Claire, ingénieure en informatique : "Ce métier n'a pas vocation à être masculin"
VIDÉO - SÉRIE "AVEC UN E". Les clichés autour des métiers de l'informatique sont encore prégnants dans l'esprit collectif. Et pour cause, le secteur reste encore en majeure partie préempté par les hommes. Rencontre avec Claire, qui nous raconte son parcours en tant que femme dans le métier.
Inutile de compter bien longtemps, au sein de l'open space constitué d'une trentaine d'écrans d'ordinateurs, Claire est bien la seule femme de l'équipe parmi ses collègues. Un constat que la jeune ingénieure, diplômée du CESI à Arras (62) en 2022, a fait bien assez tôt. "Quand je suis arrivée en classe prépa, j'étais la seule fille de ma promo", se souvient-elle.
"La seule fille de ma promo"
À la différence d'autres filières de l'ingénierie comme l'industrie chimique ou l'agroalimentaire, l'informatique reste un domaine qui comporte, encore aujourd'hui, une majorité d'hommes. Le pourcentage de femmes suivant des études d’ingénieur en informatique est passé progressivement de 30 à 40% dans les années 70 à 10 à 15% aujourd’hui, selon les chiffres issus du livre d’Isabelle Collet, Les oubliées du numérique, paru en 2019.
Et pour cause, Claire se souvient encore des différentes visites d'écoles qu'elle a effectuées lors des journées portes ouvertes des établissements, en terminale. "Dès qu'on pousse la porte, la plupart de nos interlocuteurs sont masculins. C'étaient toujours des garçons qui me faisaient les visites", raconte-t-elle. A tel point que "ma mère m'a demandé si cela allait me déranger de faire cinq ans d'études dans un milieu d'hommes", admet-elle.
Elle effectue finalement son cursus entier en informatique en étant la seule fille de sa promo. "Cela faisait quatre ans que l'école n'avait pas eu de filles dans cette filière, c'était un événement", explique l'ingénieure en informatique et réseaux, qui affirme que "même si elle n'a pas eu de copines d'écoles", elle s'est sentie "bien intégrée".
L'informatique, une vocation pour "l'avenir"
Malgré ce constat, Claire ne s'est jamais sentie découragée. "J'ai toujours aimé les nouvelles technologies", explique-t-elle. Lorsque la jeune ingénieure, à l'époque lycéenne en bac S (qui rassemblait notamment mathématiques, SVT et physique chimique avant la réforme du lycée, ndlr), réfléchit à ce qu'elle veut faire, l'ingénierie vient assez facilement.
Puis l'informatique suit de près. "L"aspect évolutif, le fait que ça bouge tout le temps : c'est ça qui m'a plu directement", fait savoir la jeune femme. Encore aujourd'hui, dans le cadre de son poste, Claire se réjouit d'une forme de dynamisme constant. "Il faut toujours être en veille sur les nouvelles solutions technologiques", détaille-t-elle.
"Se renseigner, se demander quelle configuration sera la meilleure : c'est gratifiant d'aller chercher par soi-même, cela permet d'acquérir en autonomie et organisation de travail", confie l'ingénieure en réseaux et télécommunications chez Axians, qui a pour projet éventuel de se spécialiser dans des domaines précis à l'avenir, telle que la cybersécurité.
Déconstruire les clichés autour de l'informatique
Claire admet néanmoins qu'elle n'aurait jamais pu découvrir sa vocation sans les démarches qu'elle a effectuées. "A nous, les femmes, on ne nous parle pas assez de ces métiers-là", affirme-t-elle. Et quand l'idée prend forme dans l'esprit des jeunes filles, l'influence du cercle familial peut créer une forme d'auto-censure. "Inconsciemment, les inquiétudes formulées par les parents peuvent les faire changer d'avis", ajoute l'ingénieure. "Quand on a 18 ans et qu'on ne sait pas trop ce qu'on veut faire, l'avis des parents compte forcément".
Par ailleurs, la préexistence de clichés sur l'image collective de "l'informaticien" peut encore avoir son rôle à jouer dans les orientations. "Quand on parle d'informatique, on pense encore trop au stéréotype du geek, à lunettes, derrière son ordinateur dans une pièce sombre", déplore Claire. "En réalité, nous sommes des personnes lambda qui avons aussi d'autres passions que les jeux vidéo".
C'est pourquoi il est nécessaire, selon elle, de multiplier les actions de sensibilisation concrètes auprès des jeunes femmes. "Au-delà du temps de parole", affirme-t-elle. "Il est primordial de leur montrer plus factuellement notre travail du quotidien, afin de leur donner une image plus honnête du métier, et de leur expliquer qu'il n'est pas du tout inaccessible aux femmes".
"Porter la voix" auprès des jeunes filles
Diplômée depuis seulement deux ans, Claire a déjà participé à plusieurs salons pour promouvoir l'informatique auprès des filles. Elle l'affirme haut et fort : "ce métier n'a pas vocation à être masculin". Elle assure ne jamais avoir été en difficulté pour une mission dans le cadre de son poste ou parce qu'elle serait en minorité parmi une majorité d'hommes.
Seulement, "nous sommes encore trop peu nombreuses" à pouvoir "porter la voix" de l'informatique au féminin auprès des jeunes filles. Pour elle, si une sensibilisation doit avoir lieu, elle doit se faire grâce aux représentations. En n'oubliant pas – entre autres – que la première personne à avoir créé un programme informatique était une femme : Ada Lovelace, en 1843. "Il faut continuer de faire connaître ces noms".