Témoignage

Comment je suis devenu boucher-restaurateur

Après un début de carrière dans la banque, Alexandre a tout quitté pour devenir boucher.
Après un début de carrière dans la banque, Alexandre a tout quitté pour devenir boucher. © Romain Buisson
Par Nathalie Helal, publié le 20 mars 2019
7 min

Le métier s'est imposé à lui de façon quasi irrésistible. Alexandre, 32 ans, est devenu boucher, après une grande école de commerce et une carrière dans la banque. Un changement de cap qui est aussi une prise de risques loin des revenus confortables que lui offraient sa précédente activité.

Il est 9 h 30 quand Alexandre Bottée de Toulmon ouvre les portes de sa boucherie, dans un quartier animé du XIe arrondissement de Paris. En réalité, sa journée a démarré dès 8 h du matin, heure tardive pour un boucher. Mais Alexandre n’hésite pas à se lever régulièrement aux aurores pour aller voir les bêtes, ou rencontrer sur leurs terres les éleveurs avec lesquels il travaille.
Avec Bidoche, sa boucherie-restaurant, ce jeune trentenaire a réalisé son rêve, aux antipodes de son parcours initial. Élève sérieux et appliqué, cadet d’une fratrie de cinq enfants, il est le fils d’un militaire de carrière et d’une mère au foyer. "On déménageait tous les quatre ans, toujours dans des villes de garnisons, où on partageait notre quotidien avec d’autres enfants de militaires. En 3e, j’ai compris que j’en avais marre de bouger tout le temps. J’ai intégré le lycée militaire de la Flèche sur concours, pour devenir interne. Je m’y suis tellement senti bien que j’en ai oublié de travailler et que j’ai dû redoubler ma seconde !" sourit-il.

Formé en école de commerce

Mais l'année suivante, ses résultats s'améliorent grandement. Par goût pour l’économie, Alexandre opte pour la série ES et décroche son bac avec mention bien en 2004. Il n’a pas encore d’idée précise de ce qu’il veut faire, mais intègre une prépa économique au lycée Chateaubriand, à Rennes. Son souhait : tenter HEC, l’ESSEC et l’ESCP Europe, de grandes écoles de commerce en région parisienne. Il intègrera finalement l’EDHEC, à Lille. Durant ce cursus, qui s’achève en juillet 2009, il passe deux années en stage en entreprise. Au détour d’un passage en banque, il se découvre une passion pour les fonds d’investissements spéculatifs.

Un détour par New York... et puis revient

Après un an et demi passé à New York, d’abord dans une banque d’investissement, puis au Crédit agricole en VIE (volontariat international en entreprise), il est contraint de revenir en France : la crise financière a frappé la finance américaine de plein fouet, courant 2011. Rentré à Paris, Alexandre décroche un poste au contrôle interne de la Société Générale. Mais il s’ennuie profondément et s’interroge...
Convaincu de n’être plus en phase avec la finance, Alexandre rejoint un cabinet de conseil opérationnel en management et stratégies pour les banques en 2013. Il "claque" allègrement sa paie confortable dans de bons restos. Gourmet, il s’intéresse de plus en plus à l’univers de la gastronomie, suivant avec passion le parcours d’un Hugo Desnoyer et d’un Yves-Marie Le Bourdonnec, deux bouchers alors sous les projecteurs. "Une phrase d’Hugo Desnoyer, dans l'une de ses interviews, m’avait frappé : "'Il manque 2.000 bouchers en France'. C’est à ce moment précis que j’ai eu envie de monter ma boîte."

Conquis par les bouchers

Au même moment, les problèmes d’éthique concernant l’élevage et de l’abattage des bêtes, et la montée en puissance du courant vegan, alimentaient régulièrement le débat sur la viande. "Tout cela me passionnait, au point que je suis allé à la rencontre de quelques-uns de ces bouchers, qu'ils soient connus ou pas. Les écouter parler de leur métier avec des étoiles dans les yeux, ce mélange d’aspect technique, commercial et franchouillard à la fois, m’a définitivement conquis : j’ai démissionné. Je me souviens que la personne chargée des ressources humaines à qui j’ai expliqué que j’allais suivre une formation de boucher m’a demandé si j’étais bourré !" s’amuse Alexandre.

Les deux règles d'or

Ce grand costaud d’1m85 pour 75 kilos ne craint ni les réveils précoces, ni le froid, ni les charges lourdes, au contraire. Enthousiaste, il intègre l’ENSMV, située dans le XIIe arrondissement de Paris, pour une année en alternance. "Comme la filière manque de bouchers, la formation était prise en charge financièrement. Beaucoup étaient comme moi en reconversion quand j’ai passé le CQP [certificat de qualification professionnelle, identique au CAP et reconnu par l’État]".
J’ai décroché mon premier contrat chez les Boucheries Roger, dans le XVIIe arrondissement, avec un patron goguenard qui pensait que j’allais tenir une journée. Dès le premier jour, j’ai compris les deux règles d’or de ce métier : 1. Être toujours à l’heure. 2. Ne jamais dire non !"

Une boucherie-restaurant

L’aventure se poursuit un an et demi, période pendant laquelle Alexandre explore toutes les facettes du métier, en gagnant l’estime de ses collègues et patrons. Faute de moyens, il a dû renoncer à son appartement et est retourné vivre chez ses parents, mais n’en finit pas d’apprendre et d’affûter ses connaissances.
Deux ans plus tard, en août 2017, il lance Bidoche, une boucherie et un restaurant de viandes et de vins de 30 couverts, où l’influence new-yorkaise est aussi perceptible qu’un certain esprit très français : un doux mélange de forces vives et de traditions, à l’image d’une viande bien élevée.
Alexandre Bottée de Toulmon en 6 dates

15 mai 1986 : naissance à Hoffenburg (Allemagne)
2000 : entre au lycée militaire de La Flèche (72)
2004 : bac ES
Juillet 2009 : diplômé de l’EDHEC
Février 2014 : intègre l’ENSMV
Août 2017 : ouverture de Bidoche, à Paris
La formation de boucher

Sans le bac :

un CAP boucher, un CTM (certificat technique des métiers) boucher ou préparateur option boucherie (deux ans en alternance, organisé par l’APCM), une MC (mention complémentaire) employé traiteur (un an après le CAP).
Niveau bac : un BP (brevet professionnel) boucher, deux ans après le CAP ou le bac pro ou un bac pro boucher-charcutier-traiteur.
En reconversion professionnelle : le certificat de qualification professionnel boucher. C’est une formation en alternance, plus courte, et qui se concentre sur l’apprentissage des principales découpes de viandes. Le diplôme n'est pas reconnu par l’État, mais par la branche professionnelle.
Salaire : le salaire varie selon qu’on est ouvrier-boucher ou chef de rayon (en magasin type grande surface) : de 1.800 à 4.000 € environ. Pour un artisan-boucher, les revenus sont très variables, mais avec une clientèle régulière, le salaire peut devenir rapidement attrayant.

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