Portrait

Comment je suis devenue maquilleuse

Johanna Pariente, 29 ans, maquille aussi bien des mannequins que des hommes politiques.
Le maquillage, une passion de longue date pour Johanna. © Photo fournie par le témoin
Par Nathalie Helal, publié le 27 juin 2019
7 min

À 29 ans, Johanna Pariente vit sa passion de maquilleuse à fond. Créativité, rencontres atypiques et artistiques sont au rendez-vous, à condition de savoir utiliser ses réseaux.

10 heures. Johanna, 29 ans, arrive au domicile d’une animatrice télé, dont elle doit réaliser le maquillage en vue d’une séance photo. Elle traîne avec elle une valise à roulettes, lourdement chargée de centaines de tubes de rouges à lèvres, fonds de teint et palettes, sans oublier des flacons de démaquillants, et, depuis peu, de la laque et un fer à lisser car elle "dépanne" aussi en coiffure si nécessaire. Maquilleuse professionnelle, spécialisée dans le maquillage artistique, Johanna est en réalité polyvalente : depuis qu’elle est entrée dans la vie active, elle enchaîne tournages TV et cinéma, défilés de mode, shootings photo et animation pour les enfants.

De la Fashion Week aux hommes politiques

"Je ne fais jamais la même chose. Je passe du maquillage des hommes politiques avant une émission de télé à un film institutionnel pour une entreprise ou de la Fashion Week à un spectacle de danse contemporaine !", sourit Johanna, qui ne se déplace jamais autrement qu’en voiture pour trimbaler son matériel et arriver à l’heure aux rendez-vous.
Du travail, elle n’en manque pas. Même si, en théorie, une maquilleuse peut connaître des périodes creuses, cela n’est pas son cas. Toujours connectée, à l’affût de nouveaux contacts et surtout partante pour de nouvelles aventures, la jeune femme est une battante, reconnue dans son domaine pour ses compétences et sa créativité. Une jolie revanche après un parcours scolaire qui ne lui a laissé en guise de souvenirs qu’ennui, échec et incompréhension. "Je n’ai jamais aimé l’école. J’étais une élève moyenne dès le début et très vite j’ai compris que je n’arrivais pas à travailler. Je ne pensais qu’à sortir avec mes copines", explique-t-elle.

Kiné ou maquillage ?

À sa décharge, Johanna, alors élève au lycée George-Sand de Domont (95), s’occupe beaucoup de sa mère, gravement malade. Sa passion pour le maquillage, déjà présente dans sa vie de collégienne, prend une autre dimension à ce moment-là : "Je maquillais ma mère, je me maquillais, je pensais maquillage, je vivais maquillage ! J’aimais l’idée de me créer un personnage autre hors des codes grâce à la transformation. Une manière aussi de fuir mes problèmes", avoue-t-elle.
Tentée un moment par le métier de kiné, "pour la relation à la personne et le bien qu’on procure aux autres", Johanna y renonce, découragée par la difficulté des études. Au même moment, elle développe une passion pour les films et les séries fantastiques, dont les couleurs et l’esthétisme la font voyager.
Après une 1re ES, où elle s’est engagée sur l’insistance de sa mère, elle obtient des notes catastrophiques au bac et redouble sa terminale. Elle décroche le diplôme en 2009 puis se lance dans un BTS (brevet de technicien supérieur) communication, vaguement inspirée par un stage de 3e, où elle avait côtoyé avec intérêt le milieu de la mode et du spectacle. Six mois plus tard, elle abandonne. "J’ai fait une sorte de crise d’ado décalée. Du coup, j’ai travaillé quelques mois avec mon oncle, propriétaire de magasins de robes de mariées, pour gagner un peu d’argent."

La voie de l’esthétique

Une maquilleuse, rencontrée peu de temps avant, lui parle de la difficulté de vivre de son art et l’encourage à suivre la voie de l’esthétique. Johanna se jette à l’eau.
S’ensuivront une année de CAP (certificat d'aptitude professionnelle) à l’École Françoise Morice, à Paris, puis deux années de BP (brevet professionnel), en alternance avec un institut de beauté et spa voisin. Elle y travaille trois jours par semaine, en serrant les dents. "L’école était privée et chère, mais on y apprenait la rigueur et l’hygiène, deux vertus essentielles dans ces métiers. J’adorais les cours : soins du visage, du corps, cosmétologie, physique, chimie : tout me passionnait, sauf la technologie des appareils à ultrasons pour les cabines, trop compliquée pour moi. Mais les heures supplémentaires constamment imposées - et jamais récupérées - me hérissaient le poil !", se souvient-elle.

Après son brevet professionnel, obtenu en 2014, Johanna "s’offre" l’École de maquillage parisienne Serge Alvarez, très réputée, pour 10.000 € annuels, sans compter le matériel de maquillage et les photos obligatoires pour la constitution de son book. Elle va suivre à la lettre le conseil donné par l’école, dès le début de l’année : accepter le maximum de collaborations pour récupérer des contacts et des photos. Ses week-ends se remplissent et son carnet d’adresses aussi.

Un métier sans statut officiel

Sortie de l’école, Johanna s’enregistre comme auto-entrepreneure, de façon à pouvoir facturer. "C’est le revers de la médaille : en esthétique, on est diplômé, mais pas en maquillage ! Il existe une sorte de vide juridique dans notre métier : on n’a par exemple aucun statut. Donc pour se déclarer auprès des impôts, cela n’est pas simple ! Je me sens parfois très "saltimbanque", soupire-t-elle.
Sur 70 élèves issues de la même école, seules 4 vivent réellement de leur métier. La différence entre "faire cela pour le glamour et le rêve et en vivre durablement est énorme !", ajoute la jeune femme.
Cette précarité pousse Johanna à aller toujours de l’avant, à se bouger en permanence pour accroître son réseau et à ne pas renâcler sur ses heures. "C’est sûr, ce métier, qui est magnifique et permet de faire des rencontres hors normes, est aussi dur à gérer quand on a une vie de famille, par exemple. Mais, si on se bouge, qu’on est prêt à se remettre en question, à enrichir ses compétences - comme moi qui apprend la coiffure en ce moment -, alors on gagne sa vie plus que correctement et on vit à fond sa passion !"
Johanna Pariente en 6 dates

10 mai 1990 : Naissance à Paris
Juillet 2009 : Bac ES
Septembre 2010 : Démarre un BTS communication
2011 : Entre en CAP esthétique à l’École Françoise Morice
Mai 2014 : diplômée du BP esthétique
Septembre 2014 : entre à l’École de maquillage Serge Alvarez
Comment devient-on maquilleur ?

Il n’existe dans ce secteur que des écoles privées, comme Make up forever, à Paris, Serge Alvarez, à Paris, ou Métamorphoses, à Lyon.
Salaire : de 500 € à 10.000 € nets mensuels.

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