Interview

Quel avenir pour les métiers du droit ?

Par Gabrielle Blanchout-Busson, publié le 17 mai 2011
1 min

Devenir magistrat ou avocat n’est pas la seule opportunité offerte aux quelque 30.000 étudiants qui s’inscrivent en droit chaque année… Voici, selon nos experts, les spécialisations à privilégier pour assurer demain.

Dominique Montabrie, fondatrice et dirigeante du cabinet Equiteam, cabinet de conseil en recrutement juridique et fiscal.


Quels sont les métiers qui recruteront d'ici 5 ans ?
 
"En général, les juristes traversent bien les crises. Même si le marché de l’emploi est relativement restreint comparé au nombre d’étudiants, ceux qui arrivent à y entrer sont assez gâtés en termes de rémunération, de continuité de l’emploi et d’opportunités professionnelles. Deux secteurs me semblent très porteurs : le droit social et le droit fiscal, pour lesquels il y a toujours une réforme en cours. Ces domaines sont toujours plus complexes, les entreprises ont besoin d’experts. Je pense également au droit de la concurrence, qui est en pleine ébullition et qui présente des perspectives internationales, puisque c’est un droit européen. Enfin, même si le droit des sociétés est un peu au ralenti actuellement, les besoins sont constants dans ce domaine. C’est d’ailleurs là qu’on trouve la majorité des juristes."

Quel choix d'études aujourd'hui ?
 
"De bonnes études de droit confèrent la structure intellectuelle nécessaire pour travailler. Si on poursuit par un M2 [master 2] d’école de commerce et/ou une expérience à l’étranger, qui procurent un très bon niveau d’anglais, on a un cursus complet. L’essentiel reste d’aller au contact de l’entreprise et du monde professionnel. Il faudrait que les étudiants ne se considèrent plus comme des élèves, mais qu’ils apprennent les relations de travail, qu’ils n’hésitent pas à poser des questions, à prendre des initiatives et des décisions."


Anne-Laure Paulet, secrétaire générale de l’AFJE (Association française des juristes d’entreprise)

 
Quels sont les métiers qui recruteront d'ici 5 ans ?

"En ce qui concerne le droit des affaires en entreprise, les étudiants doivent avoir en tête que leur métier aura forcément une dimension internationale. Même s’il est difficile de se projeter à moyen terme, le droit des contrats reste la base du métier, notamment pour les contrats internationaux, le contentieux et l’arbitrage. Je pense aussi au droit de la concurrence. Enfin, on peut imaginer que le développement durable et la responsabilité sociale des entreprises, s’ils ne généreront pas énormément d’emplois directs, deviendront des sujets transversaux à tous les domaines. Par ailleurs, le juriste de demain ne sera pas un juriste isolé au sein de l’entreprise, mais un professionnel sachant s’adapter et communiquer avec les autres départements et manager un projet."

Quel choix d'études aujourd'hui ?

"Les étudiants doivent être conscients que sans un niveau de M2, ils n’entreront pas en entreprise. L’idéal est d’y ajouter un très bon niveau d’anglais, une formation au droit anglo-saxon et une double formation de type école de commerce ou science politique. Sinon, on peut vite se trouver bridé dans son évolution de carrière. C’est déjà un prérequis pour in­tégrer les grandes entreprises, et je pense que cela s’étendra aux PME (petites et moyennes entreprises) dans les années à venir. Mon conseil est d’effectuer un maximum de stages et de passer un an à l’étranger afin d’apprendre à travailler avec des équipes multiculturelles. Il faut également se former aux outils informatiques. Aujourd’hui, on travaille beaucoup à distance, en visioconférence et de manière virtuelle, ce qui nécessite des savoirs spécifiques."


Emmanuelle Spiteri-Doffe, sous-directrice du recrutement et de la validation des compétences à l’ENM (École nationale de la magistrature).


Quels sont les métiers qui recruteront d'ici 5 ans ?

 "L’École nationale de la magistrature forme les juges et les procureurs par un cursus de trente et un mois alternant périodes de stage et d’études. Cette formation professionnelle mène aux fonctions du siège et aux fonctions du parquet. Il faut savoir que de plus en plus de diplômés sont nommés sur des fonctions de substitut placé et de juge placé (fonctions qui conduisent à travailler dans les différentes juridictions d’une cour d’appel selon les besoins). Cela implique une très grande mobilité. Même avec d’autres fonctions, il est important d’intégrer cette dimension, car pour pouvoir évoluer dans sa carrière, il faut être mobile sur l’ensemble du territoire français et des territoires d’outre-mer."

Quel choix d'études aujourd'hui ?

"À travers notre concours d’entrée, nous recherchons de bons juristes, et avec une personnalité correspondant aux capacités attendues des magistrats : ouverture sur la société d’aujour­d’hui, qualités d’écoute et d’échange… Si l’on peut se présenter sans préparation spécifique, il est conseillé d’en suivre une, par exemple dans les universités au sein des instituts d’études judiciaires. Nous avons aussi une classe prépa intégrée à l’ENM pour les élèves issus de milieux défavorisés qui ont un bon dossier."


Chloé Charron, manager exécutif senior division "Juridique & Fiscal" chez Page Personnel.

Quels sont les métiers qui recruteront d'ici 5 ans ?

"Aujourd’hui, parler anglais est un plus, mais ce sera sûrement un impératif dans les années à venir. Cela tient, notamment, à la demande croissante en juristes liés aux projets internationaux, avec des spécialisations en droit des contrats internationaux. Les PME réalisent qu’elles peuvent difficilement fonctionner sans un juriste interne, aux compétences polyvalentes et en lien avec leur activité. Le juriste en droit social reste également très recherché, et il y a une forte demande pour les juristes spécialisés en droit bancaire."

Quel choix d'études aujourd'hui ?

"Le bac+5 est désormais obligatoire, sauf pour les personnels administratifs, qui travaillent sous la responsabilité directe d’un juriste. Nous sommes dans une mutation juridique qui tend vers plus d’expertise internationale (nécessitant au moins une ouverture sur l’Europe pendant ses études) et vers plus d’opérationnel (ce qui exige un changement de savoir-être et des compétences de communicant). Outre un éventuel double diplôme d’école de commerce, je conseille des stages dès le début de son cursus, pour déterminer son projet professionnel, mais aussi pour se démarquer des autres bac+5 qui n’ont qu’un seul stage de six mois sur leur CV. Cela facilite l’insertion professionnelle, qui peut être difficile."


Jean-Luc Minier, responsable pédagogique des projets professionnels et personnels au sein du département carrières juridiques à Lyon 3


Quels sont les métiers qui recruteront d'ici 5 ans ?

"Le rapport sur la prospective des métiers à 2015 montre un gros gisement d’emplois dans le champ des carrières juridiques, du bac+2 au bac+5. Les évolutions de la société entraînent une sophistication des normes, ce qui exige des techniciens juristes de plus en plus pointus et compétents, que ce soit dans le droit international, mais également dans le droit fiscal (qui prendra de l’importance à l’issue de la crise, où les rapports des marchés seront redéfinis et devront être régulés), le droit des biens et le droit des responsabilités – en rapport avec les évolutions du Code civil."

Quel choix d'études aujourd'hui ?

"Le DUT [diplôme universitaire de technologie] carrières juridiques est un diplôme professionnalisé qui ouvre à des emplois de technicien ou d’agent de maîtrise. Environ 20% de nos étudiants trouvent directement un emploi, 50% continuent en licence pro, souvent en alternance, et les autres 30% poursuivent leurs études dans une filière plus générale (en L3 pour ceux qui ont un très bon dossier, sinon en L2). Il faut aussi garder en tête que tout n’est pas figé lorsqu’on entre sur le marché du travail. Grâce à la formation continue, il y a moyen d’accéder à un niveau supérieur une fois en entreprise."

Vous aimerez aussi

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !