Comment je suis devenu ingénieur en cybersécurité
Après l’échec scolaire, la passion de Nathan pour les jeux vidéo lui a permis d’accéder, grâce à la filière professionnelle et une bonne dose de persévérance, à un métier en plein essor : ingénieur en cybersécurité. "Un hacker en toute légalité."
Quelque part dans Levallois-Perret (92), Nathan Bramli, 25 ans, vient de démarrer sa journée avec des tests d’intrusion. L’objectif ? Rechercher les vulnérabilités des systèmes chez ses clients. "On a des techniques spéciales pour évaluer l’infrastructure des sites ou des applications et on accompagne nos clients sur tous les types d’impact possibles pour une société", explique-t-il.
Membre d’une équipe de cinq personnes et affecté à divers projets d’audit, il se définit comme un "hacker qui évolue en toute légalité". Ses journées, jamais les mêmes depuis qu’il a intégré l’entreprise il y a quelques mois, le passionnent. "Je fais un métier d’avenir dans lequel j’apprends tous les jours et j’agis de façon autonome. Aux antipodes de ce que mes profs de collège me prédisaient !" jubile Nathan.
Un profil de "décrocheur"
Au collège Georges-Seurat de Courbevoie (92), où il est scolarisé, Nathan ne brille ni par ses notes, ni par son enthousiasme. Son unique passion : les jeux vidéo, auxquels il s’adonne activement sur l’ordinateur familial. Cherchant des techniques pour améliorer ses connaissances en informatique, il devient un as du piratage et des connexions sauvages, quand ses parents changent les mots de passe ou coupent l’accès à Internet. "Ils en avaient tellement marre, qu’un jour, mon père est carrément parti avec la box !" s’amuse-t-il.
Après une 3e catastrophique, il redouble dans un autre collège de la ville, Georges-Pompidou. Malgré quelques efforts et des notes un peu moins mauvaises, le constat d’échec est toujours là. L’étiquette "pas fait pour les études" lui colle à la peau et il en garde un souvenir cuisant. "Les profs ont conseillé à mes parents de m’envoyer faire un métier manuel, alors que je n’en avais aucune envie. Mais j’ai eu un grand coup de chance : une cliente de mes grands-parents bijoutiers leur a parlé d’un lycée privé, situé à Saint-Germain-en-Laye (78), fait pour les "cas" comme moi", se souvient-il. Ce lycée "de la dernière chance" pour Nathan lui offre une place en bac pro systèmes numériques.
Sauvé par la filière pro
Le miracle se produit : tout à coup motivé, il enchaîne avec trois années de lycée pendant lesquelles il est constamment au tableau d’honneur, avec les félicitations. "Le directeur de la filière pro m’a beaucoup aidé à reprendre confiance en moi, je me sentais épaulé et suivi", reconnaît-il.
Lors d’un stage de terminale, en décembre 2012, il découvre l’univers de la cybersécurité, au sein d’une petite PME (petite et moyenne entreprise) parisienne. "En approchant la simulation d’attaques, j’ai pris conscience que ce domaine était un condensé de stratégie et de technique, et que c’était exactement ça que je voulais faire", résume Nathan.
En juillet 2013, son bac pro en poche, il entame un BTS (brevet de technicien supérieur) SIO (services informatiques aux organisations), dans un lycée privé de Courbevoie. Médiocres au premier semestre, ses résultats s’améliorent lentement mais sûrement. Au cours de sa 2e année, moins laborieuse, il reçoit le soutien d’un professeur principal, avec lequel il est encore en contact. L’envie de travailler comme ingénieur en systèmes et réseaux lui trotte dans la tête, mais il n’est pas convaincu d’en avoir les capacités.
Un master et de la suite dans les idées
Aidé par une connaissance familiale, il est alors embauché comme administrateur systèmes et réseaux dans la filiale informatique de Vinci énergie, un poste en alternance. En parallèle, il étudie en licence professionnelle administrateur systèmes et réseaux au pôle Léonard-de-Vinci, à la Défense. "Pendant deux ans, j’ai accompagné les clients grands comptes dans leur transformation digitale. Par exemple, pour le Crédit agricole, il fallait changer tous les téléphones professionnels, en passant de Blackberry à Samsung. Je gagnais environ entre 60 et 80 % du SMIC", se souvient Nathan.
Toujours en alternance, il passe son master à Supinfo International University, une école basée dans la Tour Montparnasse, payée par son entreprise. Diplômé en septembre 2018, il quitte Vinci énergie, malgré des propositions alléchantes : "J’avais envie de tourner la page et d’évoluer. Très rapidement, j’ai été chassé par l’entreprise où je suis actuellement. Une PME de moins de 100 salariés, où je me sens bien, et qui me permet de travailler de façon autonome et agile sur des projets. Les inconvénients ? J’ai beau chercher, je n’en vois pas ! Un conseil pour tous ceux qui aimeraient rejoindre ce type d’entreprise ? Soyez curieux, persévérant et sachez suivre et partager en permanence toutes les évolutions techniques", souligne celui dont la plus grande fierté est d’avoir donné tort aux prédictions pessimistes de ses anciens professeurs.
26 novembre 1994 : Naissance à Paris
Septembre 2010 : Intègre le lycée Saint-Erembert à Saint-Germain-en-Laye (78) en seconde professionnelle
Juillet 2013 : Obtient un bac pro systèmes numériques
Juillet 2015 : Décroche son BTS SIO
Septembre 2018 : Diplômé d'un Master of Sciences (ingénierie informatique généraliste)
La "voie royale" : un bac scientifique, une classe prépa, suivie d’une école d’ingénieurs telle que Télécom ParisTech, Epita ou encore l'ESIEA.
Mais les professionnels ouvrent de plus en plus leurs portes aux jeunes issus des bacs pro poursuivant leurs études en BTS, puis en licence. Des passerelles permettent ensuite d’intégrer des écoles d’ingénierie informatique, comme Ingésup, Supinfo…
Le salaire d'un junior varie de 2.700 à 3.200 € nets mensuels.