Assises de la santé scolaire : sur le terrain, des professionnelles peu nombreuses et débordées

Alors que les Assises de la santé scolaire se tiennent ce 14 mai, infirmières, médecins, psychologues ou AESH attendent des mesures concrètes pour renforcer l'attractivité du secteur et améliorer leurs conditions de travail.
Infirmiers, médecins, AESH , psychologues ou encore assistantes sociales : différents professionnels de la santé scolaire travaillent dans les établissements scolaires ou les rectorats. Mais entre le manque de personnel et la hausse des besoins, ils ne parviennent pas à répondre aux fragilités de tous les élèves.
Après deux mois de concertation impliquant syndicats, personnels de santé scolaire, parents et élèves, des mesures pour repenser l’organisation et renforcer l’attractivité des métiers de la santé à l’école devraient être annoncées ce mercredi 14 mai, à l'occasion des Assises de la santé scolaire organisées par le ministère de l'Education nationale. En attendant, l'Etudiant a rencontré quelques-unes de ces professionnelles pour comprendre la réalité de leur métier.
Des métiers indispensables au plus près des élèves
La salle d’attente de Lou* ne désemplit jamais. Infirmière scolaire en milieu rural, elle explique que son rôle "ne se limite pas à mettre un pansement" mais à donner un espace de confiance pour l’élève afin "d’évaluer le besoin avant de rediriger vers la psychologue scolaire" ou un autre professionnel de santé en dehors de l’établissement. Les infirmières scolaires reçoivent souvent les élèves à des périodes spécifiques comme "le brevet blanc ou l’entrée en 6e", continue Lou.
Rojine Konya, psychologue de l'éducation nationale (psyEN) en Ile-de-France, ajoute que son bureau offre un espace de "discussions à cœur ouvert, confidentiel, sans jugement". Pour Lou, c’est souvent le fait "d’aider les élèves à se construire" qui motive ces professionnelles. Marie*, AESH en Ile-de-France, abonde : "Je me sens utile. Me lever le matin et me dire que je vais aider un enfant à être plus autonome, c’est très agréable. La joie c’est d’avoir un message d’un parent qui reconnaît votre travail."
Les psychologues, infirmières, assistantes sociales et médecins scolaires sont là pour identifier les maux des élèves afin de les rediriger vers le bon spécialiste en dehors de l’établissement. "Je n'ai pas le droit de prescrire des médicaments, seulement des vaccins" explique Delphine Nicolay, médecin scolaire dans les Bouches-du-Rhône.
Premiers interlocuteurs des élèves en difficulté, les professionnels de santé scolaire sont donc indispensables pour détecter les troubles des élèves sur le terrain, alors même que "les besoins des élèves en matière de santé sont grandissants", selon un rapport parlementaire déposé par l'ancien député Robin Reda en mai 2023. Pourtant, ce même rapport pointe la pénurie de professionnels, avec une baisse de "20% de médecins en milieu scolaire".
La désertification médicale se ressent aussi dans le scolaire
Selon le rapport, seuls 28 médecins scolaires ont été recrutés en 2021, pour 52 postes ouverts. Une inquiétude renforcée par le vieillissement de la profession, avec 35% des médecins âgés de plus de 60 ans. Concrètement, on comptait à la rentrée 2023 un médecin scolaire pour 16.500 élèves, selon les données du ministère de l’Education nationale. Une pénurie qui touche aussi les autres professions : une infirmière et une psychologue pour 1.500 élèves ; une assistante sociale pour 4.200 élèves.
"J’ai 12.000 élèves sur mon secteur avec quatre villes. Il y a des secteurs découverts qui n’ont pas de médecin scolaire", illustre Delphine Nicolay. "Le médecin scolaire, c’est une espèce rare, il fait le travail de quatre ou cinq personnes", constate Rojine Konya.
Selon le ministère de l’Éducation nationale, le manque d’attractivité des métiers de la santé scolaire s’explique par une combinaison de facteurs :
une démographie médicale défavorable,
une méconnaissance du métier par les étudiants en médecine,
une rémunération jugée insuffisante,
l’accroissement constant des missions,
des conditions de travail souvent dégradées.
"J’ai dû batailler pour avoir mon propre bureau, témoigne Rojine Konya. Les conditions ne privilégient pas toujours la relation de confiance entre élève et psychologue. J’ai une collègue qui était installée dans la salle où il y avait l’imprimante."
Des attentes urgentes et un "manque de reconnaissance"
Malgré la passion et la débrouillardise des équipes, le sentiment de bricoler avec peu de moyens domine. Christelle*, psyEN, ressent "un manque de reconnaissance" malgré "sa bonne volonté et les petits miracles" qu’elle opère sur le terrain.
Ce corps de métier attend des Assises qu’elles traduisent enfin leurs besoins en actes concrets, avec un engagement fort de l’Éducation nationale pour recruter et soutenir durablement les personnels de santé scolaire : ouverture de postes, meilleure coordination et fin des suppressions de classes. "Plus on en fait, plus on nous en demande. J’attends que les préoccupations sur la santé mentale se concrétisent en formant des gens et en recrutant davantage de pédopsychiatres", insiste la psychologue scolaire.
Pour beaucoup, la priorité doit aller à la grande cause nationale 2025, santé mentale des élèves, futurs adultes de demain. En effet, beaucoup d’élèves "n'ont pas les codes pour vivre en société", observe Marie.
*Les témoins ont requis l'anonymat
Des métiers très largement féminins
Les métiers de la santé scolaire sont majoritairement féminins, avec 92,8% de femmes parmi les médecins, infirmières, psychologues et assistantes sociales selon le ministère. Delphine Nicolay souligne que "les horaires adaptés et les vacances offrent un vrai confort pour les mamans avec de jeunes enfants".