Enquête

Du chômage chez les jeunes diplômés infirmiers : un phénomène nouveau

Par Virginie Bertereau, publié le 13 décembre 2012
1 min

Des infirmier(e)s sans emploi, qui l’eût cru ? Sur les forums et les réseaux sociaux, les témoignages en ce sens affluent aux dires des représentants des étudiants et des entreprises de recrutement. Mais la crise ne touche pas de la même façon les régions et les employeurs. Analyse d’un phénomène nouveau et conseils pour s’en sortir.

Si une profession semblait à l'abri du chômage, c'était bien celle d'infirmier... Depuis des années – et paradoxalement encore aujourd'hui – les besoins en personnels se font cruellement sentir. À l'origine de cette pénurie : une population française vieillissante qui nécessite des soins, la baisse du nombre de médecins et le départ massif à la retraite des baby-boomers.

Pourtant, depuis le mois de juillet 2012, de nombreuses remontées du terrain font état d'infirmier(e)s sans emploi, notamment des jeunes diplômés.
Le 29 octobre 2012, une page “Infirmier(e)s au chômage” a même été ouverte sur Facebook.  Le message d'accueil indique : “La pénurie d'IDE [infirmiers diplômés d'État, NDLR] est bien réelle et pourtant nous sommes à la recherche d'emploi depuis plusieurs mois. Face à l'absence d'informations sur ce phénomène déroutant, nous avons décidé de créer cette page. Notre objectif est d'évaluer la proportion d'IDE au chômage et de constituer un réseau de partage d'informations. En fonction des résultats, nous conviendrons d'actions à mener ultérieurement.” Les témoignages ont afflué. Idem sur les forums du site Infirmiers.com.


Un afflux massif de jeunes diplômés


Le phénomène est avant tout conjoncturel. Première explication : "2012 est une année un peu spéciale car deux promotions de jeunes diplômés sont arrivées sur le marché de l'emploi, à trois mois d'intervalle. La moitié (ceux qui n'ont pas vécu la réforme du cursus) est sortie après 3 ans et 3 mois d'études, l'autre moitié (ceux qui ont vécu la réforme) est sortie après 3 ans. Résultat : 44.000 jeunes diplômés ont cherché du travail quasiment en même temps au lieu des 22.000 habituels", analyse Stéphane Volleau, responsable communication et marketing chez Appel Médical, une entreprise de recrutement et de travail temporaire dans le milieu de la santé, membre du groupe Randstad France.


Des restrictions budgétaires

 

Seconde explication : la crise économique et donc les coupes budgétaires. À priori, la santé n'a pas pâti des efforts mis par le gouvernement sur l'éducation comme certains le redoutaient à la rentrée 2012. Mais les établissements de santé, à des degrés divers, ont dû néanmoins serrer les vis. “Les remplacements se font moins ou sur une durée plus courte, notamment dans les CHU (centres hospitalo-universitaires) qui proposent des contrats de trois mois au lieu de six auparavant selon les budgets qu'on leur a accordés”, indique un responsable d'une agence de recrutement et d'intérim spécialisée dans la santé en Bretagne.

"Les hôpitaux de Lorraine préfèrent recourir ponctuellement à des retraités ou payer des heures supplémentaires qu'embaucher des nouveaux infirmiers. Pour ma part, j'ai cherché un emploi pendant un mois avant d'être prise à la clinique Louis-Pasteur à Essey-lès-Nancy", témoigne Gaëlle Guérioune, infirmière diplômée en juillet 2012. Sans compter qu'en période de vaches maigres, les personnels en place sont moins mobiles, le turn-over plus restreint.


Le Sud vs le Nord

 

Le phénomène ne touche pas toutes les régions. Le grand Sud, Paris (Île-de-France) et d'une manière générale les métropoles semblent pour le moment épargnées. Autrement dit, les zones plus densément peuplées en professionnels de santé... et en patients. La situation au Nord, notamment en Bretagne, est plus problématique. Le numerus clausus à l'entrée de formation (31.162 en 2012-2013) est pourtant censé être fixé selon les besoins de chaque région. “Oui, mais on ne tient pas compte des mouvements des jeunes diplômés, libres de postuler là où ils le souhaitent. Ils ne cherchent pas toujours du travail dans la région où ils ont effectué leurs études”, nuance Ève Guillaume, présidente de la FNESI (Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers).


Soyez mobiles !
  

Pour ne pas rester inactif, le principal conseil à suivre est d'être mobile. “Il ne faut pas avoir peur de bouger. Les infirmiers ne sont pas spécialisés après leurs trois ans d'études, donc ils peuvent postuler dans n'importe quel service, n'importe quelle structure. Aujourd'hui, il faut prendre le poste qui vient”, préconise la présidente de la FNESI.

Il peut s'agir de changer de ville ou de région (voire de pays en postulant en Suisse ou en Belgique), mais aussi de “s'ouvrir au privé, à l'associatif, à l'hospitalisation à domicile, etc. On se focalise beaucoup sur les hôpitaux publics mais les EHPAD (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), par exemple, ont des besoins forts en recrutement. Il faut gommer l'idée que les soins aux personnes âgées sont moins positifs pour la carrière que les soins techniques”, assure Stéphane Volleau.


Une crise durable ?
  

À priori, “le marché va se remettre naturellement en début d'année 2013 puisqu'il n'y a pas eu de nouvelle promotion de diplômés en novembre. Il faudra attendre ce moment-là pour analyser la tendance”, pronostique le responsable communication et marketing d'Appel Médical. Une crise qui perdurerait irait à l'encontre des projections du ministère de la Santé (lequel, à ce jour, n'a pas répondu à nos questions sur le sujet) sur l'évolution du nombre et de la densité des infirmiers en activité d'ici à 2030 (pdf).

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