Témoignage

Avocat : le métier du rêve à la réalité

Maître Jérémie Assous, avocat de Julien Coupat
Sept années d'études sont nécessaires pour devenir avocat. © Romain BEURRIER/ REA
Par Nathalie Helal, publié le 08 novembre 2018
8 min

Lou-Anne rêve d’exercer comme avocate. Elle a eu le déclic lors de sa troisième année de licence de droit à la fac de Nanterre. Ses études la passionnent. Maître Didier Luengo, avocat, pénaliste, fiscaliste, nous raconte, quant à lui, les réalités de sa profession. Témoignages.

L'Etudiant a rencontré Lou-Anne, 22 ans, qui espère devenir avocate. L'étudiante nous raconte ce qui l'attire dans ce métier et comment elle l'imagine. En parallèle, Maître Didier Luengo, avocat, évoque son quotidien et ses spécificités.

L'étudiante

Pour Lou-Anne, 22 ans, étudiante en master 2 droit pénal fondamental, à la Sorbonne, à Paris : "C’est seulement après trois années de droit à la fac de Nanterre (92) que j’ai eu le déclic. Au départ, je me destinais à une école de commerce. Après avoir obtenu un bac ES, j’ai raté le concours d’entrée de Sciences po. J’ai choisi le droit un peu par défaut. La première année à Nanterre m’a semblé très rébarbative et même improductive, mais j’avais un œil sur les maquettes de procédure pénale de deuxième année, qui m’intéressaient. Je me suis accrochée et j’ai adoré ma deuxième année. La troisième année, on se spécialise avec deux matières par semestre, et j’ai eu des profs extraordinaires à Nanterre. Entre-temps, j’avais lu trois bouquins offerts par mes grands-parents : "La Défense dans la peau", d’Hervé Témine, "Bête noire" et "Directs du droit", d’Éric Dupont-Moretti, qui m’ont beaucoup marquée. Tirer de prison un innocent, lutter contre l’injustice faite à un coupable qui n’est plus dangereux mais qui est terrorisé par la violence de la machine judiciaire, sont les idéaux qui m’ont donné envie d’être avocate pénaliste et experte en droit pénal des affaires. Une phrase en particulier m’a servi de moteur : “Je suis un 'advocatus', celui qui prête sa voix à ceux qui n’en ont pas”. Je veux plaider avant tout, car j’aime écrire, j’aime le théâtre."

"J’ai achevé juste avant l’été un stage de neuf semaines chez Alba, un cabinet d’avocats situé à Paris, dans le IXe arrondissement. J’ai eu la chance qu’on me confie pas mal de responsabilités, comme des analyses de preuves et des stratégies générales de défense, et surtout, j’ai pu être aux premières loges d’un très important procès aux assises d’un des responsables du génocide rwandais. Ce stage m’a confirmée dans ma vocation.

Rêve_Avocate © Yatuu_PAYANT
Rêve_Avocate © Yatuu_PAYANT © Yatuu
J’ai aussi découvert que ce métier change et bouge tout le temps, puisqu’on va au Palais, ou voir des détenus, ou au cabinet, et qu’on rencontre beaucoup de monde. Je suis très soutenue par mes parents, qui me paient mes études, sans me mettre la pression. Dès que j’en ai l’opportunité, je file assister à un procès d’assises. Dans un an, je passe le concours du barreau, et je vais bientôt commencer les concours d’éloquence Lysias : cette mise en scène du droit, à travers des plaidoiries, me plaît énormément. J’ai hâte d’y être et de décrocher mon diplôme !"

Le professionnel

Pour Maître Didier Luengo, avocat, pénaliste, fiscaliste, spécialiste en droit des affaires et en droit de la famille : "La vocation m’est venue à l’âge de 10 ans. Défendre la veuve et l’orphelin, réparer une injustice, et ce côté révolutionnaire et contestataire à la fois qui est le propre de ce métier… J’ai vu et compris très jeune que la vie était injuste, et que tout le monde n’avait pas droit au même traitement, notamment en fonction de son origine sociale. Je suis moi-même issu, en partie, du milieu ouvrier : ma mère travaillait dans une imprimerie ; mon père était dessinateur chez Hachette. Mes parents n’imaginaient pas une seconde que je puisse devenir avocat. D’abord, parce que je n’étais pas du sérail et qu’ils pensaient que je n’arriverais pas à trouver du travail, ensuite, parce qu’à leurs yeux le Graal, c’était d’exercer le métier de comptable ! J’ai même dû travailler pendant et après mes études chez un expert-comptable, ce qui m’a servi par la suite puisque je suis aussi expert en droit de la fiscalité. J’avais décroché un bac technique, option G2 [l’actuel bac STMG], c’est-à-dire comptabilité, qui normalement n’ouvrait pas du tout la porte au métier d’avocat. Nous étions peu nombreux à oser nous présenter en fac de droit. J’habitais à Chaville (92), alors que la plupart de mes camarades étaient des Parisiens des beaux quartiers… "

"J’ai malgré tout passé cinq ans à la fac de Nanterre et, en 1981, j’en suis sorti avec le statut de 'conseil juridique'. Cette profession, qui a disparu en 1987, permettait d’exercer en entreprise, mais les plaidoiries étaient limitées aux conseils de prud’hommes et aux tribunaux de commerce. J’avais commencé l’École du barreau à Versailles, mais je m’étais arrêté pour gagner ma vie, et ce statut de conseil juridique était une bonne alternative. Pendant dix ans, j’ai travaillé à mi-temps pour un notaire, à la rédaction d’actes, un bon exercice d’impartialité. Mon autre mi-temps, je le consacrais à la procédure administrative et fiscale chez Maesson et associés, un cabinet d’avocats de l’avenue Montaigne, à Paris, que j’ai intégré par relations car ma grand-mère avait été la nourrice d’un des avocats… En 1991, j’ai enfin ouvert mon cabinet, et, au début des années 2000, j’ai commencé à faire du droit pénal des affaires.

Aujourd’hui, la profession s’est énormément féminisée et paupérisée aussi. Je conseille à tous les jeunes qui espèrent gagner beaucoup d’argent en devenant avocat de choisir une autre profession, car les choses ont beaucoup changé : le respect et la confiance du client sont rares ; et les gens viennent chercher un prix avant un ­service. La médiatisation joue un rôle immense : je constate souvent qu’il vaut mieux avoir un bon réseau qu’être un bon technicien ! Pour être un bon avocat, il faut avoir non seulement envie de défendre, mais aussi de concilier. Donc, être diplomate, tolérant, à l’écoute, et combatif. Le tout, intelligemment, car il y a, dans ce métier, une grosse partie de bluff. Et bien sûr, posséder la maîtrise de l’écriture et aimer plaider, au seul endroit où il est encore possible de le faire, c’est-à-dire, au pénal."

Sept années d’études après le bac !

Pour devenir avocat(e), il faut passer un examen accessible après un master 1 en droit. Toutefois, la majorité des candidats est titulaire d’un master 2.
Ensuite, au sein des universités, les IEJ (instituts d’études judiciaires) préparent en un an à l’examen d’entrée en CRFPA (centre régional de formation professionnelle d’avocat).
Après y avoir été admis, la formation dure ensuite dix-huit mois (cours, stage en entreprise ou dans une juridiction, et stage au sein d’un cabinet), sanctionnée par le CAPA (certificat d’aptitude à la profession d’avocat).
Enfin, il faut prêter serment et demander son inscription au sein d’un barreau.

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