"Je me sens privilégié" : en montagne, en forêt ou à la mer, ils racontent leur travail en pleine nature

Le travail en extérieur et l’absence de routine ne leur font pas peur. Et pour cause, ils et elles ont fait le choix de travailler dans des espaces préservés et sauvages. Témoignages de ces amoureux de la nature.
Qui n’a jamais eu envie d’avoir pour cadre de travail, non pas la carte postale d’une montagne enneigée, mais la montagne elle-même ? Hadrien, lui, en a "toujours rêvé" et en a fait une réalité : il est accompagnateur en moyenne montagne dans les Hautes-Pyrénées. "Être au contact de la nature c’est merveilleux, confie-t-il, d’autant que la faune et la flore évoluent de saison en saison."
Comme lui, de nombreux jeunes diplômés font le choix de travailler en pleine nature. Des cadres de travail idylliques qui demandent parfois une préparation, car ces professionnels sont confrontés aux éléments et à l'isolement.
Guide de montagne, un métier sportif et écolo
Toute l’année, Hadrien accompagne des groupes de randonneurs dans les Pyrénées. Observer les isards, dormir en refuge, nommer les plantes qu’il croise sur son chemin font partie de son quotidien. "On sort par tout temps", précise le spécialiste des milieux enneigés.
Une bonne forme physique est indispensable, notamment pour enchaîner les sorties pendant la haute saison. Ses collègues, guides de haute montagne et moniteurs de divers sports, en savent eux aussi quelque chose.
Hadrien a passé un diplôme d’État de trois ans accessible après le bac, au Centre national de ski nordique et de moyenne montagne, dans le Jura. Lors de sa formation, il a passé en revue les règles de sécurité pour pouvoir faire face à des situations de crise et protéger son groupe. "La montagne est un milieu accueillant qui peut vite devenir hostile et dangereux", rappelle le guide.
Le jeune homme de 35 ans aime transmettre sa passion à ses clients. "Voir mon groupe émerveillé par la rencontre avec la faune sauvage, c’est gratifiant", explique-t-il, insistant sur l’importance du relationnel dans son métier. L’occasion aussi de sensibiliser à la fragilité des écosystèmes qu’il voit se dégrader.
Glaciologue, entre géants enneigés et laboratoires
En tant que glaciologue, Fanny mesure elle aussi l’impact du changement climatique. La jeune femme effectue des missions sur les glaciers des Alpes et en Asie, au milieu des géants enneigés. Sa passion pour la montagne, l’escalade et l’alpinisme sont pour beaucoup dans son orientation. "Au Népal, on campe sur le glacier. Voir le lever de soleil le matin au réveil, c’est assez cool", reconnaît-elle, bien qu’il puisse faire -10°C dans la tente…
Mais la trentenaire prévient, son métier est avant tout très académique et se passe essentiellement derrière un ordinateur. Pour y arriver, Fanny est passée par une classe préparatoire BCPST , puis l’Ecole normale supérieure de Paris avant de se lancer dans une thèse, soit huit ans d’études. Dans le laboratoire de recherche où elle travaille, l’Institut des Géosciences de l'Environnement à Grenoble, certains de ses collègues – ingénieurs, assistants ingénieurs et techniciens – sortent plus souvent qu’elle.
C’est d’ailleurs ce qui a poussé Jean-Rémi à changer de voie. Après une licence en biologie marine puis un master en océanographie, il entame une thèse avant de l’interrompre. "Je me suis rendu compte que le terrain me manquait", explique-t-il. C’est à ce moment que le parc national de Port-Cros dans le Var le recrute en tant que garde littoral saisonnier en 2023 puis 2024. Son rêve se réalise dans le cadre idyllique d’une île préservée du surtourisme.
Océanographe, garde littoral, ornithologue, ingénieur écologue
Ce poste polyvalent l’a amené à réaliser des patrouilles sur terre et en mer pour faire respecter le code de l’environnement, et à faire du suivi scientifique d’espèces sensibles. Désormais, le Varois veut passer le concours de technicien de l’environnement, accessible juste après le bac, pour devenir fonctionnaire et décrocher un poste à temps plein à Port-Cros. Même si cela sera aussi synonyme d’isolement : "il ne faut pas avoir envie d’aller au cinéma le soir", illustre-t-il.
Julian, lui, s’en est passé pendant 14 mois ! Le jeune homme de 31 ans revient d’un volontariat en service civique sur les îles Kerguelen, au large de l’Antarctique, en tant qu’ornithologue. Bien que coupé de sa famille et de ses amis, il n’a pas vu le temps passer, "trop content d’aller compter des manchots".
"Bercé par les reportages Arte", Julian est devenu ingénieur écologue après un master biodiversité, écologie et évolution au Muséum d’histoire naturelle de Paris. Pour travailler le plus près possible de la nature, il a enchaîné les missions de chargé d’études de la faune en métropole avant de tenter l’expérience dans l’archipel Kerguelen.
Le climat presque glacial, le rythme soutenu de son travail et la promiscuité avec ses collègues n’ont pas eu raison de son enthousiasme pour cette mission hors norme, immergée dans un milieu à la beauté sauvage. "Mais il faut avoir un mental solide", reconnaît Julian.
"Il faut être persévérant"
Travailler dans la nature n’est pas forcément lié à un profil de grand sportif ou de naturaliste. Gaël, lui, est devenu photographe et chef opérateur pour des documentaires sur la nature après une formation à l’institut francophone de formation au cinéma animalier de Ménigoute (Deux-Sèvres), accessible avec un niveau licence. "On apprend à tout faire pour se spécialiser ensuite en fonction de ses affinités", explique-t-il.
Trouver des opportunités est difficile mais le jeune homme de 29 ans a réussi à être embauché comme cadreur sur un tournage de quatre mois dans la jungle au Costa Rica. "C'était incroyable de voir toute la richesse de cette nature préservée. Je me sens privilégié", admet-il.
Depuis cette expérience, Gaël n’a pas retrouvé de mission car les opportunités sont rares, mais il travaille sur un projet avec d’autres auto-entrepreneurs qui tournent des documentaires en Méditerranée. Il espère à terme devenir chef-opérateur sous-marin. "Il faut être persévérant", admet-il. Et croire en ses rêves.