathématique" à la rentrée 2022. "Il est faible, pour des raisons qui tiennent aux délais", anticipe-t-il, estimant que cela concerne "moins de 10 % des élèves".
Au-delà des difficultés "logistiques", le problème "fondamental" de cette mesure est qu'elle est "pernicieuse", analyse Marie-Line Chabanol, présidente de l'Assemblée des directeurs d'instituts de recherche sur l'enseignement des mathématiques (Adirem).
"Cela semblait être une bonne idée, mais elle pose deux problèmes : risquer de vider la spécialité mathématiques, car l'option apparaît comme une alternative à ce cours réputé difficile, alors qu'on manque déjà de profils scientifiques ; et envoyer à l'échec les élèves qui pensent que ce cours permet de suivre l'option mathématiques complémentaires en terminale."

Aménager les programmes de la spécialité

L'enseignement des mathématiques au lycée doit donc être pensé de façon globale. Il faut se poser la question de l'articulation de cette nouvelle option avec la spécialité mathématiques et les deux options de terminale : mathématiques expertes, pour les élèves qui poursuivent la spécialité, et mathématiques complémentaires, destinée en priorité à ceux qui l'arrêtent.
Le Conseil supérieur des programmes est donc "sur les rangs", indique le ministère. Car si la réintégration facultative des mathématiques dans le tronc commun "visait à s'étendre", cela "nécessite[rait] des aménagements, notamment avec le programme d'enseignement de spécialité".
Claire Piolti-Lamorthe, présidente de l'Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public (APMEP), envisage ainsi deux possibilités :
  • Rendre cet enseignement de mathématiques en tronc commun obligatoire pour tous les élèves, y compris ceux en spécialité mathématiques. Cela impliquerait que les deux programmes soient "très différents", pour éviter que les élèves de spécialité "s'ennuient" car ils auraient déjà vu les notions abordées et que les autres n'arrivent pas à suivre.

  • Réserver cet enseignement aux élèves ne suivant pas la spécialité. C'est le cas de l'option de tronc commun proposée depuis septembre 2022.

L'association est "plutôt en faveur du premier choix", précise-t-elle, ajoutant qu'il y a "peut-être d'autres possibilités".

De son côté, Marie-Lise Chabanol considère que rendre à nouveau les mathématiques obligatoires en première est "une bonne idée, mais ça ne suffit pas". Une piste serait de créer une deuxième spécialité mathématiques axée sur les sciences humaines et sociales, selon elle. Elle serait destinée aux élèves ne souhaitant pas faire une carrière scientifique mais ayant besoin des mathématiques dans leurs études.

Manque d'enseignants dans tous les cas

Les différentes possibilités "ne génèrent pas du tout les mêmes besoins" concernant le nombre d'enseignants à mobiliser, souligne Claire Piolti-Lamorthe. Mais, "quelle que soit la réponse donnée, nous manquons de professeurs de mathématiques, estime Marie-Lise Chabanol. Et former un enseignant prend du temps."
Un autre enjeu est la date à laquelle la décision sera annoncée. Car une fois les programmes connus, différents acteurs devront encore se préparer pour la rentrée : les professeurs, pour adapter leurs cours, les maisons d'édition, pour concevoir et publier de nouveaux manuels, et la direction des établissements, pour réviser les emplois du temps.
Malgré tout, la présidente de l'Adirem est prudente. "Nous préférerions prendre le temps de bien réfléchir les choses. Mais s'il n'y a peut-être pas d'urgence à prendre une décision, il faut commencer à réfléchir très rapidement !"

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