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Métiers du textile : avez-vous la fibre innovation ?

Ce drôle de "costume de couchage", imaginé en 2009 par le designer Forrest Jessee, se plie, grâce à ses matériaux "intelligents", à toutes les positions du dormeur.
Ce drôle de "costume de couchage", imaginé en 2009 par le designer Forrest Jessee, se plie, grâce à ses matériaux "intelligents", à toutes les positions du dormeur. © Forrest Jessee
Par Sophie Blitman, publié le 15 septembre 2015
1 min

Des chaussettes antibactériennes ? Non, ce n’est pas de la science-fiction, mais bien l’un des nouveaux produits de la filière textile qui ont vu ou verront le jour dans les années à venir. Pour les imaginer, le secteur a besoin de recruter de nombreuses têtes ingénieuses. Alors, si vous avez un diplôme d'ingénieur et souhaitez un métier innovant, lancez-vous.

Des chaussures connectées qui mesurent le nombre de pas que vous faites, des collants hydratants et drainants, un T-shirt qui prend votre pouls et lance l'alerte si vous tombez par terre... Bienvenue dans le monde des "futurotextiles" ! Connectés, intelligents, fonctionnels : les textiles innovants sont utilisés aussi bien dans l'industrie (automobile, aéronautique, agriculture) que par le grand public, dans le sport, la santé ou les loisirs. Certains se sont déjà frayé un chemin jusqu'aux rayons des magasins, comme le pantacourt minceur de nuit de Lytess qui élimine la cellulite grâce à des microcapsules intégrées ou, pour les plus sportifs, les baskets de Nike capables de filmer un panier et de le diffuser ensuite sur YouTube. Bien d'autres produits, encore à l'état de prototypes, seront disponibles d'ici cinq à dix ans.

Ces textiles dits "innovants" assurent la relève de la filière industrielle traditionnelle, concentrée principalement dans le Nord et en Rhône-Alpes. Au niveau mondial, leur consommation devrait progresser de 30 % d'ici à 2020, et même de 50 % d'ici à 2030.

Les besoins en recrutement sont importants en termes d'ingénieurs, car ce sont eux qui vont piloter l'innovation à toutes les étapes : production, méthodes, qualité, recherche et développement...

Des matières soignantes

Quatre écoles d'ingénieurs offrent des spécialités dans le domaine du textile. Deux sont publiques : l'ENSAIT (École nationale supérieure des arts et industries textiles) à Roubaix (59) et l'ENSISA (École nationale supérieure d'ingénieur Sud-Alsace) à Mulhouse (68). Deux sont privées : l'ITECH (Institut textile et chimique), à Lyon (69), et HEI (Hautes études d'ingénieur) à Lille (59).

Ingénieure chez Sigvaris, société spécialisée dans la compression textile et localisée en Rhône-Alpes, Julia est diplômée de l'ITECH depuis 2009. Elle a intégré l'école après un BTS (brevet de technicien supérieur) de chimie. Sa mission ? "Concevoir de nouveaux produits de compression textile, pour le secteur médical, qui reste notre cœur de marché, mais aussi pour le bien-être et le sport, à partir d'un cahier des charges fourni par le service marketing, qui a identifié tel ou tel besoin."

Exemples parmi d'autres, cette paire de chaussettes dotées d'un traitement antibactérien ou ces leggings qui donnent "un effet minceur grâce à un infrarouge lointain agissant sur la microcirculation et indirectement sur la cellulite", explique la jeune femme, dont le travail "comporte une partie de veille technologique pour être au fait des dernières tendances et "sourcer" des matières premières innovantes". À 29 ans, Julia apprécie la dimension scientifique de son métier, mais aussi "le challenge" que représente le "pilotage de projets, de la conception à la réalisation", ainsi qu'elle le fait.

Des vêtements signaux d'alarme

Constance, 24 ans, achève, quant à elle, sa thèse à l'ENSAIT de Roubaix. Elle met au point une pâte à partir de matériaux plastiques conducteurs. Celle-ci a pour but d'être appliquée sur une étoffe afin de la faire changer de couleur quand on applique une tension électrique. "Ce procédé pourrait servir à fabriquer des vêtements de sécurité qui avertissent, par exemple, lorsque la température monte ou que le rythme cardiaque faiblit", indique la jeune chercheuse, qui envisage, après sa thèse, de créer sa start-up.

Pour ceux qui n'ont pas la fibre entrepreneuriale – ou ne sont pas en mesure de crier tout de suite "Eurêka !" –, ils peuvent envisager un poste d'ingénieur qualité. Celui-ci est essentiel, car il consiste à garantir que le produit fini correspond bien à la demande initiale. Diplômée de l'ENSAIT en 2012, Laura-Hélène, 25 ans, occupe cette fonction chez Alpex Protection, une PME située dans le département de la Loire et spécialisée dans la fabrication d'EPI (équipements de protection individuelle), l'un des domaines d'application des textiles techniques. "Nous travaillons notamment pour des uniformes de militaires ou de pompiers : notre spécialité est de coller une membrane pour rendre le tissu totalement imperméable mais "respirant". On ajoute éventuellement d'autres propriétés ignifugeantes ou anti-abrasives, afin que l'étoffe ne s'abîme pas avec les frottements", détaille Laura-Hélène, qui se réjouit de "travailler sur des projets complètement différents. C'est un continuel apprentissage".

Des tissus pour aller dans l'espace

L'un des attraits des ingénieurs pour les textiles de demain, c'est cette possibilité, au quotidien, d'innover, de tester... d'imaginer l'impossible pour qu'il devienne réalité. "Le textile est un domaine en constante évolution", témoigne Jean-Laurent, 23 ans. Passionné de sport, le jeune homme est entré chez Decathlon, à Villeneuve-d'Ascq (59) en 2011, en tant qu'apprenti pendant sa formation à l'ENSAIT. Aujourd'hui en CDI (contrat à durée indéterminée), il est ingénieur composants et technologies. À ce titre, il est chargé de choisir le meilleur tissu, la fibre la plus adaptée à la fabrication des différents modèles de tentes et sacs de couchage. "Il y a toujours de nouveaux produits à inventer, pour améliorer les performances et offrir de nouveaux avantages : rendre les tentes plus légères, compactes et résistantes. C'est aussi à moi de proposer des innovations, comme ce traitement chimique appliqué sur le tissu qui permet de faire baisser la température à l'intérieur de la tente, même si celle-ci est exposée au soleil toute la journée."

Dans quelques années, on devrait même pouvoir récupérer dans une batterie la chaleur emmagasinée par la toile et la transformer en électricité ! De quoi tenter les plus écolos. Et, pour les amateurs d'étoiles, sachez que les constructeurs utilisent déjà les textiles composites dans les structures des fusées pour en alléger le poids. Les spécialistes du secteur en sont convaincus : l'avenir du textile réside de moins en moins dans les vêtements, mais dans les milliers de potentialités industrielles qu'il reste encore à explorer.

Des débouchés à bac+2/3
Outre les ingénieurs, le secteur textile a besoin de techniciens pour réaliser les essais et assurer la maintenance des machines. Titulaires d'un BTS (brevet de technicien supérieur) ou d'un DUT (diplôme universitaire de technologie) en chimie, productique, logistique... ils sont généralement formés en interne, chaque entreprise ayant ses méthodes spécifiques.

À partir de ce socle de compétences obtenu à bac+2, une licence professionnelle sur les textiles techniques ou innovants, comme celle de l'université Lille 1 en partenariat avec l'ENSAIT, permet de se spécialiser dans ce secteur et d'accéder à des postes plus qualifiés. Enfin, les entreprises recrutent également des opérateurs pour faire fonctionner les machines, généralement titulaires d'un bac professionnel industriel (spécialités matériaux, maintenance, pilote de ligne de production...).

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