Portrait

Comment je suis devenu chef pâtissier

Yann Le Douaron s'est pris de passion pour son métier de chef pâtissier à 11 ans.
Yann Le Douaron s'est pris de passion pour son métier de chef pâtissier à 11 ans. © Photo fournie par le témoin
Par Nathalie Helal, publié le 25 janvier 2019
6 min

Sa passion pour la littérature semblait destiner Yann à de tout autres horizons que les cuisines d’un grand restaurant. Mais très tôt, la vision féérique des croissants sortis du four chez le boulanger, son goût pour le sucré et son perfectionnisme l’ont porté à un métier tout désigné : pâtissier !

Yann Le Douaron apporte tout juste la touche finale à son essai : un montage savant à base de gavotte au chocolat et crémeux caramel beurre salé, accompagné d’une glace à la cardamome. Déjà plusieurs semaines qu’il y travaille, mais il n’en est toujours pas satisfait : pas assez chocolaté à son goût, même si le rendu visuel semble au point.

La faute a un excès de perfectionnisme ? "Quand on est chef pâtissier, c’est la base ! Il m’arrive souvent de réaliser des essais durant deux ou trois mois avant que cela fonctionne enfin. Et là, je prends mon pied !", sourit-il.

Des débuts précoces

À 28 ans, nommé chef pâtissier du groupe Edern depuis septembre 2018, il est le pâtissier du très tendance et éponyme restaurant parisien. Il est également responsable de toute la partie pâtisserie et viennoiserie qui prendra bientôt place à l'hôtel W, situé dans le quartier de l’Opéra, à Paris.

Yann est loin d'être un débutant. "C’est à l’âge de 11 ans que j’ai mis les pieds dans le fournil d’une boulangerie-pâtisserie pour la première fois. Avant cela, je voulais être vétérinaire et j’avais une véritable passion pour la lecture ! J’habitais en banlieue de Nantes, avec ma famille."

"Un jour, s’est ouvert juste à côté de chez nous une très jolie boulangerie, avec ouverture sur le fournil. J'en regardais sortir les croissants et les pains au chocolat avec fascination."

"Mes parents sont devenus amis avec les propriétaires et j’ai obtenu l’autorisation d’aller préparer le pain et les viennoiseries avec eux à 3 h du matin. Ma mère me récupérait vers midi le dimanche. Je ne voulais plus partir !", se souvient-il.

Considéré plus "intellectuel" que "manuel" par ses professeurs

Après deux mois de cet exercice, s’est posé le problème de la légalité à faire travailler un mineur, hors stage et hors apprentissage. C’est aussi le moment qu’ont choisi ses parents pour ouvrir des chambres d’hôtes ainsi qu’une boutique-salon de thé en Bretagne.

"J’ai profité de mon année de 3e pour multiplier les stages auprès d’artisans boulangers-pâtissiers : cinq tout au long de l’année, pendant les vacances scolaires, trois semaines à chaque fois. J’ai dû demander des dérogations !", raconte Yann.

Petit à petit, sa passion s’enracine et se mue en choix professionnel. Mais son professeur de français déconseille fortement à son père de le laisser devenir pâtissier, car son profil est jugé plus "intellectuel" que "manuel"…

À un croquembouche du Meilleur apprenti de France

Soutenu dans sa vocation par ses parents, le jeune homme intègre le CFA (centre de formation des apprentis) de Vannes, en section BEP (brevet d'études professionnelles) pâtissier. Interne, il effectue deux ans en alternance, à l’école et chez un artisan. Il enchaîne avec un CAP (certificat d'aptitude professionnelle) de boulanger, toujours au CFA et en alternance chez un autre artisan.

Les journées sont intenses, la fatigue est au rendez-vous et il lui arrive de s’endormir à l’école, mais il tient bon. Repéré par ses profs du CFA pour le concours du Meilleur apprenti de France, il travaille d'arrache pied et voit ses espoirs ruinés à la dernière minute par un incident : "Parmi les pièces imposées, il y avait un croquembouche [pièce montée en choux et nougatine]. À cause du stress, j’ai pris mon croquembouche pour le poser sur le buffet, sans support. Ma plaque de nougatine s’est cassée en deux, tout a fini par terre et j’ai été disqualifié", glisse-t-il avec une pointe de regret.

Une suite de rencontres décisives

Une rencontre de la mère de Yann avec la famille du chef pâtissier Guy Savoy va décider de la suite de son avenir professionnel. À Paris, il intègre à 17 ans les cuisines du restaurant du chef, rue Troyon, et y passe un an en alternance avec une formation complémentaire "desserts de restaurants".

Malgré l’humanité du chef, Yann y découvre la dureté du métier.

"J’ai persévéré car je voulais passer le BTM (brevet technique des métiers), découvrir des facettes plus pointues de mon métier. J’ai passé deux ans à l’EPMTTH à Paris, toujours en alternance, chez le pâtissier Carl Marletti, un second papa pour moi. Après cela, et grâce à mon réseau, j’ai intégré le Plaza Athénée comme chef de partie, sous la direction de Jean-Marie Hiblot, puis au bout de huit mois, le Peninsula, comme sous-chef pâtissier.

Une autre rencontre m’a permis de progresser à pas de géant : Angelo Musa, toujours au Plaza, qui m’a enseigné les techniques des grands. Avec ces hommes-là, des vrais passionnés, on oublie la fatigue, les genoux qui vrillent et les cervicales et le dos douloureux… On retient l’adrénaline du service, la performance, la créativité en éveil, la rapidité et… l’humilité !", conclut Yann, avant de retourner à ses essais forts en chocolat.

Yann Le Douaron en 5 dates

25 octobre 1990 : naissance
2008 : BEP pâtissier
2009 : repéré pour devenir Meilleur apprenti de France
2012 : diplômé du BTM
2014 : chef de partie au Plaza Athénée
2016 : sous-chef pâtissier au Peninsula
Comment devenir chef pâtissier ?

- CAP boulanger ou pâtissier chocolatier confiseur puis/ou bac pro boulanger-pâtissier ou bac technologique hôtellerie
- BM de pâtisserie
- Mention complémentaire pâtisserie confiserie chocolaterie glacerie après le bac
- Pour aller plus loin : le BTM (postbac ou post-CAP)

Le salaire moyen oscille entre 2.300 € et 2.900 € brut environ.

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